Marietta KARAMANLI saisit la nouvelle ministre de la justice pour que soit garanti le droit des parlementaires à vérifier effectivement la sécurité des lieux de détention ou de rétention

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J’ai écrit le 22 mai dernier à Mme TAUBIRA, nouvelle Garde des Sceaux et ministre de la Justice à propos d’une circulaire prise par le précédent Garde des Sceaux et précisant les conditions dans lesquelles les parlementaires peuvent exercer leur droit de visite des établissements pénitentiaires.
La loi leur reconnaît depuis plus de 10 ans ( depuis 2000 précisément)
la possibilité de visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires.
Il s’agit d’une prérogative visant à faire exercer par les parlementaires un contrôle sur ces lieux.
La circulaire telle qu’elle a été rédigée laisse à penser que les parlementaires ne peuvent entrer en contact d’aucune façon avec les personnes retenues ou gardées alors même ce droit vise à permettre à la représentation nationale de recueillir toute information utile sur le respect de la sécurité dans ces lieux et des droits élémentaires des personnes qui y sont. Dans ces conditions j’ai souhaité au nom de plusieurs de mes collègues une clarification. Il ne s’agit pas de s’entretenir avec une personne retenue ou détenue en particulier mais de pouvoir vérifier de façon sommaire auprès de ces personnes que la et leur sécurité est bien assurée au sein des dits lieux ou locaux.
Au moment où une association nationale a entrepris une grande campagne d’information sur les prisons et demande à ce que régulièrement la presse puisse accompagner les dits parlementaires dans leur visite, il semble utile d’avoir la certitude que le droit des parlementaires s’entend bien comme celui de s’assurer la sécurité des lieux et des personnels mais aussi des personnes retenues ou détenues.


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Madame TAUBIRA
Garde des Sceaux
Ministre de la Justice

Je me permets d’attirer votre attention sur le contenu de la circulaire du 25 juillet 2011 relative aux visites des établissements pénitentiaires par les parlementaires (référencée NOR : JUSK1140037C).

Le texte de la circulaire

La dite circulaire précise que « certains élus peuvent souhaiter s’entretenir avec les personnes détenues. Si les parlementaires sont clairement investis d’une mission générale de contrôle des établissements pénitentiaires, il ne leur est conféré qu’un pouvoir de visite des locaux, qui n’inclut nullement la possibilité pour eux de rendre visite à un détenu en particulier, hors conditions du droit commun. Un parlementaire ne saurait ainsi se présenter à l’établissement pour rendre visite à une personne détenue en particulier sans avoir au préalable sollicité un permis de visite auprès de l’autorité compétente. Pour rappel, ces permis doivent être délivrés par le magistrat saisi du dossier de la procédure s’agissant des personnes détenues »€¦
A l’égard des personnes condamnées, les chefs d’établissement veilleront à répondre favorablement aux sollicitations de visite des parlementaires, sauf si des considérations liées à la dangerosité de la personne détenue ou au trouble au bon ordre de l’établissement que provoquerait une telle visite s’y opposaient.
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Dans l’hypothèse où un parlementaire viendrait rendre visite à une personne détenue en particulier, la visite devrait de la même façon se dérouler dans les conditions du droit commun, c’est-à-dire sous la surveillance visuelle d’un personnel pénitentiaire.

Les interrogations que je partage avec plusieurs collègues députés

Cette circulaire suscite des interrogations chez plusieurs de mes collègues députés dont je me fais, ici, la porte-parole.
S’il n’est pas contestable que la visite d’un détenu en particulier (demandée comme telle) relève bien d’un droit de visite accordé par un magistrat et doit se dérouler dans des conditions de droit commun de celle-ci, l’affirmation selon laquelle « la loi n’a conféré qu’un pouvoir de visite des locaux, qui n’inclut nullement la possibilité pour eux de rendre visite à un détenu en particulier, hors conditions du droit commun » est discutable si cette prescription tend à empêcher un parlementaire de voir un ou des détenus et à échanger même sommairement avec eux, en respectant, évidemment, les mesures de sécurité qui s’imposent. Est-ce cette possibilité d’échanges dans le cadre de cette visite générale avec les personnes détenues (et non pas seulement « condamnées » ?) que traduit le paragraphe « A l’égard des personnes€¦ » ?
J’ai relu une partie des débats parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et les droits des victimes qui a modifié, par un article 32 J le code de procédure pénale, en insérant l’article 720-1-A autorisant les députés et les sénateurs à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires.
Dans les débats préalables à l’adoption de cette disposition, les parlementaires ont notamment pris pour référence et exemple l’intervention du comité européen pour la prévention de la torture, et des peines ou traitements inhumains ou dégradants dépendant du Conseil de l’Europe (voir en sens l’intervention de Robert Badinter au Sénat). Très clairement, les délégations du CPT jouissent d’un accès illimité à tout lieu de détention et ont le droit de se déplacer sans restriction à l’intérieur de ceux-ci. Elles s’entretiennent sans témoin avec des personnes privées de liberté et peuvent entrer en contact librement avec toute personne susceptible de leur fournir des informations.
Dans le même ordre d’idée, d’autres députés ont cité en référence, soit la loi italienne dite « ordinamento penitenziario » de 1975 qui autorise diverses autorités publiques à visiter les locaux et à s’inquiéter des conditions d’incarcération, soient les problèmes de suicide et de surpopulation carcérale.
De façon générale les députés ont d’ailleurs considéré que la présence des représentants de la Nation serait perçue comme positive par les détenus ce qui suppose, selon moi, la possibilité de contacts mêmes limités avec eux€¦

La nécessité d’une clarification

Pour ces raisons, je souhaiterais que la circulaire soit complétée. Il me semble qu’elle devrait explicitement prévoir que toute demande d’un parlementaire tendant à s’entretenir avec des détenus, présents au moment de la visite, de leurs conditions de détention, en tenant compte de la nécessaire sécurité des personnes, et sans qu’il soit lui possible d’évoquer les affaires pénales qui les concernent devrait être possible. Il me semble que toute ambiguïté de rédaction tendant à ne pas retenir cette possibilité devrait être enlevée du texte.
Votre prédécesseur aux fonctions ministérielles que vous occupez, et que j’avais saisi, m’avait répondu par lettre du 7 février 2012 que la modification de la circulaire dans ce sens était juridiquement impossible.
J’espère votre attention bienveillante et je vous remercie par avance de l’attention que vous voudrez bien apporter à ma demande.
Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’assurance de mes salutations les meilleures.

Marietta KARAMANLI