Marietta KARAMANLI « Il faut hiérarchiser les enjeux et mesurer la criticité (importance des effets négatifs et fréquence de ceux-ci) des produits de consommation courante pour améliorer la santé de nos concitoyens »

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Le 17 juillet dernier, j’ai participé à la réunion de la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale qui recevait Andreas Kortenkamp, spécialiste en toxicologie humaine à l’Institut pour l’environnement de la Brunel University.
Celui-ci intervenait sur les perturbateurs endocriniens et la politique de l’Union européenne en la matière.
Je l’ai interrogé sur le fait que certains scientifique font valoir que des résultats qualifié de « marginaux » (effet cancérigènes de substances ou mécanismes mesurés chez des animaux à des doses considérables) ont beaucoup d’effets dans l’opinion alors même que certains résultats mesurés à grande échelle chez l’homme et en taille réelle ne donnent pas lieu à autant de mobilisation scientifique ni de mesures fortes de la part des pouvoirs publics,
Je pense au rôle de certaines protéines animales dans le développement de cancers.
C’est à la fois positif dans le domaine de la prévention et inquiétant dans le domaine des réalisations.
Je lui ai notamment demandé quelle était sa position comme chercheur sur ce que je considère comme un paradoxe.
Malheureusement dans sa réponse, après avoir rappelé les enjeux essentiels, à ses yeux, de la démarche scientifique, le côté positif du principe de précaution qui permet d’agir en amont et l’intérêt de définir des critères communs à l’ensemble des produits (pesticides, industriels, ou cosmétiques), il n’a pas pu répondre du fond à mon interrogation.
La hiérarchisation des enjeux et la mesure de la criticité (importance des effets négatifs et fréquence de ceux-ci ) devraient, à mon avis, guider les efforts publics pour prévenir les effets néfastes de certains produits de grande consommation et améliorer la santé.
Cette question est importante et j’ai la volonté d’y revenir lors de prochains travaux parlementaires.


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Commission des affaires européennes, mercredi 17 juillet 2013
I. Audition de M. Andreas Kortenkamp, professeur en toxicologie humaine à l’Institut pour l’environnement de la Brunel University, sur les perturbateurs endocriniens, dans le contexte de l’Union européenne


Mme Marietta Karamanli.

Il est paradoxal que des résultats scientifiques marginaux aient un impact fort dans l’opinion publique alors que des mesures sur une large échelle humaine mobilisent peu les autorités scientifiques et publiques. Il en est ainsi des travaux relatifs aux protéines animales dans le développement de certains cancers. Quel est votre point de vue, en tant que chercheur et expert, sur ce paradoxe ?

Lors des débats qui se sont tenus, à l’Assemblée nationale, sur l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires, j’avais mis en avant une étude américaine de 2010 selon laquelle les industries s’adaptent plus rapidement que les régulateurs.

Comment anticiper les évolutions éventuelles dans la législation ?

M. Andreas Kortenkamp.


Pour prouver des effets délétères sur l’être humain, il faut que ceux-ci soient déjà très forts et donc que le danger soit par conséquent très grand. Or c’est précisément ce que nous voulons éviter. Il n’est pas admissible d’attendre de voir les impacts sur la population humaine car ce serait alors déjà trop tard.

Le principe de précaution, défini et ancré dans les traités de l’Union européenne, découlant aussi de la Conférence de Rio de 1992, n’a rien à voir avec l’esprit du règlement sur les produits phytosanitaires, qui pose des limites fondées sur le risque inhérent aux produits cancérigènes, mutagènes, etc., ayant un impact sur le système reproductif.

Mais le principe de précaution n’est pas en cause car il y a de bonnes raisons pour refuser, sur les marchés, la présence de produits chimiques comportant ces caractéristiques. Telle est l’analyse de la Commission européenne, qui essaye donc de mettre en Å“uvre une législation appropriée, mais il existe un risque de confusion. Des sociétés et des experts en toxicologie aiment les études de risques et cherchent surtout à établir la dangerosité d’un produit chimique présent dans la nature et ayant un impact sur l’organisme.

Pour définir les perturbateurs endocriniens, c’est la définition de l’OMS qui prévaut et elle est limpide. Mais il existe aussi des perturbateurs endocriniens potentiels. L’activité sur le système endocrinien n’est, pour sa part, pas définie. Si certains laboratoires emploient l’expression « substance active », c’est pour démontrer l’impact de certains facteurs chimiques sur des systèmes hormonaux. Pour démontrer l’effet délétère des perturbateurs endocriniens, il reste néanmoins nécessaire de procéder à des expérimentations sur l’animal.

Le besoin de définir des critères horizontaux, plutôt que des critères différents pour les pesticides, les produits industriels, les cosmétiques, etc., est manifeste. Toxicologie et toxicité ne suivent en effet pas nécessairement les arcanes juridico-politico-administratives ! C’est précisément à cet exercice de définition que la Commission européenne se livre.