« Débattre de l’application de la politique agricole commune, rééquilibrer les relations entre grande distribution et exploitants, faire plus de recherche pour des alternatives aux pesticides et mettre des critères environnementaux aux importations, quelques pistes pour assurer l’avenir de notre agriculture » par Marietta KARAMANLI

Le 27 août 2021, j’avais répondu à l’invitation de la FDSEA -JA de la Sarthe pour un échange à propos des évolutions de la politique agricole commune (PAC) ; des problèmes rencontrés par les exploitants et les propositions portées par l’organisation syndicale et mes propres positions et demandes au Gouvernement. Plusieurs points étaient à l’ordre du jour dont la politique agricole commune, les revenus des exploitants, ou encore les mesures visant la prise en compte de l’environnement et le changement climatique.

Je me contenterai, ici, d’évoquer la PAC, le déséquilibre des relations économiques et les producteurs agricoles et la distribution, enfin la nécessité de respecter la réglementation environnementale en faisant cesser la concurrence qui ne l’a prend pas en compte ou en développant une gestion raisonnée et partagée de l’eau.

I Sur la PAC, quelques éléments, l’absence de débat parlementaire sur le plan gouvernemental déclinant la PAC au niveau national

La PAC, c’est la Politique agricole commune à tous les Etats membres de l’Union européenne, elle représente environ 40% du budget européen, c’est donc l’une des plus importantes politiques communes de l’UE.

Faisant suite à un accord de 2020,  la nouvelle PAC commencera en 2023

Les ministres de l’Agriculture de l’UE se sont mis d’accord  sur une réforme de la politique agricole commune (PAC) marquée par des règles environnementales contraignantes.

Avec un budget déjà fixé d’environ 387 milliards d’euros pour sept ans, la PAC est le premier poste budgétaire de l’UE.

Selon l’accord des 27, chaque État devrait  consacrer au moins 20 % des paiements directs de l’UE à des exigences environnementales  et des primes seront accordées aux exploitants participant à ces programmes environnementaux. L’objectif étant que les exploitations agricoles reçoivent des fonds supplémentaires si elles vont au-delà des normes de base en matière de climat et d’environnement.

Les Etats ont également décidé de continuer à promouvoir « une utilisation plus prudente et responsable des pesticides, des antibiotiques et des engrais ».

La stratégie « De la ferme à la table » prévoit que d’ici à 2030, 25 % de la surface agricole totale de l’Union européenne soit consacrée à l’agriculture biologique, que l’utilisation d’engrais soit réduite d’« au moins 20 % » et que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques soit réduite de 50 %. Elle propose également de réduire de 50 % les ventes d’antibiotiques pour les animaux d’élevage et l’aquaculture d’ici à 2030.

Elle vise également à doter toutes les zones rurales d’un accès haut débit d’ici à 2025, afin de stimuler l’innovation numérique dans le secteur.

Il y aura trois règlements (ou lois européennes)

La future PAC se décline en trois règlements : plans stratégiques, organisation commune de marché et règlement horizontal),

1 Le règlement « plans stratégiques » détaille l’ensemble des aides, des dispositifs et le fléchage des aides budgétaires

Chaque pays présente à la Commission un « plan national stratégique ». Ces plans nationaux devront respecter les règles européennes. Mais ils donneront surtout plus de marge aux Etats et certains disent plus de concurrence.

Le gouvernement français transmettra son projet de PSN à la Commission européenne d’ici l’été, qui aura jusqu’à la fin d’année pour l’approuver.

Dans les faits, ce sera aux États que reviendra la responsabilité d’établir une liste des pratiques qui permettront de bénéficier des éco-régimes. Elles seront en effet inscrites au sein de plans nationaux

Le PSN français ne sera pas débattu et voté par le Parlement français à la différence avec l’Allemagne par exemple.

Le seul constat est que nous ne disposons pas d’information sur la distribution des aides perfectible dans le budget PAC qui est une enveloppe fermée.

