Marietta KARAMANLI devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe « Les citoyens ont droit de la part de l’Etat à la protection physique et, lorsqu’ils sont victimes de son inaction, à un procès juste »

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Le 28 janvier 2014, s’est déroulée à Strasbourg la nouvelle session de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE).
C’est dans le temps la première assemblée parlementaire européenne composée de délégations des parlements de 47 États membres. La taille de chaque délégation varie avec celle des États.
La délégation française comporte 36 membres (18 titulaires et 18 suppléants) contre 47 pour l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie ou la Russie.
L’Assemblée parlementaire compte au final 318 délégués titulaires (et autant de suppléants), désignés par les parlements nationaux. Certains Etats ont le statut d’observateur comme le Canada, Israël ou même le Mexique.
Par ailleurs, le Maroc et le Conseil national palestinien ont le statut de « partenaire pour la démocratie » auprès de l’APCE.
L’APCE est un lieu d’échanges sur la démocratie, le droit et le développement réunissant 820 millions de citoyens.
Entre les 47 Etats membres a été conclue une convention adoptée en 1950 et entrée en vigueur en 1953.
La Cour européenne des droits de l’homme contrôle la mise en Å“uvre de la Convention dans les pays membres.
Le première session 2014 de cette Assemblée à laquelle je représente l’Assemblée Nationale Française ( je suis aussi la Vice-présidente de la Délégation Française) s’est réunie la semaine passée à Strasbourg.
Mardi 28 janvier, je suis intervenue sur l’affaire « Magnitski » du nom d’un avocat russe mort en détention à la suite de mauvais traitements de ses gardiens. Il faisait l’objet de poursuites dans son pays alors même qu’il enquêtait sur des faits de détournement de fonds et de corruption. Sa mort n’a donné lieu à aucune poursuite.
Je suis intervenue pour souhaiter que la justice soit rendue sur les conditions de poursuite, de condamnation, de détention et de mort de M. Magnitski.
Ces poursuites permettraient de lever tout doute concernant l’impartialité de l’Etat dans cette affaire.


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Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
SESSION ORDINAIRE DE 2014


(Première partie)
COMPTE RENDU de la troisième séance, Mardi 28 janvier 2014 à 10 heures

3. Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski

LA PRÉSIDENTE

€“ L’ordre du jour appelle maintenant la présentation et la discussion du rapport de M. Gross, au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur « Refuser l’impunité pour les meurtriers de Sergueï Magnitski » (Doc. 13356).

Mme KARAMANLI (France)

€“ Le système de protection des droits de l’homme mis en place par la Convention européenne des droits de l’homme repose sur un triple pilier, correspondant à trois sujets de droit : la personne qui bénéficie de la protection instituée, l’Etat qui doit lui assurer la protection, enfin celui qui peut actionner le mécanisme de protection, de réparation ou de sanction assuré par l’Etat à la personne. Généralement, le bénéficiaire de la protection est aussi celui qui peut agir pour la mettre en Å“uvre.

Dans l’affaire qui nous préoccupe, le bénéficiaire n’est malheureusement plus : il a été victime de sévices et de mauvais traitements ayant conduit à son décès dans des conditions peu ou mal élucidées.

De son côté, l’Etat n’a pu assurer la protection à laquelle, comme sujet de droit, il s’est engagé.

Enfin, les recours possibles n’ont pas débouché pour des raisons procédurales ou qui tiennent aux choix des autorités juridictionnelles.

Ainsi, comme dans d’autres affaires, sont d’abord en cause des tiers qui devaient s’abstenir de porter atteinte aux droits fondamentaux de M. Magnitski.

Puis vient aussi la question de la responsabilité de l’Etat qui n’a pas assuré la protection utile à l’intéressé et n’a pas garanti son droit de voir ceux qui n’avaient pas respecté sa dignité et son intégrité être punis.

Conformément aux principes et textes qui nous réunissent ici, c’est désormais vers l’Etat que nous nous tournons. Il peut être tenu pour responsable des violations des droits en raison de sa carence à les faire respecter. C’est pourquoi la notion de victime devant notre Assemblée et la CEDH est si importante et si déterminante.

Il y a une sorte de déplacement des exigences de responsabilités des tiers qui ont violé les droits de M. Magnitski vers l’Etat.

L’affaire qui nous occupe est dramatique, comme le sont tous les cas de violation de droits fondamentaux d’une personne.

Elle est emblématique, non en raison de l’environnement politique qu’elle révèlerait mais du fait qu’elle illustre ce que le droit exige de l’Etat ; à savoir : la protection physique de ses citoyens ; la protection du droit des victimes à un procès juste ; la poursuite de ceux qui ont initialement violé les droits à l’intégrité et à la dignité d’une personne, notamment lorsqu’ils sont eux-mêmes agents ou collaborateurs de l’Etat et devraient donc être exemplaires.

Le contrôle de nos institutions sur ce genre d’affaires se veut pratique et efficace, car les droits auxquels nous sommes attachés ne sauraient être, comme le dit la CEDH, « des droits théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs ».

C’est la raison pour laquelle nous devons nous concentrer sur ce qui est rapporté objectivement. Vouloir résoudre simultanément tous les problèmes posés par une équation complexe, c’est prendre le risque de n’apporter de réponse à aucun.

La justice doit être rendue sur les conditions de poursuite, de condamnation, de détention et de mort de M. Magnitski. La justice doit aussi donner à voir qu’elle est rendue. Il y a là l’expression d’une fonction sociale qui concerne chaque Etat et nos institutions communes.

Les garanties demandées doivent empêcher que les citoyens doutent de la légitimité de l’Etat et de la justice. Au titre de ces garanties, il y a l’impartialité de la justice.

Il nous appartient collectivement d’inciter chaque Etat, en l’occurrence, ici, la Fédération de Russie, à renouveler et renforcer sa légitimité en rendant sa justice et en rendant admissible par tous le résultat de son travail.