Marietta KARAMANLI s’intéresse à l’efficacité des dépenses de l’Union Européenne et à la coordination des organes de lutte contre la fraude

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Le 12 novembre dernier la Commission des Affaires Européennes de l’Assemblée Nationale, dont je suis la Vice-Présidente, a auditionné M Michel CRETIN, Magistrat de la Cour des Comptes Européenne.
Je l’ai interrogé sur les relations de la Juridiction avec un organisme de lutte contre les fraudes (OLAAF) à qui elle transmet les signalements d’irrégularités qui peuvent être des fraudes.
Je l’ai aussi questionné sur l’avis qu’elle avait pu émettre sur la création d’un Parquet Européen qui aura pour mission de poursuivre les délits mettant en cause les intérêts financiers de l’Union Européenne.
Je l’ai enfin sollicité sur le montant des dépenses exécutées qui font l’objet d’une évaluation annuellement et la possibilité faire « plus et mieux ».
Le magistrat m’a indiqué que l’OLAF ne rendait pas compte à la Cour ce que je trouve étonnant et qui, à mon avis, peut nuire à la cohérence de l’action de lutte.
Il a précisé que la Cour n’avais pas été saisie pour avis concernant la mise en place d’un nouvel organe juridictionnel.
S’agissant de l’efficacité des dépenses et des contrôles, il a fait trois recommandations :

 que les organes chargés de contrôles dans les Etats membres fassent leur travail,

 que la réglementation soit simplifiée,

 que les contrôles soient moins nombreux mais plus ciblés.
Il a enfin fait plusieurs observations critiques sur les dépenses de la Politique Agricole Commune, dont les buts paraissent, selon lui, mal définis.


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Commission des affaires européennes, mardi 12 novembre 2013
16 h 30,
I. Audition de M. Michel Cretin, membre de la Cour des comptes européenne

Mme Marietta Karamanli.

La Cour des comptes européenne ne dispose d’aucune compétence juridictionnelle propre. Lorsqu’elle constate une fraude, elle saisit l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF).
Quelles relations entretient-elle avec lui ?
Celui-ci lui rend-il compte des résultats de ses investigations ? Existe-t-il un véritable dialogue entre les deux organes ?

La Cour a-t-elle été consultée sur la création du parquet européen, qui aura compétence pour défendre les intérêts financiers de l’Union ? Si oui, quel est son avis sur le sujet ?

Enfin, quel est le montant annuel des dépenses exécutées de l’Union ? Serait-il possible de faire plus et mieux en exécution ?

M. Michel Cretin.

Pour le reste, certains stéréotypes ne sont pas faux. On relève un peu plus d’erreurs en Grèce, en Italie, en Espagne et en Roumanie qu’en Rhénanie du Nord-Westphalie ou au Danemark, ce qui ne signifie pas qu’on ne trouve aucune erreur dans les subventions versées aux pays nordiques.

Erreurs ou fraudes ? On n’opère pas cette distinction. La Cour des comptes européenne, tout comme la Cour des comptes française, programme ses audits pour détecter des erreurs, pas des fraudes, dans la gestion des fonds. Ce n’est de toute façon qu’à l’issue d’un long processus judiciaire qu’il pourrait être établi qu’une erreur était en réalité une fraude. Jamais nous ne pourrions remettre l’année n le rapport annuel sur les comptes de l’année n-1 si nous devions repérer les fraudes. En cas de soupçon, nous déférons les faits à l’Office européen de lutte anti-fraude, tout comme, dans une situation analogue, la Cour des comptes française déférerait les faits au parquet, après quoi le procureur général engagerait l’action publique.

L’OLAF, qui est une direction de la Commission, ne rend pas compte à la Cour, laquelle n’intervient pas dans la nomination de ses membres.

Pour répondre à la question qui m’a été posée sur le sujet, la Cour n’a pas été consultée sur la création du parquet européen.

Oui, la Cour formule des recommandations, hélas toujours un peu les mêmes. La première d’entre elles serait que les instances de contrôle de l’utilisation des crédits européens, mises en place sous l’égide de la Commission dans chacun des États membres, s’acquittent scrupuleusement de leur tâche. En France, la commission de certification des comptes des organismes payeurs (C3OP) et la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) pour ce qui est des fonds régionaux le font de façon tout à fait satisfaisante, mais ce n’est pas le cas dans tous les pays.

La deuxième recommandation de la Cour serait de simplifier la réglementation. Pour autant, pour être pertinente, une réglementation doit être précise, ce qui la rend compliquée à appliquer car il faut prévoir tous les cas. Ainsi, pour être éligible à l’aide au titre de la PAC, une parcelle ne doit pas être boisée, mais au Portugal, on élève des chèvres sur des terrains largement boisés. Comment distinguer une forêt et un bois permettant néanmoins l’élevage des ovins et des caprins ? Il arrive que sur place, nos auditeurs doivent rechercher la présence de déjections d’animaux pour déterminer si une parcelle sert à l’élevage.

La Cour prône donc moins de contrôles, mais des contrôles de meilleure qualité. L’empilement des dispositifs de contrôle européen, national et régional est tel qu’ils finissent par être inefficaces, chaque échelon pensant que le contrôle qu’il devrait effectuer le sera par un autre. La Cour recommande également de simplifier les procédures, tout en étant consciente qu’on se heurtera vite à des limites. Comment par exemple définir, sans entrer dans le détail, « une action favorable à l’environnement », qui ouvre droit à une aide au titre du développement rural, ou évaluer la diversité biologique ?

D’une manière générale, la Commission prête attention à nos recommandations. Chaque année, la Cour consacre un chapitre de son rapport annuel au suivi de leur mise en Å“uvre.

Non, les aides actuelles de la PAC ne sont pas justes. Depuis 2005, où elles ont été découplées de la production pour être attribuées à l’hectare, leur montant ne dépend que de la surface des parcelles €“ que celles-ci, d’ailleurs, soient ou non cultivées. Dès lors, la plus grande part de l’aide va à un petit nombre de gros exploitants, qui ne sont pas nécessairement ceux qui en ont le plus besoin. C’est ainsi que la famille royale britannique et celle de la principauté de Monaco figurent parmi les principaux bénéficiaires de la PAC ! Si l’on voulait aider les exploitations qui le nécessitent vraiment, il faudrait définir des critères précis €“ sans doute l’éleveur de bovins du Massif central a-t-il davantage besoin d’être soutenu que le céréalier de la Beauce qui exploite des centaines d’hectares. Mais ce serait là renverser totalement les principes actuels de la PAC. Comme je le disais tout à l’heure, l’important serait de savoir pourquoi on souhaite aider les agriculteurs et quels objectifs on assigne à la PAC. Mais cette question n’a toujours pas reçu de réponse.