Marietta KARAMANLI « Présentation du programme sur la sécurité intérieure de l’Union Européenne : un rapport adopté et une résolution votée par la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale, et ce, pour une sécurité effective et solidaire entre Etats membres de l’Union Européenne »

Les 18 novembre et 11 décembre 2015 avec mon collègue Charles de la Verpillère (LR), nous avons présenté un rapport sur le programme de sécurité intérieure de l’Union Européenne puis fait adopter à une très large majorité une résolution sur ce programme.
Depuis plusieurs années, la commission des affaires européennes a fait un travail important sur le fond. Il fait comme je l’ai dit « progresser les opinions : celles des autorités françaises, celles des autres parlements, qu’ils soient européen ou nationaux, et évidemment de nos concitoyens ».
Nous avons alerté sur un grand nombre de sujets qui sont aujourd’hui des priorités, que l’on retrouve dans nos communications précédentes mais aussi dans le programme pour la sécurité au niveau européen. La gestion communes des frontières, le passager name record (PNR), la nécessité d’une meilleure coordination de la lutte contre les trafics criminels, font partie des sujets que nous avons traités, appelant au renforcement des moyens partagés et communs dans l’Union.
Nos résolutions sur le Parquet européen, notre appel à renforcer les moyens dédiés aux opérations de contrôle de l’immigration irrégulière au moment où la Commission entendait les diminuer, notre appui à des moyens nouveaux comme la création d’un corps de garde-frontières, constituent autant de points positifs et constructifs d’une politique de sécurité commune que nous soutenons depuis plusieurs années.
Je ne peux que me féliciter que le bien fondé de nos orientations raisonnées, cherchant toujours l’équilibre entre les besoins de la force publique et la nécessité des droits et des libertés des citoyens, soit en quelque sorte admis.
Notre rapport a été unanimement salué par les collègues qui ont voté très majoritairement la résolution.
Notre seul regret a de ne pas avoir été suffisamment entendu avant par les diverses autorités nationales sur ces différents points.
Je reste mobilisée sur ces questions, ô combien, importante pour notre sécurité collective.


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Commission des affaires européennes, Mercredi 18 novembre 2015, 16 h 30
Compte rendu n° 239, Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Communication de Mme Marietta Karamanli et M. Charles de La Verpillière sur le programme européen en matière de sécurité (COM(2015) 185 fin

La Présidente Danielle Auroi.

Le premier point de notre ordre du jour est malheureusement au cœur de l’actualité puisqu’il s’agit de présenter le nouveau programme européen de sécurité. Je crois que la question que je posais tout à l’heure sur le Parquet européen dans le cadre des questions au Gouvernement faisait aussi partie de la même logique.
Avant de passer la parole à nos deux co-rapporteurs, je souhaiterais souligner auprès de vous que, dans son discours solennel devant le Congrès, le Président de la République a fortement fait appel à l’action de l’Europe. Dans ces circonstances tragiques, l’Europe est en effet le niveau incontournable pour relever les défis majeurs qui sont devant nous, notamment en matière de sécurité, mais aussi dans bien d’autres domaines.
Le Président a évoqué le recours au paragraphe 7 de l’article 42 du Traité sur l’Union européenne. Celui-ci, resté jusqu’à présent lettre morte, prévoit une aide et une assistance de tous les États membres si l’un d’entre eux fait l’objet d’une agression armée. Je me permettrais quand même de rappeler que cinq États sont théoriquement dispensés mais le Ministre Le Drian nous a assuré que tous les États avaient fait preuve de solidarité au cours du Conseil qui a examiné cette demande de la France. La Haute Représentante Federica Mogherini et notre Ministre de la Défense ont annoncé ensemble, compte tenu du contexte sécuritaire inédit en Europe, que cette clause de défense commune était activée à effet immédiat. Nous sommes donc bien dans une logique plus positive et plus claire : cet article est utilisé et activé de façon solidaire pour la première fois.
La réaction de l’Union européenne pour assurer sa protection collective face à la menace terroriste ne serait donc pas limitée au domaine intérieur mais aura désormais une dimension de défense commune. C’est important pour nous qui travaillons déjà depuis des mois et des années, pour certains d’entre nous, sur cette logique de la défense commune. C’est un pas politique essentiel pour l’union de nos pays européens que je tenais à souligner devant vous dès maintenant.
