Marietta KARAMANLI interroge le gouverneur de la Banque de France et le directeur du Trésor sur les mesures prises lors du dernier sommet européen ; elle s’inquiète du niveau de l’évasion et de la fraude fiscales au niveau de l’Europe

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Le 24 juillet lors de la réunion commune de la commission des affaires européennes dont je suis Vice-Présidente et de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, toutes deux recevant M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France, et de M. Ramon Fernandez, Directeur général du Trésor, je suis intervenue pour demander des précisions sur la façon dont les mesures décidées par le dernier sommet européen seraient mises en Å“uvre.
Plus précisément je me suis inquiétée des délais au terme desquels les banques pourraient être recapitalisées directement (sans que cela ne pèse sur les Etats et leurs dettes souveraines) et de la prise en compte d’éventuelles fraudes commises par les dirigeants des établissements bancaires et financiers.
Parallèlement j’ai demandé des précisions sur le volet croissance des engagements des chefs d’Etats et notamment l’activation des crédits du fonds d’ajustement à la mondialisation.
Enfin j’ai souhaité que la fraude à grande échelle estimée à 1000 milliards d’Euros au niveau de l’ensemble des pays européens soit vraiment bien prise en compte.
Autant de points sur lesquels, je suis et resterai vigilante.

Marietta KARAMANLI


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Commission des affaires européennes, mardi 24 juillet 2012
16 h 15

I. Audition, conjointe avec la Commission des finances, de M. Christian Noyer, Gouverneur de la Banque de France, et de M. Ramon Fernandez, Directeur général du Trésor, sur la mise en Å“uvre de l’accord du 29 juin 2012 relatif au pacte de croissance et à l’union bancaire

Mme Marietta Karamanli.

Dans quel délai les banques pourront-elles être recapitalisées directement ? Qui écrira les règles du nouveau régime bancaire et qui les validera

Un économiste américain, William Black, a récemment étudié la faillite des caisses d’épargne aux États-Unis, scandale précurseur de celui des subprimes, mettant en évidence le concept de « fraude dirigeante ». Des mesures sont-elles prises pour prévenir plus efficacement ce type de fraude ?

En ce qui concerne le volet croissance, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, doté d’environ 500 millions d’euros par an, qui aide les travailleurs à retrouver un emploi et à développer de nouvelles compétences, a-t-il bien été activé ?

D’autre part, le pacte de croissance contient-il des mesures de lutte contre l’évasion fiscale, qui, selon l’ONG britannique Tax Research, fait perdre à l’ensemble des pays européens 1 000 milliards d’euros par an, soit bien plus de cinq fois le budget total de l’Union ?.

M. Christian Noyer.

Madame Karamanli, je ne saurais vous répondre sur les fraudes dirigeantes. Mais la crise des caisses d’épargne américaines fournit une analogie très intéressante qui me permet de répondre également à M. Myard. Aux États-Unis, jusque dans les années soixante-dix, les banques petites et moyennes n’étaient contrôlées que par un superviseur d’État ; les grandes banques l’étaient par la Fed, par l’Office of the Comptroller of the Currency ou par la Securities and Exchange Commission €“ très mauvaise idée, abandonnée depuis. La crise des caisses d’épargne a montré que le système ne fonctionnait pas puisque sans intervention fédérale, les caisses d’épargne de certains États auraient fait faillite.

On a donc chargé le Federal Deposit Insurance Corporation, jusqu’alors uniquement destiné à garantir les dépôts sur le territoire américain, de mettre fin à cette crise mais aussi, plus généralement, d’assurer la supervision de tous les superviseurs d’État, puis, plus tard, de résoudre les problèmes des banques en les recapitalisant ou en les fermant de manière ordonnée. Voilà ce qu’il faudrait faire dans la zone euro.

M. Ramon Fernandez.

Sur la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, beaucoup de travaux ont été réalisés dans la période récente, notamment dans le cadre du G20. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales a clairement identifié des juridictions non coopératives ; elles font l’objet d’un suivi très attentif, et public. Il en va de même en matière de blanchiment, de financement du terrorisme ou en matière prudentielle.

Nous pourrons vous transmettre des éléments précis ; en tout cas, ce sujet est bien identifié et fait l’objet d’actions assez importantes. Une commission d’enquête du Sénat a tout récemment examiné cette question de manière très complète.

L’intégration solidaire et ses modalités constituent à l’évidence une question éminemment politique, sur laquelle je me garderai de me prononcer. Je peux vous dire, en revanche, que lors des road shows de l’Agence France Trésor €“ destinés à vendre la dette française dans le monde afin que nos taux d’intérêt demeurent bas €“ nous entendons toujours la même chose : les investisseurs ont besoin de comprendre où nous allons ; ils veulent être rassurés sur le fait que nous souhaitons rester ensemble €“ et pour rester ensemble, il faut nécessairement franchir une nouvelle étape. En tout cas, les investisseurs ont besoin d’une réponse claire à leurs interrogations.

Le rapport d’Herman Van Rompuy, préparé avec les présidents de la Commission européenne, de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne, va loin, au point d’ailleurs que le Conseil européen ne l’a pas formellement endossé. Il s’agit bien, comme en a parlé le Président de la République, d’intégration « solidaire » : pas d’intégration sans mécanisme de solidarité ; pas de nouvelles compétences partagées €“ dans le cadre du six-pack, du traité ou du two-pack €“ sans davantage de solidarité. Cette solidarité pourrait s’exprimer, par exemple, par des outils de mutualisation de la dette. L’Union ne peut pas, comme l’a dit Mme Bérès, se résumer à une union de sanctions.

L’été s’annonce, avec tous ses dangers. Mais, nous qui sommes tous un peu moroses, rappelons-nous le premier trimestre 2012 : au mois de janvier, les spreads étaient très élevés ; en Italie, ils l’étaient même beaucoup plus qu’aujourd’hui. Le doute sur notre capacité collective à répondre au problème était généralisé. En l’espace de trois mois, les taux d’intérêt ont pourtant massivement diminué. Quelques-uns d’entre nous étaient au mois d’avril dernier au sommet du G20 à Washington : les Chinois, les Américains, le FMI, tous les observateurs nous ont félicités d’avoir réagi. Les opérations de refinancement à plus long terme €“ LTRO €“ de la BCE, le renforcement du Fonds européen, la recapitalisation des banques européennes, l’adoption d’un mécanisme européen plus flexible : ces réponses étaient à la mesure des attentes.

Ensuite, nous avons connu la difficultueuse communication de l’Espagne ; les élections grecques ont conduit à s’interroger sur la capacité de ce pays à tenir son programme, qui est la contrepartie des 240 milliards de prêts que la communauté internationale s’est engagée à lui accorder. À partir de là, la machine à douter s’est remise en marche.