Marietta KARAMANLI « Pourquoi je défends le principe d’un suivi par l’Assemblée Nationale de l’exécution par la France des décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) »

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Le 26 novembre 2014, j’ai défendu en séance publique lors de la discussion du projet de résolution de modification du règlement de l’Assemblée Nationale un amendement tendant à instituer chaque année un débat soit par la Commission des Lois soit en séance publique de l’Assemblée sur un rapport relatif à l’exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Vice-présidente de la délégation française auprès de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe et membre de la commission des lois de l’Assemblée Nationale française où j’y exerce la « veille européenne » c’est à dire le suivi des projets de textes ou des décisions juridictionnelles qui auront ou pourraient avoir un impact sur l’ordre juridique national, j’estime, à l’instar d’autres collègues, que le Parlement doit s’impliquer davantage pour voir comment l’exécutif et les tribunaux prennent en compte les décisions de la CEDH et comment la loi française doit être modifiée pour tenir compte de l’évolution des textes de préservation des droits de l’homme. Rapporteure d’un projet de loi sur la transposition de directives (venant de l’Union européenne) j’avais saisi l’opportunité de ce texte pour abroger le délit d’offense au Chef de l’Etat pour lequel la France avait été condamnée suite à une décision d’une juridiction française condamnant un citoyen qui avait retourné au précédent Président de la République un  » Casse toi…Pov C.. ». Par ailleurs j’avais proposé et obtenu l’introduction d’une définition de l’esclavage correspondant aux formes nouvelles de ce crime.
Je considère qu’il appartient au Parlement de pouvoir modifier la législation quand elle n’est plus adaptée aux droits fondamentaux tels qu’interprétés par la CEDH.
J’ai donc proposé de saisir la possibilité du rapport fait (quatre fois l’an) par la délégation française à l’APCE pour y introduire une partie (une fois par an) consacrée à l’exécution des décisions de la CEDH, en relation avec les services du Conseil de l’Europe. La discussion publique sur les efforts ou les refus de l’exécutif ou les difficultés pour les juridictions Françaises d’appliquer les décisions serait de nature à prévenir de nouveaux contentieux en agissant en amont sur les textes qui posent problème.
Plusieurs parlements européens ont déjà adopté des mesures comparables.
Malheureusement malgré mes efforts et le fait que l’amendement ait été déclaré intéressant et que la discussion aurait pu être menée seulement commission et non en séance publique (nous aurions pu sous-amender la proposition), aucune majorité n’a été réunie pour adopter une telle innovation. Ici comme ailleurs, ma proposition participe d’un processus de « maturité des esprits » qui finira, je pense, par aller à son terme.


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Assemblée nationale, XIVe législature, Session ordinaire de 2014-2015
Compte rendu intégral, Deuxième séance du mercredi 26 novembre 2014

Modification du règlement de l’Assemblée nationale, Suite de la discussion d’une proposition de résolution

Mme la présidente.

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de résolution de M. Claude Bartolone tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale (nos 2273, 2381).

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 29.

Mme Marietta Karamanli. Comme je l’ai dit tout à l’heure, un peu rapidement, lors de la discussion générale, il s’agit là de faire en sorte que nous prenions en compte toute une série de travaux et de propositions du Conseil de l’Europe. L’idée est que les parlementaires nationaux puissent prendre connaissance la manière dont la convention européenne des droits de l’homme, telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme, est appliquée et qu’ils puissent Å“uvrer à une pleine appropriation des décisions de la Cour par notre pays. Cela contribuerait à limiter le nombre de recours individuels devant la Cour pour cause de non-conformité des droits nationaux à la convention européenne des droits de l’homme.

Je rappelle aussi que le président actuel de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, René Rouquet, et le président délégué, Jean-Claude Mignon, ont déposé une proposition de loi en ce sens, mais, si nous saisissions l’occasion que nous offre cette révision du règlement, cela nous permettrait d’éviter un examen au Sénat, puisque nous sommes totalement maîtres, comme le rappelait le président de la commission des lois, de l’organisation de nos travaux. Il s’agit en fin de compte de demander que soit organisé une fois par an en commission des lois un débat dont l’objet serait le suivi des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et un rapport sur le sujet de la délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Mme la présidente.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Urvoas, rapporteur. Nous parlons ici de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont je dirai deux mots. Composée de vingt-quatre députés €“ douze titulaires, douze suppléants €“ et de douze sénateurs €“ six titulaires, six suppléants €“, elle est reconstituée au début de chaque législature.