Sur des sujets voisins, je vais passer la parole à nos deux co-rapporteurs que nous allons écouter avec la plus grande attention.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Merci, Madame la Présidente, pour vos paroles à ce moment particulier. Effectivement, chers collègues, notre communication relative au programme européen de sécurité pour la période 2015-2020, prévue depuis plusieurs semaines, intervient après le terrible choc et drame qu’ont constitué les attentats du 13 novembre. Bien sûr, ma première pensée va aux victimes, à leurs familles et proches. Ma reconnaissance va aussi aux forces de sécurité, de secours et de santé mobilisées pour aider et sauver.
Il y a plus de deux cent ans, Condorcet énonçait qu’ » il ne suffit pas pour jouir de la liberté, de ne pas craindre qu’elle soit troublée par l’autorité civile, il faut encore qu’elle soit à l’abri de la violence et des attentats que les préjugés peuvent inspirer ». C’était, selon lui, la justification d’une force publique dévouée à la République. Les conditions de fonctionnement d’une « force publique », pour reprendre cette expression, au niveau européen sont au cœur de notre communication avec Charles de La Verpillière.
Si parfois notre travail de députés de la commission des affaires européennes est un point dans un chemin décisionnel complexe où les États doivent s’accorder pour décider, il convient de considérer que notre travail est un travail de fond, de conviction, de recommandation et de résolution engageant la volonté nationale. Notre travail, en s’inscrivant dans la durée et au fond, fait progresser les opinions : celles des autorités françaises, celles des autres parlements, qu’ils soient européen ou nationaux, et évidemment de nos concitoyens.
Sur l’ensemble des sujets évoqués par le Chef de l’État lors de son message au Congrès lundi, nous pouvons me semble-t-il nous féliciter d’avoir travaillé, proposé, alerté sur un grand nombre de sujets qui sont aujourd’hui des priorités, que l’on retrouve dans nos communications précédentes mais aussi dans le programme pour la sécurité au niveau européen. La gestion communes des frontières, le passager name record (PNR), la nécessité d’une meilleure coordination de la lutte contre les trafics criminels, font partie des sujets que nous avons traités, appelant au renforcement des moyens partagés et communs dans l’Union.
Nos résolutions sur le Parquet européen, rappelées d’ailleurs par notre Présidente lors des questions d’actualité, notre appel à renforcer les moyens dédiés aux opérations de contrôle de l’immigration irrégulière au moment où la Commission entendait les diminuer, notre appui à des moyens nouveaux comme la création d’un corps de garde-frontières, constituent autant de points positifs et constructifs d’une politique de sécurité commune que nous soutenons depuis plusieurs années. Nous ne pouvons que nous féliciter que le bien fondé de nos orientations raisonnées, cherchant toujours l’équilibre entre les besoins de la force publique et la nécessité des droits et des libertés des citoyens, soit en quelque sorte admis.
Nous ne pouvons que regretter ici qu’il faille parfois un drame pour que les États prennent conscience de la nécessité d’aller plus loin. Souvent les gouvernements des États de l’Union européenne reprochent à leurs citoyens de ne pas changer aussi vite et aussi profondément qu’ils devraient le faire pour s’adapter à un monde globalisé et à des enjeux nouveaux. Force est de reconnaître que les États ne sont pas toujours exempts de critiques au niveau européen.
Le constat est que la coopération existe là où le fait de ne pas décider et d’agir aurait des conséquences immédiates négatives, autrement dit, si l’abstention des États était directement la raison d’une crise, d’une dégradation imputable à leur négligence ou imprudence. Dans ces conditions, notre travail est et reste fondamental. Les événements récents leur donnent une perspective et une justification renouvelées. Faisons en sorte que ce drame national devienne une force pour aller plus loin.
Nous vous proposons à présent de faire un point sur le travail qui a été conduit depuis plusieurs semaines sur ce programme européen pour la sécurité. Mon collègue co-rapporteur Charles de La Verpillière va tout d’abord vous présenter les enjeux, les priorités et nous vous présenterons ensuite les différents aspects du programme. Nous vous proposons de ne pas adopter de conclusions aujourd’hui puisque vendredi prochain aura lieu une réunion du Conseil Justice et Affaires Intérieures, portant sur cette thématique-là, et nous vous proposons de revenir devant vous avec des conclusions ou une résolution, selon les décisions qui seront prises, dans quinze jours lors d’une prochaine réunion de notre commission.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur.

