Marietta KARAMANLI « Sécurité des jouets de nos enfants : des progrès sont sensibles mais nous devons rester vigilants et être aussi plus exigeants »

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120px-Black_Peter_icon.png Quelques jours avant Noël, j’ai eu l’occasion de faire une communication devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale sur la réglementation visant à renforcer la sécurité des jouets et à diminuer les risques d’accidents pour les enfants. Une nouvelle directive européenne a été adoptée et devra être appliquée en France à partir de 2011. Elle prévoit un renforcement de la conformité des jouets aux exigences essentielles de sécurité qui soit fondée sur l’usage prévisible du jouet et un développement de l’information des consommateurs notamment en interdisant les avertissements en contradiction avec l’utilisation même du jouet. Elle préserve la langue comprise des consommateurs c’est-à-dire, dans notre pays, le français. Elle étend les garanties exigées aux jouets d’activité comme ceux de jardin ou de plein air. Elle renforce les restrictions d’emploi de produits cancérigènes et mutagènes, fixe des limites aux produits parfumant allergisants et encadre l’utilisation de certains métaux. Si elle constitue donc un progrès, la vigilance est de rigueur pour faire face à la production de jouets utilisant de nouvelles techniques qui peuvent s’avérer tout aussi dangereuses. De plus les dérogations comme les seuils d’exposition déterminent des niveaux de risques à bien apprécier. Par ailleurs, de très nombreuses anomalies continuent d’être détectées lors des contrôles diligentés et menés par l’administration. A titre personnel, je suis convaincue qu’il faut que l’ensemble des jouets soit certifié « CE » et qu’une information sur le respect des règles sociales et environnementales soit disponible pour les consommateurs. Comme députée, j’y serai attentive.


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Retrouvez le texte intégral de ma communication devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mercredi 16 décembre 2009
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
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III. Communication de Mme Marietta Karamanli sur la sécurité des jouets

Cette année, le cadre européen qui régit la sécurité des jouets a été modifié. L’ancienne directive 88/378/CEE du 3 mai 1998 a été remplacée par la directive 2009/48/CE du 18 juin 2009. Ce texte n’est cependant pas d’application immédiate. La date limite retenue pour sa transposition est le 20 janvier 2011. Son application est prévue pour le 20 juillet 2011. Selon les éléments communiqués par la DGCCRF et la DGCIS, sa transposition en France exige la publication d’un décret et d’un arrêté.
Ces textes nationaux sont en cours de rédaction.

Pour ce qui concerne son dispositif, la nouvelle directive prévoit plusieurs avancées.

Il s’agit d’abord du renforcement de l’obligation de conformité aux exigences essentielles de sécurité €“ une déclaration de conformité doit être rédigée €“ qui repose non plus sur le comportement habituel des enfants, mais sur l’usage prévisible, en tenant compte du véritable comportement des enfants €“ casse, démontage €“, ainsi que d’un accroissement des obligations des producteurs, des importateurs et des distributeurs, notamment grâce à l’obligation de retirer ou de rappeler, si nécessaire, les jouets dangereux.

La directive renforce ensuite l’information du consommateur. Sur ce point, conformément aux attentes de la France, elle interdit notamment les abus de marquage qui permettent parfois de se dédouaner un peu vite des obligations légales. Le nouveau dispositif interdit que les avertissements, tels que, par exemple, « ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois », puissent être en contradiction avec l’utilisation à laquelle est destiné le jouet, de par ses fonctions, ses dimensions ou ses caractéristiques.

Par ailleurs, la question linguistique, tant pour l’information des consommateurs que pour l’information des autorités de contrôle, est laissée à la compétence des Etats membres, conformément au principe de subsidiarité. Cette solution, qui permet de garantir le maintien du français, est satisfaisante.

S’agissant de son champ d’application, la directive répond aux attentes exprimées par la commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale lors de sa réunion du 17 décembre 2008, avec l’inclusion des livres jouets et intègre, en outre, comme c’était souhaitable, les jouets d’activité €“ jouets de jardin et de plein air €“ selon une définition jugée plus adaptée.

Enfin, la directive comprend des avancées sur les risques. D’une part, il y a une meilleure prévention des risques mécaniques avec l’interdiction des jouets accessibles uniquement par consommation d’un aliment et, d’une manière générale, l’exigence d’un emballage spécifique qui ne peut être inhalé ou ingéré, pour les jouets associés à des denrées.

