Le 23 octobre lors de l’audition par la commission des affaires européennes dont je suis la Vice-présidente, de Monsieur Bernard CAZENEUVE, ministre des affaires européennes, je me suis inquiétée des mécanismes de supervision des banques que l’union européenne entend mettre en oeuvre.
La supervision a pour objectif de contrôler en permanence les risques au sein de chaque établissement ce qui va au-delà du respect de la réglementation (1) .
J’ai fait remarquer que la crise financière résultait à la fois de l’absence de règles mais aussi de l’inapplication de celles-ci.
J’ai rappelé ma demande d’un retour à des systèmes plus cloisonnés, par activité €“ de dépôt ou d’investissement €“ ou par secteur d’intervention, comme l’immobilier.
Je me suis inquiétée des sujets pour lesquels l’Union européenne doit aussi faire des proposition à savoir la création d’un mécanisme de résolution des crises et des garanties apportées aux déposants.
Le ministre dans sa réponse a fait valoir que de nouvelles règles prudentielles garantiraient que les errements d’hier ne se reproduiraient pas, en particulier du niveau de capital dont doivent justifier les banques pour toute activité autre que de dépôt.
Il a annoncé l’arrivée au terme de la procédure classique de deux textes préparés par la Commission en 2010 et 2012.
Pour ce qui est de la séparation des activités bancaires, il a convenu qu’il fallait compléter par une disposition de séparation des activités de dépôt et spéculatives.
A ce titre il a mentionné que Le rapport Liikanen, commandé par le commissaire Barnier, qui évoque cette perspective et pourrait inspirer, y compris au niveau national, des dispositions installant une cloison étanche entre ces activités.
(1) La supervision passe notamment par la définition d’orientations, de recommandations et de normes techniques contraignantes, afin d’assurer l’application cohérente du droit communautaire à travers l’Union européenne et par la coopération entre les autorités nationales de supervision pour une meilleure harmonisation des pratiques, y compris via un pouvoir de médiation contraignante en cas de désaccord entre deux superviseurs d’un même groupe financier trans-frontières et dans des situations d’urgence décrétées par le Conseil de l’Union européenne.
Commission des affaires européennes, mardi 23 octobre 2012
17 h 45, Compte rendu n° 10
Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente de la Commission des affaires européennes
I. Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, sur le Conseil européen des 18 et 19 octobre
Mme Marietta Karamanli.
La question de la supervision est à la fois très sensible et très complexe. On ne voit pas bien encore les orientations qui seront données à cette supervision ni qui les décidera.
On a constaté que, avant la crise de 2008, des zones de dérégulation existaient à côté d’acteurs déjà régulés, des banques notamment, et que la crise n’était pas seulement liée à la dérégulation mais aussi à une régulation non respectueuse de règles.
Je me demande s’il ne faudrait pas revenir à des systèmes plus cloisonnés, par activité €“ de dépôt ou d’investissement €“ ou par secteur d’intervention, comme l’immobilier.
S’agissant de l’Espagne, il ressort des commentaires de la presse sur le Conseil européen que Madrid commence à s’inquiéter du risque de voir les 100 milliards d’euros de recapitalisation lui échapper. Cette crainte est-elle fondée, sachant qu’on a entendu des responsables européens annoncer que l’opération prendrait du temps et que les banques espagnoles ne seraient pas recapitalisées avant la fin 2013, probablement 2014 ? La crise bancaire ne risque-t-elle pas de devenir une crise de la dette ?
La Commission devait travailler sur deux autres volets un peu plus délicats : la création d’un mécanisme de résolution des crises et la garantie pour les déposants. Où en est la réflexion ?
