« Règles électorales pour la désignation du Parlement européen : harmoniser pour plus de progrès communs ; refuser d’uniformiser en éloignant les électeurs de leurs élus » par Marietta KARAMANLI

Le 22 mars 2016, je suis intervenue en réunion des commission des affaires européennes pour y défendre certains principes qui doivent selon les députés socialistes organiser et « cadrer » le vote citoyen aux élections européennes.
La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale dont je suis la Vice –présidente a donné un avis sur une proposition du Parlement européen visant à définir un corps de règles communes à tous les pays pour la désignation des députés européens de tous les Etats membres.
Je suis intervenue pour défendre plusieurs amendements tous adoptés par la commission des affaires européennes sur le projet de résolution présentée par le Présidente de la commission, ma collègue Danièle AUROI.
Mes propositions visaient à ne pas adopter le principe une grande circonscription transnationale éloignant trop les citoyens de leurs élus( en l’absence d’une perspective fédérale) , à garantir le droit de vote des citoyens européens qui ne résident pas dans leur pays au moment du vote, à assurer une réelle parité partout, à poser le principe d’un seuil minimal de votes en faveur d’une liste pour en permettre la représentativité, et à laisser une souplesse aux Etats pour définir le jour de vote.
Tous les amendements que j’ai défendus ont été adoptés à la majorité ou à l’unanimité.
Là encore il appartient à chaque Etat et parlement nationaux de progresser vers des règles communes ou harmonisées sans uniformiser les cadres nationaux. J’y suis et j’y serai vigilante.
Marietta KARAMANLI


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Commission des affaires européennes, Mardi 22 mars 2016, 16 h 30, Compte rendu n° 265
Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente
I. Examen du rapport d’information de la présidente Danielle Auroi sur le projet de règlement relatif à la loi électorale pour les élections européennes no PE 14543/15 – E 10797


…La Présidente Danielle Auroi.

Le Parlement européen a adopté le 11 novembre dernier une proposition de réforme de la loi électorale de l’Union européenne, qui doit permettre de définir des règles électorales communes à tous les États membres pour les élections européennes. C’est une proposition ambitieuse.
Cette possibilité lui est directement offerte par les traités. Si le Conseil arrive à trouver un accord sur la base de cette proposition – ce qui est loin d’être gagné, puisqu’il faudra l’unanimité – les parlements nationaux devront ensuite ratifier ce texte. C’est pourquoi il me semble utile que nous entamions cette réflexion en amont.
Pour le moment, les élections européennes s’organisent bien plus en une addition de vingt-huit campagnes distinctes, malheureusement souvent centrées sur des enjeux nationaux, qu’en un vaste débat paneuropéen. Il est urgent de redonner un souffle à ce scrutin, pour lequel l’abstention est en constante augmentation.
La proposition du Parlement européen vise à « européaniser » ces élections européennes, et je pense que nous devons résolument soutenir cet objectif général.
La proposition du Parlement européen prévoit que « le Conseil décide à l’unanimité de la création d’une circonscription électorale commune, dans laquelle les listes seront emmenées par le candidat ou la candidate de chaque famille politique à la présidence de la Commission européenne ».
Elle ne précise toutefois pas les modalités qui présideraient à la formation d’une telle circonscription électorale commune, et notamment le nombre de députés européens qui seraient élus de cette manière, ou la façon dont seraient constituées les listes électorales.

Mme Marietta Karamanli.

Je vous remercie pour le travail qui a été présenté à travers ce rapport. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais cela a le mérite de créer le débat.
Au groupe socialiste, nous pensons que l’objectif doit rester celui de la lisibilité du système des élections européennes pour les citoyens.

Nous sommes donc opposés à l’idée de créer une circonscription transnationale. Il faut maintenir le principe de « un électeur, une voix », pour garantir la visibilité des députés européens. Créer une circonscription électorale éloignerait encore plus les députés européens des citoyens ! Nous proposerons un amendement sur ce sujet.
Concernant la visibilité des emblèmes des partis politiques européens, nous y sommes très favorables.
Sur l’harmonisation des délais, nous considérons que c’est également une bonne chose.
Le texte du Parlement européen propose de garantir le droit de vote aux élections européennes aux citoyens qui ne résident pas dans leur État membre. C’est actuellement le cas en France, mais pas dans tous les pays européens ! Je pense que c’est un bon principe qu’il faudra défendre.
Nous proposons d’aller plus loin sur la parité, car les résultats en faveur de la représentation des femmes doivent être effectifs.
Sur le principe des seuils, nous considérons qu’un seuil minimal constitue une garantie, permettant de concilier la justice avec l’efficacité.
Enfin, sur en ce qui concerne le jour du vote, nous considérons qu’il est nécessaire de laisser une certaine souplesse au niveau national.


