Nouveau rapport de Marietta KARAMANLI sur les droits des consommateurs en Europe  » Profiter des dispositions les plus innovantes pour le commerce à distance ou par internet et maintenir les dispositions nationales les plus protectrices »

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Un projet de directive européenne (qui fixe des objectifs aux Etats membres, à eux d’adopter dans leur législation les dispositions précises qui les mettent en Å“uvre) devrait être adopté par les institutions européennes en vue d’harmoniser les droits des différents Etats en matière de consommation. Ce projet de directive a déjà fait l’objet d’un premier rapport de ma part où je demandais une évolution du projet de texte pour que les Etats les plus en avance en matière de droits des consommateurs puissent garder leurs dispositions les plus protectrices. Une première réunion par visionconférence a réuni les membres de la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale et ceux du parlement européen sur ce sujet (c’était la première fois que les deux parlements travaillaient de la sorte). Depuis les ministres des différents pays et le parlement européen ont avancé sur le dossier.
J’ai donc rendu un nouveau rapport sur ce projet qui concerne la vie quotidienne de tous.
Aujourd’hui l’harmonisation visée ne concernerait que le commerce à distance et le commerce hors établissements commerciaux laissant de côté le droit des contrats de chaque pays. Le projet de texte définit mieux le champ d’application et reprend la distinction « professionnel » et « consommateur », le professionnel ayant des obligations plus fortes. Le texte envisagé permet désormais aux Etats de prendre des mesures plus protectrices concernant les achats faits par internet. Il inclut désormais le champ des ventes aux enchères sur internet dans le champ des droits du consommateur, il fixe une liste des informations précontractuelles nécessaires et la possibilité de les demander par écrit. Il prévoit un droit de rétractation, interdit le précochage pour les options entraînant des frais, fixe un délai de remboursement plus court en cas de rétractation ou pose le principe d’une livraison sans délai€¦
Néanmoins certains aspects du projet méritent d’être remaniés : il faut prendre en compte les contrats à la fois professionnel et personnel où le consommateur est un professionnel mais qui qui n’agit pas forcément comme tel en achetant dans un domaine qui n’est pas le sien ( associations ou petites entreprises), garantir l’existence d’un n° de téléphone où le consommateur peut joindre le professionnel, ne pas distinguer dans les informations qui doivent être fournies au consommateurs celles qui permettent la prolongation de la durée du délai de rétractation et les autres et donc leur attacher à toutes le même effet de prolongation, adapter le droit de rétractation au secteur de la presse d’information (et étendre la possibilité de la rétractation à la presse de loisirs), modifier les dispositions à appliquer en matière de livraison en affirmant le principe de la livraison sans délai avec possibilité de dénonciation à la clef et refuser la notion de contrôle sur le bien livré (peu claire)€¦De façon plus générale mon rapport demande l’exclusion explicite de tous les services d’intérêt généraux du champ des dispositions concernant des achats de biens et services de consommation (par exemple l’inscription par internet) pour les garantir plus fortement. De plus le texte demande une évolution de ce qui est prévu concernant les frais de renvoi en cas de changement d’avis du consommateur avec une franchise de frais plus faible. La commission des affaires européennes a voté dans le sens des recommandations que j’ai exprimées. Mon rapport va être adressé à l’ensemble des autorités européennes en vue de peser dans un sens favorable aux consommateurs. Je suis et je resterai vigilante.


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Commission des affaires européennes, mardi 8 février 2011
16 h 15, Compte rendu n° 188, Présidence de M. Pierre Lequiller Président

II. Examen du rapport d’information de Mme Marietta Karamanli sur les droits des consommateurs

Mme Marietta Karamanli, rapporteure.

Après deux réunions en 2009 et la visioconférence avec le Parlement européen en janvier 2010, c’est la quatrième fois que notre Commission doit se pencher sur ce texte aux enjeux importants car la matière concerne très concrètement la vie quotidienne et il faut l’adapter notamment aux nouvelles possibilités transfrontalières ouvertes, entre autres, par Internet.

La situation vient de connaître d’importantes évolutions, récemment.