Je voudrais, avant d’en venir à la partie de la présentation qui m’incombe, faire moi aussi une déclaration liminaire, en soulignant que je la fais à titre personnel.
Tout d’abord, l’actualité tragique des attentats islamistes à Paris et au Stade de France donne tout son sens, s’il en était besoin, au travail que nous avons entrepris. Le meilleur hommage que nous puissions rendre aux victimes et aux forces de l’ordre, c’est de créer, en tant que parlementaires, les conditions juridiques et pratiques, d’une lutte efficace contre le terrorisme.
Dans ce contexte, l’impérieuse nécessité d’une politique européenne en matière de sécurité est plus que jamais évidente. Un seul exemple suffit à l’illustrer : le fait que c’est une filière franco-belge qui a préparé et perpétué les massacres de vendredi dernier.
Je dois relever, malheureusement, la mise en œuvre trop lente et tardive de la politique européenne en matière de sécurité. Pourtant des outils existent et sont à mettre à l’actif de cette politique européenne. Ces outils existent par exemple pour l’échange d’informations entre les forces de sécurité des États membres, mais la Commission européenne souligne qu’ils ne sont pas suffisamment utilisés. Quant aux outils nouveaux, comme le système européen de dossiers passagers – le fameux PNR – il est anormal qu’ils n’aient pas encore abouti. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement français en la matière, mais je constate qu’il n’a pas obtenu gain de cause à ce stade.
Je souhaite, dans le même esprit, que l’appel à la solidarité européenne, lancé par la France dans le cadre de l’article 42 alinéa 7 du Traité sur l’Union européenne, soit entendu et que tous nos partenaires européens mettent en œuvre des mesures concrètes de solidarité.
Enfin, je voudrais souligner que la politique de sécurité et la question des migrations sont étroitement liées. Là encore, les attentats de vendredi dernier nous le démontrent : l’un des terroristes était entré en Europe, semble-t-il, en se faisant passer pour un migrant. La lutte contre le terrorisme en Europe passe aussi par un traitement approprié des flux migratoires.
Ayant fait cette déclaration liminaire, j’en viens désormais à notre communication orale proprement dite. Dans un premier temps, je vous dirai quels sont les objectifs et les priorités retenus dans ce programme et Marietta Karamanli vous présentera ensuite notre point de vue sur le programme et l’avancée de certains chantiers.
Le 28 avril dernier, la Commission européenne a présenté le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020. Le partage des compétences établi par les traités prévoit que le Conseil européen définit les grandes orientations stratégiques de la programmation législative et opérationnelle dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, conformément à l’article 68 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tandis que les États membres demeurent pleinement responsables de la sécurité nationale et du maintien de l’ordre public (art. 4 § 2 TUE, art. 72 TFUE).
Figurant parmi les priorités politiques du président Juncker pour la période 2015-2020, le programme de l’Union européenne présenté le 28 avril dernier visant à lutter contre les menaces pour la sécurité dans l’Union européenne, s’inscrit dans la continuité de la Stratégie précédente. Les évolutions du contexte sécuritaire ont toutefois conduit à un ajustement des priorités, moyens d’actions et instruments dans le programme pour 2015-2020. Je précise que la stratégie précédente est la Stratégie de sécurité intérieure (SSI), qui couvrait la période 2010-2014.
Dans sa communication du 28 avril, la Commission européenne définit une approche globale dont la réussite repose sur un triptyque associant partage des responsabilités, confiance mutuelle et coopération effective entre tous les acteurs, c’est-à-dire les institutions et agences de l’Union européenne, les États membres et les autorités nationales, voire la société civile.
Trois objectifs stratégiques ont été retenus pour les années 2015 à 2020 : la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre la cybercriminalité. Je vais reprendre ces trois objectifs en disant tout de même, avant, quelques mots sur la méthode privilégiée par la Commission.
Pour la mise en œuvre du programme pour 2015-2020, la Commission insiste sur la nécessité de renforcer les échanges d’information et d’améliorer la coopération opérationnelle. L’Union européenne dispose en effet de plusieurs instruments pour faciliter les échanges d’informations entre États membres, agences et institutions. Plusieurs bases de données, comme le système d’information Schengen (SIS), le système douanier d’informations anticipées sur les marchandises, le système d’information antifraude (AFIS), exploité par l’OLAF, l’environnement commun de partage de l’information (CISE) en matière maritime ou le « cadre Prüm » concernant la coopération policière permettent aux États membres de procéder à de tels échanges. Ces instruments existent donc mais ils sont aujourd’hui inégalement ou insuffisamment exploités.