La seule orientation confirmée par le Gouvernement est celle retenue dans le cadre de l’examen du projet de loi climat et résilience, à savoir la mise en comptabilité du PSN avec la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, la Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée et la Stratégie Nationale Santé Environnement et le fait que serait instauré un mécanisme de suivi et d’évaluation de l’atteinte de la performance climat du PSN.

Dès 2018 j’avais posé une question écrite sur la baisse des aides résultant de la réforme de la PAC (doc 1)

II sur le revenu des agriculteurs

  • Quelques principes

Il est indispensable que la grande distribution, la transformation, et toute la restauration commerciale hors domicile utilisent au maximum et mettent en valeur au mieux l’origine française des produits qu’ils vendent ou servent.

On doit mettre en avant dans les discussions au niveau européen la question de la concurrence raisonnée et du nécessaire lien entre qualité et prix.

Il est essentiel de traiter le problème des charges environnementales mais aussi de relativiser leur poids. Il faut moduler selon les types d’exploitations et de produits. Il faut du discernement. Il y a aura des normes. Mais je crois qu’il faut donner priorité à l’accompagnement et non pas à la sanction. Il faudrait aussi mieux destiner des crédits communautaires à cet accompagnement. Il faut encore mieux cibler les aides et les décider en fonction des types d’exploitation

Il faut mieux distinguer entre les exploitations de taille raisonnée, de type familial, avec une montée en qualité et des circuits courts et les grandes exploitations, complètement intégrées dans le circuit agroalimentaire international.

En distinguant mieux les intérêts des exploitants on pourrait aussi mieux les aider.  Je ne vais pas d’amalgame entre de grands céréaliers qui poussent en avant les petits éleveurs qui sont dans la plus grande détresse mais avec lesquels en réalité ils ne partagent que peu. Il faut aussi accompagner les politiques de filières

Il y a eu une insuffisance d’investissements dans certaines filières pas forcément au niveau des exploitations.

Je suis intervenue par une question écrite pour demander la prise en compte de l’agriculture dans le plan de relance (il y a un an) (doc 2).

  • La loi EGALIM

Le projet de loi dite équilibre dans le secteur agricole et alimentaire (Egalim). Ce projet a fait l’objet de deux lectures par l’Assemblée Nationale.  En 1ère lecture, j’avais été coauteure de 93 amendements et de 54 amendements en 2ème lecture.

J’ai, entre autres, soutenu l’adoption de  dispositions sur la protection en urgence du foncier agricole (en attendant la grande loi foncière annoncée pour 2019), sur l’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires, sur l’éducation à l’alimentation (notamment, un amendement visant à interdire le marketing pour des produits alimentaires de mauvaise qualité nutritionnelle en direction des enfants), sur la labélisation publique des conventions pluriannuelles tripartites et enfin, sur le soutien à la certification HVE (Haute Valeur Environnementale).

Sans qu’il soit possible d’aborder l’ensemble des dispositions discutées et la variété des sujets abordés, je souhaite m’arrêter sur un sujet important celui de l’équilibre des relations entre producteurs et distributeurs.

  • L’équilibre des relations entre producteurs et distributeurs

Je pense que la loi de modernisation de l’économie de 2008 aurait dû être modifiée plus profondément. La baisse des prix à la vente est inégalement partagée entre distributeurs et fournisseurs, compte tenu du rapport de force défavorable pour les fournisseurs.

    Cinq centrales d’achat gèrent peut-être près de 90 % des achats de la grande distribution…et s’approvisionnent, directement ou non, auprès des exploitations agricoles, qu’elles contraignent fortement.

Dans ces conditions, ce sont les centrales d’achat qui fixent les prix de leurs fournisseurs et certains producteurs agricoles peuvent être conduits à vendre aux distributeurs en dessous de leurs coûts de production, ce qui met en cause la survie même de leur exploitation. La loi a tendu à faire prévaloir les conditions particulières sans garantie d’un cadre général ni transparence.