D’une part, après le COREPER, le 8 décembre, le Conseil a avalisé un accord le 24 janvier dernier, avec néanmoins des réserves de l’Allemagne, de l’Espagne, de Malte et de la Slovénie.

D’autre part, la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs IMCO du Parlement européen a pris position le 1er février dernier. Même si la perspective d’un accord en première lecture, qui est esquissée, n’est pas avérée en raison de l’importance des questions encore en débat, notre Commission doit exercer son rôle d’alerte et de vigilance.

Pour ce qui concerne le Conseil, les travaux préparatoires ont abouti à un texte centré sur l’essentiel des enjeux du marché intérieur, c’est-à-dire sur la vente à distance et la vente hors établissements commerciaux, et ne traitant que de l’information précontractuelle sans plus interférer, ce qui est positif, avec le droit national des contrats.

Dans ce cas, les questions de garantie et de clause abusive ne seraient plus abordées.

Ensuite, le Conseil propose de retenir le principe de l’harmonisation ciblée, à savoir une application limitée de l’harmonisation maximale de manière à permettre aux Etats membres, dont la France, de conserver d’importantes spécificités protectrices pour les consommateurs, tels que l’interdiction de tout paiement pendant la période de rétractation pour les ventes hors établissements commerciaux. Enfin, le Conseil propose aussi un texte clarifié offrant davantage de sécurité juridique grâce à une articulation précise avec les autres textes européens applicables, notamment les textes sectoriels et un champ d’application plus clair.

En outre, le texte du Conseil prévoit plusieurs avancées importantes, notamment une définition claire aux consommateurs qui peut en outre être appliquée à d’autres personnes, telles que les associations ou les petites entreprises, un droit de rétractation équilibré avec une information dans tous les cas, que ce droit soit ou non applicable, un avis standardisé d’information, ainsi qu’un formulaire type à caractère facultatif pour exercer ce droit. Il faut également mentionner la faculté pour le consommateur de demander en toutes situations un écrit ainsi que son information sur la garantie commerciale et sur le service après-vente.

Par ailleurs, le texte du Conseil lève certaines incertitudes et menaces sur des dispositions du droit français auxquelles les consommateurs sont très attachés.

Pour la suite, il est essentiel que ces acquis soient préservés et figurent dans le texte qui sera définitivement adopté par le législateur communautaire.

Toutefois, le dispositif retenu par le Conseil appelle quelques rectifications qui pourraient être introduites au cours de la discussion avec le Parlement européen, dans le cadre du débat entre les deux branches du législateur.

Ces rectifications concernent d’abord ce qu’on peut appeler des difficultés résiduelles.
Il faut prendre en compte clairement le cas des contrats mixtes sur des biens ou services à usage à la fois professionnel et personnel.
Il faut assurer aussi la pérennité des dispositions de la loi Chatel sur le numéro de téléphone auquel on peut joindre effectivement le professionnel.
Il faut également éviter de faire une distinction dans la liste des informations dont l’omission implique une prolongation au-delà de quinze jours du délai de rétractation.
Enfin, il faut donner une meilleure solution à la question de la dépréciation des biens résultant de manipulations du consommateur lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation.
Une question particulièrement sensible est celle de l’inclusion des abonnements de presse dans le champ de droit de rétractation. Une telle insertion est assez contestable car ne prenant pas en compte les spécificités du secteur et notamment le besoin d’information essentiel auquel il répond. Aucune étude d’impact n’est donc fournie. Or ce serait indispensable pour pouvoir prendre une décision aussi lourde que celle proposée.

Il est également une disposition sur lequel le texte du Conseil doit être fortement restructuré, celle des conséquences du défaut de livraison par le professionnel. Le dispositif retenu prévoit un recul de la protection du consommateur français avec deux formalités , alors que nous n’en avons actuellement qu’une seule.

Pour sa part, en dépit du caractère parcellaire et incertain des informations dont on peut disposer, puisque le site du Parlement européen ne donne pas d’éléments suffisants et exhaustifs, plusieurs modifications proposées par la commission IMCO peuvent être retenues, notamment sur l’exclusion des services sociaux ou les conditions de prise en charge du retour du bien en cas d’exercice du droit de rétractation par le consommateur.