L’ambition du programme de la Commission pour 2015-2020 est d’apprécier l’utilité des instruments existants, d’en promouvoir une meilleure utilisation et de proposer, le cas échéant, de nouveaux outils à même de remplir les objectifs que l’Union s’est fixée pour assurer sa sécurité. Vos rapporteurs saluent tout particulièrement cette démarche pragmatique.
Je voudrais à présent revenir sur les trois objectifs du programme.
Tout d’abord, sur l’objectif premier et central : la lutte contre le terrorisme.
C’est évidemment cet objectif qui, ces jours-ci et pour les semaines et les mois qui viennent, va nous mobiliser particulièrement.
Vos rapporteurs souhaitent saluer l’approche globale retenue dans le programme, qui propose de renforcer le volet répressif de la lutte contre le terrorisme, à des fins de dissuasion, et d’accentuer considérablement le volet préventif en mettant l’accent sur le développement de mesures de prévention par la communication, l’éducation et la formation et en incitant à la mobilisation la plus large possible.
Le deuxième objectif du programme, la lutte contre la criminalité organisée, s’inscrit dans la continuité des actions entreprises par l’Union européenne depuis 2010, en particulier dans le cadre du programme de Stockholm sur lequel notre Commission s’est déjà exprimée en mai dernier. En dépit des mesures déjà mises en œuvre dans ce cadre, le développement ou le maintien de réseaux criminels s’adonnant à des trafics divers, continuent de menacer l’économie européenne ainsi que les droits et libertés fondamentales.
La Commission européenne a érigé au rang de priorités pour la période 2015-2020 l’amélioration de la législation sur les armes à feu et le renforcement de la lutte contre le trafic des êtres humains. À cet égard, une attention particulière devra être portée, bien entendu, aux flux financiers engendrés par les trafics en tous genres, ainsi que sur les liens entre ces profits et le terrorisme. Ces jours derniers, de tous côtés, il a été dit combien le tarissement des financements des groupes terroristes – à commencer par le financement de l’État islamique – était absolument prioritaire et primordiale.
Vos rapporteurs rappellent l’existence d’un plan d’action de l’Union européenne spécifique contre le trafic de migrants pour la période 2015-2020 et soulignent que l’articulation entre les mesures mises en œuvre au titre de ce plan d’action et celles relevant du programme européen de sécurité devront faire l’objet d’une étroite coordination et d’un suivi régulier. J’ai insisté dans ma déclaration liminaire sur le lien qu’il convient de faire entre le programme de sécurité intérieure et la politique en matière de migrations.
S’agissant enfin du troisième objectif, je voudrais souligner que la cybercriminalité, menace transfrontière par nature, nécessite un traitement juridique commun des menaces contre la « cybersécurité » et une étroite coopération entre les autorités judiciaires compétentes afin d’améliorer notamment l’accès aux éléments de preuve et d’information en dehors de leur juridiction territoriale.
Cette troisième priorité est plus succinctement abordée dans la communication de la Commission européenne et nécessitera de veiller à sa déclinaison opérationnelle. Vos rapporteurs soulignent l’aspect stratégique des actions visant à assurer la « cybersécurité » de l’Union européenne dans la mesure où Internet se révèle être un cadre propice à l’épanouissement des activités criminelles et/ou terroristes et aussi de possibles atteintes aux libertés individuelles et là encore l’actualité récente et tragique vient de nous le rappeler.
Je laisse la parole à Marietta Karamanli pour présenter nos points de vue sur le programme et l’avancée de certains chantiers.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Sur l’analyse des objectifs et priorités du programme et suite aux auditions que nous avons conduites, je souhaiterais vous faire part de certaines remarques qu’appelle de notre part ce programme.
Quelques mois seulement après son lancement, plusieurs chantiers législatifs ont déjà été menés ; d’autres sont seulement esquissés dans la communication et restent à accomplir. Je tiens particulièrement à souligner que la plupart des orientations nous semblent aller dans le bon sens mais qu’il est possible d’aller encore plus loin sur certains aspects.
