« Auteure d’un rapport d’information portant observations sur le projet de loi visant à 1) sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), mes propositions pour assurer la bonne application de deux textes européens qui visent à rendre illégal sur le net ce qui l’est hors ligne, et à contester les positions dominantes des géants du net, et 2 améliorer le projet gouvernemental » par Marietta KARAMANLI

Le 19 septembre 2023 j’ai présenté un rapport d’information portant observations sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), et ce, au nom de et devant la commission des affaires européennes.

Ce rapport pour observations m’a permis en premier lieu, de revenir sur deux textes européens majeurs, la législation sur les services numériques – le DSA – et la législation sur les marchés numériques – le DMA. La France a joué un rôle important dans leur adoption, puis ils ont fait l’objet d’un accord entre les colégislateurs sous présidence française du Conseil. Le projet de loi qui nous est présenté comporte les mesures nécessaires d’adaptation du droit français au nouveau droit de l’Union – mais pas uniquement.

En premier lieu, la DSA poursuit un objectif d’apparence simple, mais ô combien complexe en pratique : rendre illégal en ligne ce qui est illégal hors ligne. Le texte oblige les fournisseurs à prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre les contenus illicites et préjudiciables, qu’il s’agisse de la haine en ligne, de la pédopornographie ou de la désinformation.

En second lieu, le DMA vise à renforcer la contestabilité des positions dominantes acquises par les géants du numérique. Plusieurs travaux menés par notre commission lors de la précédente législature ont révélé que le droit de la concurrence traditionnel n’était pas en mesure de prévenir et de sanctionner le fonctionnement oligopolistique de ces marchés. Le texte crée le statut de « contrôleur d’accès », c’est-à-dire une entreprise de taille importante fournissant un service numérique essentiel. Le DMA est un instrument clé pour rééquilibrer les relations entre les plateformes structurantes, leurs concurrents et leurs utilisateurs.

S’agissant des dispositions du projet de loi SREN, je partage les objectifs du texte, qui sont légitimes et doivent permettre à la France de se conformer à ses engagements européens.

J’ai appelé l’attention sur trois points

Tout d’abord, la volonté du Gouvernement de « pré-transposer » les textes européens en cours de discussion afin d’aiguillonner les négociations me semble interrogeable et contestable. Il est important que la France fasse valoir ses intérêts, c’est tout l’objet des échanges au Conseil. En revanche, la pratique de la pré-transposition créée un risque d’incompatibilité « native » ou prématurée.

De plus certaines dispositions du projet de loi présentent un risque significatif de contrariété avec le droit de l’Union. Les représentants de la Commission nous ont alertés sur l’opportunité contestable de sur-légiférer en matière de régulation numérique, alors que le DSA et le DMA viennent d’être adoptés. Je ne partage pas nécessairement cette observation, mais je constate que des exigences a priori simples et prévues par ces textes ne sont pas respectées par le projet de loi. Le Gouvernement propose par exemple de nommer la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) parmi les autorités nationales compétentes, alors même que le considérant 112 du DSA précise que les entités désignées doivent « agir en toute indépendance » et ne pas « recevoir d’instructions, y compris du Gouvernement ». La DGGCRF est un service de Bercy relevant de l’autorité de son ministre de tutelle.

Enfin j’ai exprimé dans le projet de rapport le regret que la négociation et l’adoption de textes européens aussi structurants pour l’avenir de nos concitoyens se déroulent à l’écart des parlements nationaux. Certes, la procédure européenne y a sa part. Mais dans d’autres États, comme l’Allemagne, les échanges entre Gouvernement et Parlement sur d’importants sujets sont débattus plus ouvertement et les propositions plus partagées entre institutions.

Vous pouvez retrouver ce rapport sur le site de l’Assemblée Nationale.

Les discussions sur le projet de loi en question ont été pour moi l’occasion de rappeler certains de ces points et de défendre des amendements s’y rapportant.

Enfin, j’appelle à renforcer la dynamique convergente des droits français et européen. La lutte contre les appels à la violence sur les réseaux sociaux est l’une des politiques propices à ce travail. Le projet de loi SREN a été débattu au Sénat dans le contexte des émeutes consécutives à la mort dramatique d’un adolescent. Un amendement y a ainsi été déposé pour permettre à l’autorité administrative de formuler une injonction de retrait de contenu sur les réseaux sociaux. Le Gouvernement a obtenu le retrait de cet amendement et mis en place un groupe de travail transpartisan, auquel j’ai participé, pour affiner ces questions.

Le compte-rendu sur le site de l’Assemblée Nationale

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/due/l16due22230044_compte-rendu

La vidéo sur le site de l’Assemblée Nationale

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/videos/CRVANR5L16S2023IDV13845324?timeCode=23

Le rapport sur le site de l’Assemblée Nationale

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/due/l16b1666_rapport-information