La question la plus lourde qui va faire l’objet d’un débat entre le Parlement européen et le Conseil, est celle, selon le point de vue que l’on choisit, du maintien ou de la réintégration des chapitres IV sur la garantie des biens et V sur les clauses abusives dans la future directive.

S’appuyant sur l’avis du BEUC, le Parlement européen semble s’orienter sur un maintien. Dans l’hypothèse où la réintégration se ferait, il convient de rappeler les conditions que nous avions posées à l’origine sur le futur texte, notamment la nécessité de n’entraîner aucun recul dans la protection du consommateur, entre autres sur la garantie des vices cachés.

Enfin, pour être exhaustif, il faut mentionner l’hypothèse d’un vingt-huitième droit, optionnel, avancé par la Commission européenne dans le cadre du Livre vert relatif aux actions envisageables en vue de la création d’un droit européen du contrat pour les consommateurs et pour les entreprises.

En dépit de son caractère séduisant et de son intérêt citoyen, cette hypothèse soulève beaucoup de questions et recèle quelques risques notamment celui de divergences d’application dans les 27 Etats membres, de même que celui de la marginalisation du droit national dans certains Etats membres mais pas dans d’autres et celui d’un transfert de la totalité de la maîtrise de la matière au niveau européen, en contradiction avec le principe de subsidiarité.

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs (COM [2008] 646 final/no E 4026),

Vu l’accord intervenu au sein du Conseil sur le texte intitulé « proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les droits des consommateurs applicables aux contrats de vente à distance et hors établissement » avalisé par le Conseil,

Rappelant que la future directive doit prévoir pour l’ensemble des consommateurs des Etats membres de l’Union européenne le niveau élevé de protection prévu par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel que le commande sur le plan juridique, philosophique et humain, la place de la protection européenne,

Saluant les avancées du texte précité avalisé par le Conseil par rapport à la proposition initiale, notamment les progrès pour la protection des consommateurs et la levée d’incertitudes inacceptables sur la pérennité de dispositions nationales auxquelles les consommateurs sont en France très attachés, grâce au recours, pour les ventes à distance et les ventes hors établissement commerciaux, à des règles d’harmonisation ciblée s’appliquant à un champ clarifié et sans interférence avec le droit national des contrats,

1. Estime néanmoins que l’adoption définitive de la proposition de directive ne peut intervenir en l’état, dans la mesure où certaines rectifications sont encore indispensables, les plus substantielles portant sur le droit de rétractation, avec la nécessaire prise en compte de la spécificité du secteur de la presse, et la clarification juridique des conséquences du défaut de respect du délai de livraison par le professionnel et le transfert de risque ;

2. Salue par conséquent, au titre des améliorations à apporter, certaines de celles envisagées à ce stade au sein du Parlement européen, notamment la clarification du champ d’application du texte par l’exclusion, conformément au principe de subsidiarité, de la totalité des services sociaux, et non uniquement de certains d’entre eux, ainsi que l’élargissement de la prise en charge par le professionnel des frais de renvoi du bien faisant l’objet d’une rétractation de la part du consommateur et la prise en compte des produits numériques ;

3. Considère que le maintien du chapitres IV, relatif aux biens, notamment aux garanties, et du chapitre V ne peut intervenir que s’il n’entraîne aucun recul dans la protection du consommateur en France, en particulier pour ce qui concerne tant la garantie des vices cachés que le choix des remèdes, lors de la mise en jeu de la garantie, et les clauses abusives, ce qui implique le recours à des dispositions d’harmonisation minimale largement fondées sur celle de la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs et la directive 1999/44/CE sur la vente et les garanties des biens de consommation et n’offrant le cas échéant que des protections supplémentaires au consommateur ;

4. Exprime en tout état de cause ses réserves quant à l’opportunité de prévoir d’ores et déjà, à ce stade de la construction européenne, un 28e régime, optionnel, pour le droit européen des contrats pour les consommateurs et pour les entreprises, en dépit de son intérêt, au premier abord, pour le développement de la citoyenneté européenne.