De manière générale, je tiens à saluer les mesures visant à réviser ou compléter le cadre juridique applicable et à rappeler que les efforts pour améliorer l’harmonisation des législations nationales doivent être poursuivis.
Tout d’abord, le financement du terrorisme doit faire l’objet d’une attention régulière et plus soutenue et de mesures efficaces pour tarir les ressources des groupes terroristes. La révision du cadre applicable à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, intervenue récemment avec le paquet législatif adopté en mai 2015, met en place une approche fondée sur les risques, plus efficace et conforme aux recommandations du groupe d’action financière (GAFI). C’est une bonne chose mais il est possible d’aller plus loin encore. Les compétences des cellules nationales de renseignement financier sur ces questions sont aujourd’hui très différentes selon les États et gagneraient à être harmonisées.
Par ailleurs, la France est favorable à la mise en place d’un système de surveillance des messages financiers permettant la réalisation des opérations bancaires, à l’image du système de suivi du financement du terrorisme américain (TFTP). Pour l’heure, la Commission européenne et le Parlement européen sont opposés à cette idée, considérant que la mise en place d’un tel système n’est pas pertinente compte tenu du rapport coût/avantages et que le programme de surveillance établi entre l’Union européenne et les États-Unis, qui permet de solliciter la consultation de données financières lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner des activités terroristes, fonctionne par ailleurs de façon satisfaisante.
L’Union européenne pourrait enfin exploiter la possibilité offerte par les traités et mettre en place un système de gel des avoirs liés au terrorisme à l’intérieur de l’Union européenne et cela nous semble important.
Deuxièmement, une réflexion sur le cadre juridique européen et les réponses apportées en matière de terrorisme doit être menée, en dehors des seuls aspects financiers. Il convient particulièrement de tirer les conséquences de la ratification par l’Union européenne du protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme de 2005, s’agissant de la criminalisation de certaines activités terroristes et de prendre en compte, comme le suggère le Parlement européen dans un rapport qui sera présenté demain, 19 novembre, en séance plénière, le phénomène nouveau des combattants étrangers.
Troisièmement, le renforcement des contrôles aux frontières au sein de l’Union européenne constitue un enjeu central de la lutte contre le terrorisme et nécessite, à terme, une révision du code frontières Schengen. Nous saluons l’instauration, à droit constant, d’indicateurs de risque communs élaborés par la Commission européenne à partir des contributions des États membres, d’EUROPOL et de FRONTEX, qui permettent des contrôles coordonnés de personnes jouissant du droit de libre circulation sur le territoire de l’Union européenne. Nous rappelons toutefois notre soutien à la demande de révision du code frontières Schengen, notamment encouragée par la France, pour rendre ces contrôles obligatoires et systématiques dans une zone où chaque État membre est responsable pour l’ensemble de l’Union européenne du contrôle de ses frontières extérieures.
Quatrièmement, les divergences entre les législations nationales, les imprécisions ou l’insuffisante application de la directive régissant la circulation des armes à feu sur le territoire de l’Union européenne profitent actuellement aux criminels. C’est pourquoi nous soutenons la démarche de la Commission européenne visant à réexaminer cette directive, ainsi que les positions défendues par les autorités françaises soulignant particulièrement la nécessité de développer, outre une réponse législative, des partenariats opérationnels avec les États les plus concernés par les trafics d’armes.
Dans cette perspective d’ailleurs, l’accent pourrait être mis sur la neutralisation des armes à feu, question sur laquelle il n’existe aujourd’hui pas de consensus. Les attentats de Paris en janvier 2015, dont il semble qu’ils auraient été perpétués à l’aide d’armes neutralisées mais reconditionnées ensuite par une filière slovaque illustrent la nécessité de renforcer le contrôle de l’application de la directive et les échanges d’informations pour améliorer la traçabilité des armes.
Le projet de créer un PNR européen fait l’objet de négociations particulièrement difficiles qui rendent peu probable son adoption d’ici la fin de l’année 2015, comme l’avaient pourtant appelé de leurs vœux les institutions européennes. Les désaccords et l’absence de compromis à ce stade illustrent, dans un contexte marqué par l’ » arrêt Schrems », les tensions traditionnelles entre sécurité et libertés. A ce stade, aucun compromis ne se dessine sur le champ d’application de la directive, s’agissant tant des infractions concernées que de l’inclusion des vols intra-européens et domestiques, ni sur les conditions de conservation et d’exploitation des données.