Si elle souhaite faire un développement sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, elle n’a pas besoin d’une disposition réglementaire pour cela. De même, si nous assurons à la commission des lois €“ Marietta Karamanli et Guy Geoffroy le savent mieux que personne €“ une veille européenne qui fonctionne très bien, nous n’avons pas eu besoin d’une disposition réglementaire pour le permettre. Je crois donc que cet amendement est superfétatoire. En outre, il comporte une disposition dont la constitutionnalité me paraît poser problème : il imposerait en effet une séance publique dans l’hémicycle qui n’est pas prévue par la Constitution. Je crains que cet élément de contrainte ne soit pas tout à fait conforme à la Constitution. Sur le fond, ce que vous proposez présente un véritable intérêt, chère collègue. Cependant, voter cet amendement serait inutilement contraignant.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli.

Je prends note de vos propos, monsieur le président Urvoas. Je sais que vous avez fait preuve d’initiative, en proposant que cette veille européenne incombe à deux co-rapporteurs, l’un issu de la majorité, l’autre de l’opposition. J’espère que cette volonté, disons cette volonté de la commission, permettra un suivi et un rapport. Quant au débat que je suggérais, je n’envisageais pas qu’il se tienne nécessairement en séance publique, il pouvait aussi se tenir en commission.

J’aurais souhaité que cela soit inscrit dans notre règlement, parce que d’autres assemblées, notamment le Sénat, se sont dotées d’une telle règle. Je m’en tiens cependant à votre engagement, en espérant que les prochaines majorités le respecteront également. Je retire donc cet amendement.

(L’amendement no 29 est retiré.)

Amendement présenté par Mme Marietta KARAMANLI

Proposition d’amendement à la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République) présentée par M. Claude BARTOLONE, Président de l’Assemblée nationale.

Le 2) de l’article 29 est complété de la façon suivante. A la suite de « Les représentants de l’Assemblée nationale présentent au moins une fois par an un rapport écrit sur l’activité de l’assemblée dont ils font partie. Ce rapport d’information est imprimé et distribué » est ajoutée la phrase
« Ce rapport d’information comporte une partie relative à l’exécution par la France des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette partie fait l’objet d’un débat en commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ou en séance publique. »
Motifs
Le Conseil de l’Europe a pris un certain nombre d’initiatives afin d’assurer le suivi de l’exécution des décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans l’ensemble des Etats membres représentés au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE).
L’idée est que les parlements nationaux puissent prendre connaissance de l’application de la convention telle qu’interprétée par la CEDH et s’en saisissent avec pour objectif d’assurer la pleine appropriation des décisions de justice et limiter aussi les recours individuels à la même CEDH dans des affaires nées de la non-conformité des droits nationaux à la convention européenne des droits de l’homme.
En 2011 une proposition de loi (n° 3345) à l’initiative Jean-Claude MIGNON et cosignée par René ROUQUET avait été déposée tendant à présenter au Parlement un rapport annuel sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme par la France.
Cette préoccupation, améliorer l’effectivité de la convention européenne des droits de l’homme, peut trouver une prise en compte dans une modification du règlement de notre Assemblée.
C’est la raison de cet amendement dont l’objectif est qu’une partie relative à l’exécution des décisions de la CEDH figure systématiquement dans le rapport annuel de notre délégation et donne lieu à une discussion en commission des lois ou en séance publique.
Une telle adaptation de notre règlement sans nécessiter un vote par le Sénat donnerait à notre assemblée l’opportunité d’évaluer l’exécution des décisions de la CEDH par notre pays et de pouvoir, à la suite, prendre les initiatives utiles lors de l’examen de projets de loi ou de propositions mettant en Å“uvre ou en cause les droits fondamentaux tels qu’interprétés par la CEDH.