La loi dite « Agriculture et Alimentation » n’a pas vraiment modifié les choses.

   Si tout le monde s’accorde pour que les prix soient calculés sur la base des coûts de production des agriculteurs, et non plus sur les seules orientations de la très grande distribution les méthodes divergent.

Je l’ai écrit en 2018 et le maintiens en 2021.

   Avec les dispositions votées par la majorité ni les interprofessions ni l’observatoire des prix et des marges, un organisme indépendant, ne peuvent énoncer d’indicateurs s’imposant à tous ; ils ne font que des recommandations.

S’il y a un mécanisme de suivi avec des indicateurs comme cela est prévu, les producteurs continueront de manquer de poids économique ; le   marché permettra toujours aux grands acheteurs d’aller voir ailleurs si les prix ne leur conviennent pas ou si leurs marges se dégradent.

   Je reste donc favorable à la fixation de prix minimum garantis et à des contrats tripartites, où l’agroalimentaire serait contrainte de travailler sur la base du coût de revient des agriculteurs.

C’est le sens d’un amendement que j’avais cosigné « Sauf s’ils sont définis par toute structure régionale, nationale ou européenne leur conférant un caractère public ou déterminés par des accords interprofessionnels mentionnés au présent titre, les indicateurs utilisés par les parties doivent préalablement être approuvés par l’autorité publique, selon les modalités fixées par décret, après avis de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. »

Au final j’avais voté contre ce projet lors du scrutin sur l’ensemble du projet.

Globalement, toutes les politiques volontaristes annoncées n’ont pas été déclinées.

III Sur la dimension « exploitants et environnement »

  • Produits phytosanitaire

On trouve des résidus de produits phytosanitaires dans plus de 90 % des cours d’eau.

Pour la santé de l’homme, les effets toxiques sont mal cernés. Leur niveau faible n’indique pas qu’ils soient inoffensifs (accumulation ; effets conjugués ; lien possible entre apparition de pathologies et phénomènes multiples).

La solution au recours aux pesticides est une solution habituelle et parfois de facilité.

Une critique faite aux plans est de ne pas concerner tous les acteurs notamment les industriels qui ont normalisé leurs besoins par exemple en pommes de terre mais pas en choisissant des espèces résistantes existantes.

Le fait est que les plans ont des objectifs très ambitieux mais des moyens limités.

  • Les pistes d’évolution

De façon générale

Il faut aller vers une meilleure harmonisation européenne à l’égard des pays tiers et au sein de l’Union

Il faut mettre plus de moyens sur la recherche / innovation : « on trouve là où on cherche »

Il faut encourager une utilisation plus raisonnable et adaptée des pesticides  possible, sans pour autant porter de préjudice à la productivité agricole. Ainsi,  l’utilisation de biopesticides, l’étude des besoins et un meilleur management des parasites, sont autant de solutions possibles à la demande de productivité. Le diagnostic précoce de maladies des plantes constitue d’ores et déjà une aide précieuse pour le contrôle et pour la protection des cultures

Il faut mobiliser l’ensemble des acteurs ; industriels et aussi consommateurs dont les goûts et préférences sont aussi normalisés (apparences).

J’ai posé une question écrite sur le sujet , doc 3

  • Sécheresse et gestion de l’eau

La création de réserves d’eau s’avère une opportunité mais qui se heurte à des difficultés.

D’une part, la réglementation s’avère parfois complexe à mettre en œuvre et d’autre part, les investissements nécessaires supposent une levée de fonds suffisants mais inaccessibles bien souvent à des exploitants isolés. Des alternatives visant à une gestion partagée et maîtrisée de l’eau répondant à la fois aux besoins agricoles et à la biodiversité des espaces devraient être envisagées avec d’autres acteurs économiques ou sociaux.

J’ai interpellé le gouvernement il y a quelques mois sur le sujet ; voir doc 4 .

Sur tous ces sujets, je suis engagé depuis de longs mois et je reste mobilisée.

Marietta KARAMANLI