Nous réaffirmons ici notre souhait de voir les négociations aboutir rapidement et nous rappelons notre attachement à ce que soit privilégiée une démarche équilibrée qui concilie à la fois la garantie des droits fondamentaux et des données personnelles et les impératifs liés à des contrôles efficaces. Ce sujet a fait l’objet d’une attention constante et régulière par votre Commission depuis le lancement du projet. Je voudrais à cet égard mentionner notamment la résolution du 18 octobre 2009 que nous avions adoptées ainsi que la communication sur l’exploitation des données PNR (« passenger name records ») présentée en octobre 2014.
Par ailleurs, le programme européen en matière de sécurité insiste sur la coordination des actions pouvant être menées, au titre de la sécurité, au niveau des États membres et propose de renforcer les enceintes de coopération permettant de faciliter les échanges d’informations et les retours d’expériences.
Nous souscrivons à cette démarche et nous saluons en particulier la création du réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RSR), du Centre européen de lutte contre la cybercriminalité (EC3) ou encore de l’unité de référencement internet. Nous soulignons toutefois que le succès de telles enceintes formelles dépend fortement de la volonté des acteurs à en animer les réseaux de coopération.
Par ailleurs, nous nous félicitons du souci témoigné par le Commission européenne d’intégrer les questions d’éducation et de formation aux enjeux du programme de sécurité – ce volet préventif – et à ce stade, des précisions sur la mise en œuvre concrète des actions envisagées nous semblent encore devoir être apportées et devront faire l’objet d’un suivi attentif afin que ces déclarations d’intentions ne restent pas lettre morte.
L’accent mis sur la nécessité de concilier les dimensions intérieure et extérieure de la sécurité, dont les réalisations sont encore peu claires à ce stade, est pourtant une démarche à saluer et à promouvoir. Dans cette perspective, nous soulignons la nécessité d’établir un dialogue régulier avec les pays voisins de l’Union européenne et les candidats à l’adhésion, mais aussi avec les organisations régionales et internationales concernées, notamment les Nations-Unies, le Conseil de l’Europe et INTERPOL.
Nous saluons également, s’agissant de la lutte contre le trafic des migrants, les propositions formulées par la Commission européenne, en marge du programme européen de sécurité, visant à renforcer l’opération « JOT Mare » associant, selon un modèle unique, l’expertise d’EUROPOL au soutien logistique des États membres et de certains pays tiers, afin d’en faire le centre d’information de l’Union pour les affaires de trafic de migrants par mer.
Pour conclure, nous saluons la démarche entreprise par la Commission européenne dans ce programme de sécurité pour les cinq années à venir, mais nous rappelons qu’une action conjointe de l’Union européenne et des États membres est plus que jamais nécessaire pour assurer la sécurité du continent. Les efforts de coopération et de coordination des mesures mises en place doivent être poursuivis et certains éléments du programme encore précisés.
Il convient aussi d’être attentif aux moyens budgétaires propres et dédiés qui y seront consacrés, point sur lequel le programme demeure silencieux. Je tiens aussi à cet égard à rappeler que notre Commission a manifesté à plusieurs reprises, et à juste titre me semble-t-il, ses inquiétudes quant à certaines déclarations ambitieuses formulées simultanément à une réduction des moyens.
Voilà ce que nous pouvons dire aujourd’hui sur ce programme européen pour la sécurité et nous attendons bien sûr la rencontre du Conseil JAI qui portera sur ce sujet pour vous présenter des conclusions ou une résolution si cela nous semble nécessaire.

M. Joaquim Pueyo.

Je voudrais remercier les rapporteurs, qui ont présenté, d’une manière très synthétique, les grandes orientations de leur rapport et je pense qu’on pourrait y souscrire. Évidemment, les attaques du 13 novembre dernier nous ont tous frappés. Nous sommes tous abasourdis et nous pensons tous aux dégâts que cela a pu engendrer dans les familles et chez les victimes.
Malgré les attentats, nous avons encore besoin de plus d’Europe. Plus d’Europe, cela veut dire plus de coopération dans le domaine de la police, dans le domaine de la justice. À cet égard, je suis très intéressé pour avancer sur les armes à feu, pour que l’Union européenne se mette d’accord sur une véritable politique contre les armes à feu qui circulent au sein des pays européens.