Mme Marietta Karamanli.

Je suis très sensible à ce qu’a dit M. Caresche sur le fédéralisme. Je pense que l’on ne pourra mettre en place des circonscriptions transnationales qu’à partir du moment où nous passerons vraiment à un système fédéraliste, mais ce n’est pas du tout le cas pour le moment.

Mme Marietta Karamanli.

L’amendement no 1, comme je le disais tout à l’heure, vise à maintenir la simplicité du vote et le principe « un électeur, un vote », et à éviter de créer des députés « hors-sol », en rejetant la proposition d’une circonscription transnationale.

La Présidente Danielle Auroi.

La proposition faite par le Parlement européen ne précise pas les modalités qui présideraient à la formation d’une telle circonscription électorale commune, et notamment le nombre de députés européens qui seraient élus de cette manière, ou la façon dont seraient constituées les listes électorales. Dans des propositions précédentes, le Parlement européen avait proposé que les candidats sur ces listes transnationales proviennent d’au moins un tiers des États membres de l’Union, et que chaque électeur ait deux bulletins, l’un pour les listes nationales et l’autre pour les transnationales.
Je comprends vos réticences, mais je pense que la mise en place d’une circonscription transnationale est la seul moyen de construire un véritable « espace public européen » et non pas une addition de vingt-huit élections nationales comme c’est le cas aujourd’hui. En effet, la constitution de listes transnationales permettrait d’éviter que les campagnes des élections européennes, menées par les partis nationaux, ne soient captées par des questions politiques nationales, comme cela tend malheureusement à être le cas aujourd’hui.
Cela ne signifie pas qu’il ne faut supprimer les circonscriptions nationales, qui effectivement permettent aux députés d’être plus proches de leurs électeurs !
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 1 est adopté.
L’amendement de M. Lequiller visant à supprimer cet alinéa tombe donc.

Mme Marietta Karamanli.

L’amendement no 3 vise à enlever la fin de la phrase sur la visibilité des logos, en enlevant le « plus souple ».

La Présidente Danielle Auroi.

Je suis tout à fait d’accord avec vous, et je pense que les partis politiques nationaux devraient faire mention de leur affiliation aux partis politiques européens, qui souffrent aujourd’hui d’un manque de visibilité.
Toutefois, je souhaite porter à votre connaissance plusieurs questions.
Que signifie : « la même visibilité ? ». Faudra-t-il que les logos aient exactement la même taille ? Le ministère de l’intérieur m’a alerté sur les risques très importants en termes de contentieux que pourrait créer une telle disposition…Que se passera-t-il si une liste n’a pas respecté cette règle ? Les élections seront-elles annulées ? Surtout, quid des partis qui ne sont affiliés à aucun parti européen ? On peut le déplorer, mais ils doivent pouvoir se présenter !
Des dispositions trop prescriptives pourraient constituer une ingérence dans la libre organisation des partis politiques, consacrée par l’article 4 de la Constitution. C’est pourquoi la proposition de résolution que je vous soumets mentionne la nécessaire souplesse de cette règle, tout en soutenant pleinement son principe.
Je m’en remets à la sagesse de mes collègues.

M. Christophe Caresche.

Je pense que c’est surtout la formulation qui est maladroite, c’est un peu contradictoire.

M. Pierre Lequiller.

Je trouve que c’est la formulation du Parlement européen qui est floue.

Mme Marietta Karamanli.

Nous souhaitons affirmer la nécessité de rappeler ce principe de parité et d’une stricte alternance sur les listes, car c’est en disant les choses que l’on fait les choses !
La Présidente Danielle Auroi.

Je suis évidemment tout à fait d’accord avec vous : il ne faut pas se satisfaire d’une parité de façade, et il faut s’assurer que les femmes soient placées à des positions éligibles, et ne soient pas « reléguées » en fin de liste !
En France, la loi de 2003 a consacré ce principe d’une alternance stricte d’un candidat de chaque sexe sur les listes. Actuellement, la délégation française est composée de 43 % de femmes.
Toutefois, je me permets de vous signaler que le système de listes « bloquées » que nous connaissons en France est très loin d’être généralisé dans toute l’Union européenne.
En effet, dans la plupart des États membres, les électeurs ont la possibilité d’exprimer des votes préférentiels afin de changer l’ordre des noms sur la liste. Au Luxembourg, il est possible de voter pour des candidats appartenant à différentes listes et, en Suède, les électeurs peuvent également ajouter ou supprimer des noms sur les listes.
Tout cela réduirait considérablement la portée de la modification que vous venez de proposer, il me semble…Je donne un avis favorable néanmoins.
L’amendement n°3 est adopté à l’unanimité.

Mme Marietta Karamanli.