D’autre part, des mesures sont prévues sur le risque chimique. C’est un sujet essentiel. En Allemagne, l’Institut fédéral chargé de l’évaluation des risques €“ Bundesinstitut für Risikobewertung €“ a fait part le 14 octobre dernier de la présence de matières cancérogènes dans les jouets pour enfants, sous la forme d’hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Concrètement, la nouvelle directive prévoit trois éléments : d‘une part, l’interdiction de principe des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), mais avec des dérogations ; d’autre part, des mesures propres aux substances parfumantes allergisantes ; enfin, des valeurs limites de migration pour les métaux toxiques.
De manière plus précise, s’agissant des CMR, elle pose le principe de l’interdiction des substances et mélanges relevants des actuelles catégories 1 et 2 €“ qui correspondent à celles aux risques avérés et qui sont les futures catégories 1A et 1B prévues par le règlement no 1272/2008 et catégorie 3 €“ soit les substances dont le risque est soupçonné et qui constituent la future catégorie 2 prévue par le règlement no 1272/2008).
Les exceptions prévues sont encadrées par deux dispositifs. D’une part, elles doivent figurer dans l’une des annexes de la directive. D’autre part, des conditions de fond alternatives sont fixées : des quantités inférieures à certains seuils ; une inaccessibilité aux enfants, même par inhalation ; une décision spécifique prise par comitologie, après évaluation scientifique et en l’absence notamment de substitution possible et d’interdiction de la substance ou du mélange correspondant par le règlement REACH, pour les CMR 1A et 1B.

Pour ce qui concerne les substances parfumantes allergisantes, deux catégories sont définies : celle des substances dont la présence est interdite, au nombre de cinquante-cinq ; celle dont la présence doit faire l’objet d’une information du consommateur, au nombre de onze. Une dérogation est prévue pour les jeux de table olfactifs, les ensembles cosmétiques et les jeux gustatifs.

Pour les métaux toxiques €“ chrome ; cuivre, nickel, plomb, zinc €“, les valeurs limites de migration distinguent trois cas de figure : la matière pulvérulente ; la matière liquide ou collante ; la matière grattée.

Dans l’ensemble, ce dispositif représente un instrument d’amélioration par rapport à la situation actuelle. Il ne garantit pas, néanmoins, l’élimination de tout risque, notamment au fur et à mesure de l’évolution des connaissances et du progrès scientifique et technique. Tout dépendra de ses modalités d’application.

Aussi convient-il d’être particulièrement strict et vigilant pour les mesures qui seront prises par comitologie : modification des annexes, notamment des valeurs limites d’exposition ; dérogations précitées.

Il faut donc appeler d’ores et déjà l’attention du Gouvernement sur l’importance du suivi des mesures d’exécution de manière que les jouets soient le plus sûr possible, dans les meilleurs délais.
Notamment, il convient de veiller à ce que le dispositif actuel prévienne bien la présence dans les jouets de perturbateurs endocriniens. Un groupe de travail a été créé sur le sujet dans le cadre du Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, deux autres points exigent un progrès.
Le premier concerne la certification par les organismes tiers.
Selon la nouvelle directive, l’intervention d’un tel organisme tiers pour la certification « CE » est prévu soit lorsque le fabricant n’a pas appliqué toutes les normes harmonisées couvrant la totalité des exigences essentielles de sécurité pertinentes pour le jouet concerné, soit lorsque de telles normes n’existent pas, soit lorsque le fabricant souhaite une telle intervention, sur une base volontaire. On ne peut que regretter que la certification systématique par un organisme tiers n’ait pas été prévue ni annoncée.

Le deuxième concerne l’information des consommateurs sur l’origine du jouet, et notamment sur les normes sociales et environnementales applicables dans les pays concernés, celui de conception comme celui de fabrication. Une telle information serait certainement favorable à la sécurité des jouets et au-delà, des produits.

Elle permettrait notamment, en avertissant le consommateur, d’accroître la portée des contrôles effectués par les autorités compétentes, dans le cadre de chacun des Plans d’action annuels.

