« L’examen par les députés des textes pris en application des lois, un premier pas qui en appelle d’autres » par Marietta KARAMANLI

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La commission des Lois a décidé de mener un travail sur l’application des lois dont elle a eu à connaître depuis le début de la XIIIe législature.
Dans ce cadre des travaux dont nous avons été chargés avec mes collègues co-rapporteurs, nous avons choisi de compléter la présentation des tableaux visant à préciser l’adoption des textes d’application par une brève enquête auprès des autorités et administrations concernées en vue de disposer, sinon, d’une évaluation des effets de la loi, au moins d’une estimation des effets des dispositions adoptées et des textes pris en application.
Malgré la brièveté des délais impartis et la modestie des diligences réalisées, plusieurs constats, observations voire propositions d’amélioration ont pu être identifiés.
J’en donne, ici, un premier exemple avec la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 créant en France la fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL).
Monsieur Jean-Marie DELARUE (CGLPL) a bien voulu faire part aux rapporteurs de ses observations concernant l’application de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Dans une note que je considère comme circonstanciée et motivée, il nous a fait part de :

  ce qui fait la spécificité de son activité au regard des objectifs fixés par le législateur,

  ce qui domine dans ses relations avec les autres autorités publiques (gouvernement et administrations),

  ce qui constitue des difficultés d’exercice et des évolutions législatives possibles ou souhaitables.

Une partie d’entre elles sont retracées dans l’extrait à suivre du rapport déposé le 1er février 2012.


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LOI N° 2007-1545 DU 30 OCTOBRE 2007 INSTITUANT UN CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ (RAPPORT N° 4240)

M. Philippe Goujon, rapporteur, et Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure

I. €“ L’OBJET DE LA LOI

La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 a eu pour objet de créer en France la fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté, nouvelle autorité administrative indépendante chargée d’exercer, à tout moment et sur le territoire de la République, un contrôle extérieur, indépendant et effectif de l’ensemble des lieux de privation de liberté, quelles que soient les structures concernées : établissements pénitentiaires, locaux de garde à vue, dépôts des palais de justice, centres hospitaliers spécialisés ou centres de rétention administrative€¦

Il est, en outre, précisé dans la loi du 30 octobre 2007 que le contrôle exercé par le Contrôleur général porte tant sur le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté que sur les conditions de leur prise en charge. Celui-ci doit s’assurer du respect de la dignité de la personne, à laquelle la privation de la liberté d’aller et venir ne doit pas porter atteinte.

Pour mener à bien sa mission, le Contrôleur général, lequel est assisté de contrôleurs, l’exerce essentiellement par des visites sur place. À l’issue de chaque visite, il établit un rapport faisant état de ses observations et des réponses de l’administration. Même s’il n’est pas doté d’un pouvoir d’injonction, il peut émettre des avis, formuler des recommandations et proposer au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

La loi du 30 octobre 2007 prévoit également l’ensemble des garanties nécessaires à la préservation de l’indépendance du Contrôleur général, lequel est nommé pour un mandat unique de six ans, par décret du Président de la République et après avis rendu, en application de l’article 13 de la Constitution, par les commissions compétentes des deux assemblées, en l’occurrence les commissions des Lois. La loi lui confère enfin une indépendance financière.

Ce texte permet, enfin, à la France de respecter les stipulations du Protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signé par la France le 16 septembre 2005 et qu’elle a ratifié en novembre 2008.

II. €“ L’ÉTAT D’APPLICATION DE LA LOI

La loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté appelait pour son application la publication de quatre dispositions réglementaires, lesquelles ont toutes été publiées à ce jour (soit un taux d’application de 100 %).

III. €“ OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES

L’entrée en vigueur de l’article 14 relatif aux conditions dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l’article 3 sont appelés à participer à la mission du Contrôleur général des lieux de liberté était subordonnée à l’adoption d’un décret, lequel a été publié le 12 mars 2008 (11). Mais l’entrée en vigueur de ce décret était elle-même subordonnée à l’entrée en vigueur d’arrêtés prévus aux articles 3 et 10 de ce même décret. À cette fin, un arrêté a été pris le 13 novembre 2008 et publié au Journal officiel le 23 novembre 2008 (12). Les dispositions législatives sur les conditions dans lesquelles les contrôleurs sont appelés à participer à la mission du Contrôleur général des lieux de liberté sont donc pleinement applicables depuis cette date.

Par ailleurs, un arrêté du 25 avril 2008 (13), qui n’était pas prévu par la loi du 30 octobre 2007, a été édicté, en vue de modifier l’article A. 40 du code de procédure pénale afin d’ajouter le Contrôleur général des lieux de privation de liberté à la liste des autorités avec lesquelles les détenus peuvent correspondre sous pli fermé. Il convient toutefois de souligner que cet article A. 40 du code de procédure pénale a depuis lors été abrogé par arrêté en octobre 2011 (14) et codifié par décret (15) à l’article D. 262 du même code.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a bien voulu nous faire part, dans un courrier en date du 30 janvier 2012, de ses observations concernant l’application de la loi du 30 octobre 2007.

Il pose notamment la question du secret médical. Favorable au respect de ce principe, il s’interroge sur l’opportunité qu’il y aurait, dans certains cas, à lever ce secret en l’assortissant de certaines conditions et précautions. En effet, il est aujourd’hui destinataire de nombreuses demandes portant sur l’adéquation entre les soins reçus et la pathologie ou encore sur des décisions de mise à l’isolement.

De façon tout aussi opérationnelle, il suggère également que la liberté et le secret de parole des agents entendus par les contrôleurs soient garantis et ne fassent l’objet d’aucune restriction hiérarchique les privant des informations utiles. Il se montre ainsi favorable à ce que les fonctionnaires et militaires soient déliés du devoir de réserve et que les entretiens ne fassent l’objet d’aucun compte rendu oral ou écrit.

Il propose enfin que, face aux réticences de certaines autorités administratives à transmettre des documents aux contrôleurs ou à répondre à certaines de leurs demandes, le Contrôleur général dispose, dans ces seules hypothèses, d’un pouvoir, non pas d’injonction, mais de mise en demeure.