L’amendement n°°4 défend un seuil électoral minimum, pour concilier la justice avec l’efficacité. Cela permet d’éviter les phénomènes de vote uniquement localisés et l’éparpillement des groupes au Parlement européen.

La Présidente Danielle Auroi.

Je pense que le principe même de l’introduction de seuils électoraux obligatoires porte atteinte à la représentativité du scrutin et au pluralisme politique. Comme je l’ai rappelé, dans la pratique, cette disposition ne concernera que l’Espagne et l’Allemagne, et c’est une demande allemande pour contourner la Cour de Karlsruhe. Avis de sagesse, donc.

L’amendement n°4 est adopté.

Mme Marietta Karamanli.

L’amendement n° 5 vise à laisser une certaine latitude aux États membre pour définir le jour du vote, afin de mieux respecter les traditions électorales nationales, et ainsi de favoriser la participation.

La Présidente Danielle Auroi.

Je comprends vos arguments, mais je crois fermement qu’un jour de vote unique serait un symbole fort pour les électeurs européens, et permettrait une meilleure visibilité, notamment dans les médias…Cela serait un symbole d’unité. Actuellement, les électeurs britanniques et néerlandais doivent attendre quatre jours pour avoir les résultats, c’est également démotivant, il me semble ! Je m’en remets à votre sagesse.
L’amendement n° 5 est adopté.

La résolution ainsi modifiée est adoptée à l’unanimité.
« L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la proposition de réforme de la loi électorale de l’Union européenne transmise par le Parlement européen (no E 10797),
Vu la résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l’Union européenne (2015/2035(INL)),
Vu la proposition de décision du Conseil adoptant les dispositions modifiant l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct,
Vu la décision du Conseil du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 modifiant l’acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom (2002/772/CE, Euratom),
Vu la loi no 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen,
Vu la loi no 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques,
Considérant que l’adoption de règles électorales uniformes dans tous les États de l’Union pour les élections européennes, telle que prévue par l’article 223 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est nécessaire pour créer un véritable espace public européen et renforcer la légitimité démocratique du Parlement européen ;
1. Est défavorable à la création d’une circonscription électorale transnationale, dans laquelle les listes seraient emmenées par le candidat ou la candidate de chaque famille politique à la présidence de la Commission européenne ;
2. Est favorable au renforcement de la visibilité des noms et des emblèmes des partis politiques européens sur les bulletins de vote lors des élections européennes ;
3. Souhaite que le délai pour l’établissement des listes des candidats soit harmonisé au niveau européen mais considère que le délai de douze semaines proposé par le Parlement européen est trop long et propose de raccourcir ce délai à huit semaines ;
4. Estime nécessaire, au-delà du principe de parité proposé par le Parlement européen, que soit mise en œuvre une alternance stricte entre hommes et femmes sur les listes de candidats aux élections européennes ;
5. Est favorable à l’introduction de seuils électoraux obligatoires ;
6. Juge insuffisamment claire la disposition proposée par le Parlement européen selon laquelle les partis politiques sélectionnent leurs candidats aux élections européennes en respectant les procédures démocratiques et la transparence et considère qu’ainsi rédigée, cette disposition pourrait porter atteinte à la liberté d’action des partis politiques telle que consacrée par l’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
7. Estime qu’il est indispensable de garantir le droit de vote aux élections européennes aux citoyens européens ne résidant pas dans leur État membre ;
8. Est favorable à la mise en place d’un délai harmonisé dans toute l’Union européenne pour l’établissement des listes électorales, mais suggère que ce délai soit fixé à quatre semaines plutôt que huit semaines ;
9. Soutient la position du Parlement européen laissant une certaine latitude aux États membres pour décider du jour du vote pour les élections européennes, dans le plein respect des habitudes institutionnelles nationales ;
10. Salue la proposition de mettre en place une autorité de contact chargée d’échanger avec ses homologues des autres États membres des données sur les citoyens de l’Union qui ne sont pas ressortissants de l’État membre dans lequel ils résident, afin de fiabiliser les listes électorales, et souligne que toutes les garanties nécessaires devront être mises en place afin de garantir le respect par cette autorité de contact de la protection des données personnelles ;
11. Souhaite qu’une réflexion soit engagée à l’Assemblée nationale sur une réforme de l’organisation des élections au Parlement européen, notamment dans le cadre de la nouvelle délimitation des régions ;
12. Considère qu’il est primordial de renforcer le traitement médiatique accordé par les chaines publiques nationales de télévision et de radio à l’actualité électorale européenne, et notamment la diffusion des débats ayant lieu au niveau supranational. »
Sous ces réserves, la commission des Affaires européennes a autorisé la levée de la réserve parlementaire sur le projet de règlement relatif à la réforme de la loi électorale de l’Union européenne (14743/15 – E 10797).