Je voudrais également dire qu’on a davantage besoin de coopération pour contrôler nos frontières, renforcer FRONTEX. Schengen est un bon dispositif : on l’a renforcé avec des informations qui peuvent être mieux traitées, avec INTERPOL, qui rentre également dans ce dispositif. Plus d’Europe, cela veut dire également plus d’Europe de la défense. Ce n’était pas directement lié à votre rapport, mais le Président de la République vient de nous indiquer qu’il allait demander à ce que l’article 42 alinéa 7 soit appliqué ; ce qui veut dire également que l’on attend des autres pays européens plus de contribution sur le terrain extérieur, que ce soit dans l’assistance matérielle, dans la présence ou dans la formation – je pense au Mali, je pense à la formation des militaires en Irak.
Dans la prévention aussi, on a besoin de plus d’Europe. Cela veut dire plus de recherche, plus de dispositifs adaptés, notamment lorsque vous parlez de contre-propagande. Il est bien de se mettre en relation avec des pays qui ont fait de la recherche et qui ont travaillé sur des discours contre la propagande. Je pense notamment aux Émirats Arabes Unis : ils ont créé un système international dans lequel les français sont présents et ils ont mis en place des propagandes contre les discours de Daech. Je crois que c’est bien que l’Union européenne travaille avec d’autres pays qui sont peut-être en avance sur certains dispositifs.
Nous avons véritablement besoin de plus d’Europe et j’ai parfois du mal à comprendre pourquoi on n’arrive pas à avancer sur le PNR. On voit que c’est indispensable actuellement, indispensable de renforcer les frontières, quand on voit que les terroristes circulent au sein de l’Union européenne, de la Syrie en passant par des pays et en arrivant en France ou en Belgique et je ne comprends pas pourquoi nous avons des parlementaires européens qui butent sur le PNR. J’ai du mal à comprendre, car c’est quand même un besoin essentiel des populations qui veulent vivre en toute sécurité et en toute protection. Voilà ce que je voulais dire mais je souscris à votre rapport qui fixe, d’une manière objective, les objectifs à atteindre rapidement.

M. William Dumas.

Personnellement, je voudrais remercier les deux rapporteurs parce que j’ai vraiment découvert beaucoup de choses. La communication que vous faites sur ce rapport est au cœur de l’actualité, car vous parlez de la prévention du terrorisme, de la lutte contre la radicalisation, de la gestion des frontières, de la cybercriminalité avec les effets à venir. J’ai découvert qu’il existait déjà beaucoup de systèmes européens, mais peut-être faut-il les rendre plus opérationnels, plus coopératifs. J’ai découvert le RSR sur la radicalisation – on en parle beaucoup en ce moment -, l’EC3 sur la cybercriminalité, ECRIS, sur les casiers judiciaires et EPRIS sur les systèmes de registres et police et j’ai été surpris qu’il existe tant de choses.
Dans le moment que nous vivons, avec ce que nous venons de subir, on se tourne beaucoup vers l’Europe. Dans certains discours, on entend qu’elle ne fait pas tout ce qu’il faut, qu’il n’y a peut-être pas la coopération qu’il faut, et pourtant on voit tous les systèmes qui sont déjà mis en place. Effectivement, les discussions sont peut-être un peu longues. Marietta Karamanli parlait du blanchissement des capitaux : incontestablement, cela passe par là. Il faudra un jour fermer le robinet du financement car il n’y a pas que les bombardements. Je pense qu’on est capable d’avoir des cellules financières qui fonctionnent, seulement je crois qu’on mélange un peu tout quand on parle d’aspects financiers. Il y a beaucoup de gens qui ont exporté leurs capitaux, mais pas pour faire du terrorisme. On sait de toute façon que le blanchiment des capitaux, que ce soit pour la traite des êtres humains, pour les armes, pour tout, c’est vraiment c’est le terreau.
S’agissant du PNR, vous écrivez dans votre rapport que les dernières discussions n’ont pas abouti alors qu’on pensait que cela aboutirait à la fin de l’année. Je pense que ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays, que ce soit vendredi ou ce matin, va permettre à nos ministres, qui vont porter ça au niveau européen, de débloquer la situation ou alors, on n’y comprend plus rien.