M. Bernard Cazeneuve.
Mme Karamanli, comment assurer une bonne régulation de l’activité bancaire ? D’abord, avec les dispositions du dispositif Bâle 3, bientôt traduites par un ensemble de règles prudentielles auxquelles l’ensemble des banques européennes devra se conformer €“ le paquet législatif « CRD4 ». Ces règles prudentielles garantiront que les errements d’hier ne se reproduiront pas, en particulier s’agissant du niveau de capital dont doivent justifier les banques pour toute activité autre que de dépôt. Ce dispositif réglementaire CRD 4 est en cours de discussion au sein du trilogue : la Commission européenne a proposé, il y a maintenant une discussion entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen pour stabiliser définitivement cette réglementation. Elle permettra d’avoir les ratios prudentiels dont les banques ont besoin pour que, avec la supervision, d’une part, ces ratios prudentiels, d’autre part, l’union bancaire demain, nous puissions avoir un dispositif global efficace.
M. Myard, lorsqu’un dispositif de résolution des crises bancaires est envisagé, il est amorcé par des fonds publics mais a vocation à être assuré, en relais, par un mécanique assurantiel financé par les organismes bancaires eux-mêmes.. C’est assez logique, d’ailleurs. Pour le passé, il existe des dispositifs de recapitalisation qui doivent permettre d’éponger la situation.
Nous devons compléter l’ensemble de ces mécanismes par une disposition de séparation des activités de dépôt et spéculatives. Le rapport Liikanen, commandé par le commissaire Barnier, évoque cette perspective et pourrait inspirer, y compris au niveau national, des dispositions installant une cloison étanche entre ces activités.
Le Conseil européen a acté le principe que, dès lors que la supervision bancaire sera en Å“uvre, la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité pourra intervenir. Cela permettra aux États de ne pas avoir à procéder à la recapitalisation de leurs banques en levant des capitaux à des taux d’intérêt prohibitifs sur les marchés. Sans attendre que cette décision soit appliquée, nous avons, conformément à la décision de l’Eurogroupe prise en juillet, mobilisé une enveloppe de 100 milliards d’euros qui permettra la recapitalisation des banques, nonobstant l’intervention du mécanisme européen de stabilité en recapitalisation directe. Sur ces 100 milliards d’euros, aujourd’hui 30 milliards sont disponibles, et nous savons que le solde est un peu supérieur aux besoins de l’Espagne pour éponger la recapitalisation résultant des difficultés passées. Il y a donc un tuilage possible entre les instruments arrêtés par l’Eurogroupe et les mécanismes européens de stabilité en recapitalisation directe des banques après mise en place de la supervision. Ces deux projets pourraient éviter les risques que redoutaient Mme Karamanli et M. Piron. D’ailleurs, l’Espagne n’a pas réagi négativement à la décision du Conseil européen de vendredi, ayant bien vu qu’elle était couverte par les moyens que nous avions mobilisés.
S’agissant du mécanisme de résolution des crises bancaires, deux textes préparés par la Commission en 2010 et 2012 doivent arriver au terme de la procédure législative classique. Il n’est pas exclu que la résolution des crises bancaires, appelant pour partie un dispositif de mutualisation, ne puisse se mettre en Å“uvre qu’après une modification des traités existants. Nous ne pourrons donc peut-être pas aller au bout de l’union bancaire si cette condition n’est pas remplie.
Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises la relation franco-allemande. Ce qui compte à la fin, c’est qu’il y ait un compromis. En général, le compromis entre la France et l’Allemagne s’établit au barycentre des positions respectives des deux pays, ce qui signifie que chacun a eu l’occasion de les exprimer. Dorénavant, la préparation des conseils européens obéit à une temporalité qui n’existait peut-être pas auparavant : d’abord, chacun affirme ce sur quoi il n’est pas d’accord, puis on recherche des points d’accord en faisant entrer l’Espagne, l’Italie ou d’autres pays dans la discussion €“ ce sont les cercles dont nous parlions. De cette manière, le compromis obtenu n’est pas le fait d’un directoire qui impose à tous sa volonté, ce qui est bien meilleur pour la dynamique européenne.
C’est ainsi que nous avons procédé pour la supervision bancaire. Nous voulions la supervision de toutes les banques sous l’autorité de la BCE ; les Allemands avaient une position différente. Nous avons obtenu ce que nous voulions dans le cadre d’un calendrier qui permet aux Allemands de se préparer. C’est un bon compromis.