Marietta KARAMANLI  » Pour lutter contre la crise, il faut mieux utiliser la richesse produite »

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Le 5 octobre dernier, je suis intervenue en séance publique de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) en vue de présenter le point de vue de la commission des affaires sociales, de la famille et de la santé dont j’étais le porte-parole sur le projet de rapport sur les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques en 2010-2011.
J’y ai notamment défendu trois propositions d’orientations.
La taxation de la richesse. Une des leçons de la crise est que réduire les inégalités ne répond pas seulement à un objectif de justice sociale, c’est aussi un objectif de stabilité économique. Plusieurs économistes ont montré qu’un accroissement de la taxation des hauts revenus et du capital permettrait de réduire la prise de risque excessive dans le secteur financier. J’ai suggéré que l’OCDE en étudie les effets positifs ou€¦ négatifs.
La redistribution. La redistribution, notamment à travers des politiques ambitieuses de construction de logements à loyer social et d’accès aux biens essentiels (eau, énergie, €¦) peut constituer une mesure de lutte contre la pauvreté et de limitation de surendettement des plus pauvres. J’ai demandé que l’OCDE conseille les Etats dans ce domaine.
Négociations internationales sur le travail. Un meilleur combat contre le chômage et une plus juste rémunération passent aujourd’hui probablement par des procédures de négociations patronales et syndicales encouragées par la puissance publique à un échelon international. J’ai souhaité que l’OCDE accompagne les Etats dans cette recherche d’une politique contractuelle internationale.
J’avais développé ces points de vue dans un rapport, disponible au téléchargement ici.
J’avais aussi préalablement déposé des amendements sur ces sujets examinés par la commission des affaires sociales et adoptés par elle.
De façon plus spécifique, en matière de taxation de la richesse, et sur mon insistance pour que cette question soit débattue au sein de l’APCE (assemblée « politique » où les Parlements nationaux sont représentés par des parlementaires des différentes chambres des Etats membres ; ces parlementaires s’affiliant à des groupes politiques – droite populaire, libéraux ou socialistes par exemple ) j’ai obtenu satisfaction en faisant valoir que dans bon nombre des grands Etats, était envisagée une taxation nouvelle des plus hauts revenus. Les plus riches ont profité des conditions favorables à la réalisation de leurs affaires, il est donc normal qu’ils contribuent plus fortement au financement des services nécessaires à tous !
Mon engagement a été payé en retour car à la suite l’APCE s’est prononcée pour une taxation des transactions financières dont j’avais déjà défendu le principe à l’Assemblée Nationale.
Au final si on est encore loin d’un dispositif applicable, l’idée de mieux taxer l’enrichissement né de la spéculation progresse et finira par devenir majoritaire !

NB : L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique a été instituée en 1961 et regroupe 34 pays. Elle a pour but d’ aider les gouvernements à répondre aux défis économiques, sociaux et de gouvernance posés par le développement et les échanges économiques. Ses positions en la matière sont très favorables au libre-échange.


Marietta KARAMANLI au Conseil de l’Europe à Strasbourg le 5 octobre dernier

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Le texte intégral de mon intervention

SESSION ORDINAIRE DE 2011, quatrième partie, COMPTE RENDU
de la trente deuxième séance, Mercredi 5 octobre 2011 à 10 heures

LE PRÉSIDENT*

€“ La parole est à Mme Karamanli, pour présenter la contribution de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille.

Mme KARAMANLI (France), porte-parole de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille

 Monsieur le Président, Madame la rapporteure, chers collègues, aujourd’hui, il est donné à notre Assemblée de débattre de sujets importants au travers de l’avis qu’elle émet sur le rapport d’activité de l’OCDE.

Nous faisons face à une grave crise financière, économique et sociale qui, tout en ressemblant aux précédentes, est probablement différente des autres.

Tout d’abord, les inégalités ont préparé la crise de l’endettement privé qui est devenue depuis une crise de l’endettement public.

Aux Etats-Unis où la crise financière a vu le jour, les plus pauvres que la théorie économique voyait comme devant réduire leur consommation, ont continué à s’endetter et les riches se sont, en grande partie, enrichis, grâce aux profits croissants du secteur financier.

La suite, on la connait avec, d’un côté, l’avènement de banques qui ont fait le « pont » entre pauvres et riches et ont spéculé en utilisant des innovations financières et, d’un autre côté, leur chute, au moins sur le papier. Par la suite, les Etats sont intervenus pour sauver les banques et maintenir l’activité. Les plus faibles, les moins organisés et les plus dépendants de ces Etats sont aujourd’hui endettés et leur dette augmente.

L’idée qui a prédominé jusqu’ici est que, si un pays très endetté se soumet à une discipline budgétaire, les taux d’intérêt sur les marchés redeviendront supportables et l’accès à un crédit moins cher sera alors possible. Là encore, cela ne se passe pas comme prévu.

Par ailleurs, des estimations récentes montrent que depuis 2008, les pays du G20 ont perdu vingt millions d’emplois et pourraient, face à une croissance faible, en perdre autant.

Comme le note le rapport de la commission des questions économiques et du développement, la croissance reste non seulement modeste, mais elle est fragile, ce que confirment les derniers indicateurs disponibles.

Il convient de souligner que notre commission s’est félicitée des priorités mises à jour par la commission des questions économiques et du développement de l’Assemblée.

Notre commission a aussi appelé l’attention sur la nécessité d’initiatives visant trois objectifs.

Le premier est la taxation raisonnable de la richesse. Une des leçons de la crise est que réduire les inégalités ne répond pas seulement à un impératif de justice sociale, mais aussi un moyen de stabilité économique.

Certes le droit de propriété garantit que les personnes doivent garder l’argent de leurs revenus et patrimoines et que l’impôt ne peut être confiscatoire. Mais, comme le dit la professeure de droit américain Elisabeth Warren : « Personne, dans nos pays n’est devenu riche tout seul. », soulignant que les riches ne peuvent s’enrichir que grâce au « contrat social » qui assure une société décente qui fonctionne, dans laquelle ils peuvent prospérer.

Ainsi, il nous semble que nul ne peut s’exonérer d’une contribution raisonnable à ce contrat social.

Par ailleurs, plusieurs économistes ont montré qu’un accroissement de la taxation des hauts revenus et du capital permettrait de réduire la prise de risques excessive.

Autre proposition : la redistribution, notamment au travers des politiques ambitieuses de construction de logements à loyer social et d’accès aux biens essentiels.

Il nous semble que l’OCDE pourrait accompagner les Etats dans cette recherche d’une politique contractuelle internationale.

Telles sont, brièvement résumées, les propositions présentées et défendues par notre commission.