Au niveau européen, il faut rappeler que le système RAPEX permet l’alerte rapide de l’ensemble des Etats membres, en cas de produits dangereux. Pour 2008, le nombre des notifications pour tous les produits a augmenté de 16 %, avec 1866 contre 1605 en 2007.

La part des produits chinois s’est accrue, s’établissant à 59 % en 2008.

Pour ce qui concerne les jouets, les vélos et les trottinettes sont notamment cités. Une coopération a été engagée par ailleurs avec la Chine en 2008, avec la mise en place d’un RAPEX-China notamment.
Récemment la Commissaire européenne à la protection des consommateurs, Mme Meglena Kuneva, a rappelé son intérêt pour la sécurité des produits, notamment que 30 % des guirlandes de Noël testées présentaient des risques sérieux €“ selon le communiqué de presse IP/09/1864 du 2 décembre 2009 €“ et a publié également les douze « astuces » relatives à la sécurité des jouets €“ Toys Tips €“ pour un Noël en sécurité.

Au niveau national, selon les éléments communiqués par la DGCCRF, les contrôles en matière de jouet sont de l’ordre de 15.000 par an depuis 2005 et le nombre d’établissements visités à tous les stades de la commercialisation est de l’ordre de 4.000.

Les prélèvements sont en progression depuis cinq ans pour atteindre 766 en 2008, ceci résultant à la fois « d’une expertise grandissante et d’une spécialisation des enquêteurs ».
L’analyse des prélèvements montre que la proportion des articles en anomalie est en légère baisse, la part des articles prélevés et conformes passant de 46 % en 2006 et 2007 à 51,8 % en 2008.

La part des articles prélevés non conformes et dangereux s’est établie à 26,9 % en 2008, contre 34,7 % en 2007. Les trois premiers risques associés aux produits sont l’ingestion, la présence de substances CMR et la suffocation. S’agissant des anomalies de nature formelle, ce sont celles relatives au marquage « CE » qui prédominent, avant l’absence d’instruction ou de mode d’emploi.

Il faudrait donc conserver une vigilance pour l’année à venir.

M. Jean Gaubert. Les chiffres présentés par la rapporteure sur la décroissance des défauts sont intéressants, mais j’aimerais savoir s’ils sont liés à une amélioration de la qualité chez les fournisseurs ou à un déroutage des produits vers d’autres ports en Europe moins contrôlés que les ports français. Il est bien connu que la rigueur n’est pas la même dans certains ports, ailleurs en Europe, et j’éprouve une crainte à cet égard après avoir visité certains ports du Nord il y a deux ou trois ans. Il serait utile de rapporter ces chiffres à la quantité de jouets vendus sur le marché français, mais je sais que c’est difficile.
Ensuite, des contrôles sur la sécurité même efficaces peuvent laisser passer un certain nombre de jouets traîtreusement dangereux comme les vélos ou les trottinettes vendus à très bas prix. Ils ne résistent pas à des tests de solidité, mais les douanes n’ont pas les moyens de faire ces tests et se limitent à des contrôles de sécurité portant par exemple sur l’analyse des peintures.
Je m’interroge enfin sur les types de dérogations évoquées par la rapporteure relatives à l’interdiction des produits cancérigènes et la manière dont elles sont encadrées.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) nous a indiqué que les contrôles vont au-delà des douanes et portent sur tous les stades de la commercialisation, jusque dans les magasins. Des échantillons sont prélevés mais des améliorations pourraient certainement encore être apportées. On peut déjà dire que la mise en place du système RAPEX a permis de trouver rapidement tous les jouets dangereux pour les retirer du circuit.

Concernant les risques, trois éléments doivent être évoqués :

 d’abord le principe de l’interdiction des substances et mélanges relevant des actuelles catégories 1 et 2 susceptibles d’évoluer ;

 ensuite des exceptions encadrées par deux dispositifs, d’une part en les faisant figurer dans une annexe à la directive, d’autre part en leur fixant des conditions de fond ;

 enfin, des décisions spécifiques peuvent être prises par la comitologie après évaluation scientifique, notamment l’absence de substitution possible de l’interdiction de la substance ou du mélange par le règlement REACH pour les CMR 1 et 2 actuelles.

L’encadrement des exceptions a été bien précisé, mais il faut une veille sur ce point et poursuivre la recherche afin d’éviter tout risque et d’adapter les règles, comme cela a été fait pour la peinture ou le traitement du bois.