Lors des questions d’actualité Marietta KARAMANLI demande au gouvernement de renoncer à augmenter la TVA, inefficace pour protéger l’emploi et injuste pour les familles les moins aisées

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Lors de la séance d’hier mardi 31 janvier consacrée aux questions d’actualité, j’ai interrogé le gouvernement sur la décision prise par le Chef de l’Etat d’augmenter de 1,6 % la TVA. Dans une atmosphère agressive, interrompue de nombreuses fois par des députés de l’UMP sans que le Président de séance ne fasse clairement respecter le principe de l’expression de l’orateur principal, j’ai dénoncé une mesure qui n’est pas de nature à être efficace pour l’emploi et est injuste pour les familles notamment les plus modestes. Concurrencer les pays émergents où les salaires sont 30 % inférieurs aux nôtres, en faisant baisser les charges sociales ce qui serait compensé par cette hausse, est illusoire. Concurrencer les pays européens où les produits fabriqués sont complémentaires des nôtres est aussi illusoire. A l’inverse l’augmentation incitera les consommateurs les plus modestes à acheter des produits moins chers venant de l’étranger. Enfin cette mesures est injuste car elle touchera plus durement les moins aisés. Ma question était simple même si je n’ai pu la formuler : « face à cette mesure inéquitable, le gouvernement entend-il rester raisonnable et ne pas la faire adopter dans la précipitation ?  » La réponse du gouvernement a été simple aussi : c’est non. Un projet de loi de finances sera présenté courant février un peu plus d’un mois après la promulgation de la loi de finances pour 2012…et trois mois avant l’élection présidentielle!


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Deuxième séance du mardi 31 janvier 2012, Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président.
La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 Questions au Gouvernement

Mme Marietta Karamanli.

Ma question s’adresse au Premier ministre.

Le Président de la République a fait d’une nouvelle augmentation de la TVA €“ 1,6 % €“ l’une de ses propositions de fin mandat et donc de probable candidat à l’élection présidentielle. Parallèlement, on baisserait les cotisations sociales et par là le coût du travail. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Pensez-vous rendre ainsi les entreprises plus compétitives ? (Même mouvement.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Marietta Karamanli.

Cette mesure sera inefficace pour l’emploi, elle entraînera une augmentation les prix et sera une nouvelle fois injuste envers les plus modestes.

Penser concurrencer les pays émergents, qui ont d’immenses réserves de main-d’Å“uvre payée avec de bas salaires €“ parfois trente fois inférieurs au SMIC €“ en abaissant un peu le coût du travail chez nous et en augmentant les taxes à payer sur les produits, c’est engager une course dont nos salariés seront les perdants.

Penser concurrencer les pays européens dont le coût du travail serait moins élevé en privilégiant des produits complémentaires mais différents n’apportera rien à nos exportations et à nos importations, et donc rien non plus à nos emplois.

M. Yves Nicolin.

Qu’est-ce que vous en savez ?

Mme Marietta Karamanli.

Les statistiques officielles françaises et européennes montrent que le coût du travail n’est pas plus élevé en France qu’ailleurs. D’ores et déjà, les allégements de cotisations sociales atteignent 30 milliards d’euros par an. Pourtant, l’emploi est au plus bas chez nous. La preuve est donc faite qu’ils ne jouent pas en faveur de l’emploi.

M. Yves Nicolin.

Baratin !

Mme Marietta Karamanli.

Par ailleurs, cette hausse se répercutera sur le prix des produits. Les consommateurs, notamment les plus modestes, achèteront alors des produits moins chers et venant d’ailleurs, ce qui aura l’effet inverse de celui recherché. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

L’augmentation de la TVA est profondément inégalitaire, puisqu’elle pèsera plus pour les classes les moins aisées. Au final, si elle était adoptée, cette mesure tuerait un peu plus le pouvoir d’achat des Français. Pour nous, socialistes, seul l’investissement dans des secteurs d’avenir €“ la recherche ou l’éducation €“ est important. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Nous avons bien compris, madame la députée, en lisant le programme socialiste, que votre seule recette pour créer de l’emploi, c’est la dépense publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Malheureusement, les emplois-jeunes, cela ne marche pas.

M. Patrick Lemasle. Vous êtes ridicule !

Mme Valérie Pécresse, ministre. La réforme que nous voulons faire, en l’occurrence la baisse du coût du travail, aura un effet sur l’emploi. Je vous renvoie aux analyses de tous les économistes, même s’ils ne s’accordent pas sur l’ampleur de cet effet.

Nous avons ciblé, avec cette mesure, les emplois de l’industrie, c’est-à-dire ceux qui sont les plus frappés par la concurrence et donc les plus facilement délocalisables. Cela touchera l’essentiel des emplois de l’agriculture et de l’industrie. L’effet sur l’emploi sera donc maximum.

M. Jean Mallot. Même sur les emplois au Gouvernement ?

M. Guy Delcourt. Dix ans ! Dix ans !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Quant à la hausse de la TVA dont vous parlez, dès lors que les prix des produits français baisseront, elle ne sera pas mécaniquement répercutée sous forme de hausse des produits.

M. Patrick Lemasle.

Mais si !

Mme Valérie Pécresse, ministre.

Si vous regardiez l’exemple de l’Allemagne, vous sauriez que ce pays a augmenté de trois points sa TVA en baissant d’un point le coût du travail et que cette hausse n’a pas été répercutée sur les prix.

De même, en 1995, quand Alain Juppé a augmenté de deux points la TVA sans baisser, à l’époque, le coût du travail, la répercussion n’a été que de 0,5 point sur les prix.

M. Michel Sapin.

C’est faux !

Mme Valérie Pécresse, ministre.

Dès lors, il n’y aucune fatalité à ce que la hausse de 1,6 point de la TVA soit répercutée sur les prix,€¦

M. Philippe Plisson.

C’est un rêve !

Mme Valérie Pécresse, ministre.

€¦alors que nous baisserons de cinq points le coût du travail dans l’industrie.

Pour finir, madame Karamanli, ne dites pas que le coût du travail en France est plus élevé qu’ailleurs. Le problème, c’est qu’il y a deux fois plus de charges sociales patronales en France qu’en Allemagne€¦

M. Daniel Paul.

Mais les salaires y sont plus bas !

Mme Valérie Pécresse, ministre.

Or, vous le savez, c’est notre principal concurrent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)