Je pense également, comme mon collègue Joaquim Pueyo, que le trafic d’armes, c’est aussi important. On veut l’étudier en 2016 mais peut-être qu’il faut l’étudier début 2016 et pas fin 2016. Je crois qu’il faut battre le fer quand il est chaud : on a les outils aujourd’hui et on a vu malheureusement ce qu’il s’est produit dans notre pays et ce n’est certainement pas fini – ne rêvons pas – il y a encore des cellules dormantes. Je crois maintenant qu’il faut, au niveau européen, avec le Parlement européen et avec des rapports comme vous avez fait et des conclusions dont je sais qu’elles seront à la hauteur et que, personnellement, je soutiendrai, faire avancer sérieusement les choses. J’espère que nous allons avancer rapidement pour arriver à éradiquer ce cancer qu’est l’État islamique, qui frappe toutes ces victimes innocentes. La guerre, c’est une chose mais pas avec des inconnus.

M. Michel Piron.

Je voudrais faire quelques constations, poser quelques questions et faire une proposition.
Quelques constations. Merci d’abord aux rapporteurs qui ont fait un excellent travail, comme d’habitude, mais je tiens à souligner la particulière qualité de ce rapport et sa richesse. Une constatation : le sujet qui nous préoccupe est évidemment européen et, plus largement, international. On a évoqué, à travers les événements qui viennent de s’écouler, la question belgo-française et son traitement, évidemment européen. Entre Américains et Russes et le patchwork – pardonnez-moi pour le mot qui n’a rien d’esthétique en la circonstance – moyen-oriental, quelle autre chance de peser, de faire entendre notre point de vue que de s’exprimer au nom de l’Europe ? De ce point de vue, évidemment, tout ce qui peut favoriser une réponse collective européenne pour, encore une fois, compter dans ce théâtre, importe. Mais reconnaissons-le, pour être efficace également aujourd’hui, tant vis-à-vis de l’extérieur que de l’intérieur, la France est quand même demeurée souvent, surtout sur les théâtres extérieurs, très seule. Vous l’avez d’ailleurs en sous-titre dans les documents que vous nous avez remis en information, la France ne peut pas tout faire toute seule et répondre à tout toute seule. On l’a vu avec le Mali, mais on le voit sur d’autres théâtres africains, je voudrais me permettre de le rappeler.
Aujourd’hui donc, première question, qui nous entend ? Qui entend la France véritablement et sérieusement ? L’émotion est là. Incontestablement, elle est partagée. Je salue en effet cette émotion collective. Je salue moi aussi les manifestations de solidarité qui s’expriment de manière très forte du point de vue émotif. Mais de l’émotion à l’action, reconnaissons-le, il y a encore tant à faire et votre rapport le souligne assez à travers ses propositions.
Il se trouve que j’avais l’occasion aujourd’hui de discuter de la position allemande. L’Allemagne, pour ne prendre qu’un exemple, dont nous sommes et avons à être si proches, accueille un flot de réfugiés absolument considérable puisque cela va friser le million dans l’année, et envisage environ trente pour cent d’accords en matière d’asile. Sur les soixante-dix autres pour cent, quels échanges d’informations allons-nous avoir ? Seront-ils véritablement tous renvoyés à domicile ou que se passera-t-il à l’intérieur même de l’espace européen ? Je n’ai pris que cet exemple, j’aurais pu en prendre beaucoup d’autres.
À l’extérieur nous sommes bien seuls mais à l’intérieur, la question majeure du renseignement et de l’échange de renseignements pour une sécurisation est tout à fait essentielle et, de ce point de vue-là, vous avez évoqué la question du PNR, qui est une question cruciale. Comment prétendre sécuriser, à l’intérieur, l’espace européen à partir du moment où on a une telle faiblesse à l’extérieur, je le rappelle, concernant Schengen ? Comment arriver à une sécurisation intérieure en l’absence de décision concrète sur le PNR ?
Je voudrais également évoquer, concernant ces mouvements intérieurs, la question des échanges d’informations. On pourrait même demander éventuellement à en savoir un peu plus sur l’absence d’échanges d’informations entre un certain nombre de pays car c’est aujourd’hui parfois le cas, que les pays n’en aient pas les moyens véritables ou qu’ils aient consacré des moyens insuffisants pour y parvenir. Enfin, sur le théâtre extérieur, je voudrais simplement indiquer qu’on n’arrivera pas au bout de Daech, sans, incontestablement, une action terrestre. Action terrestre qui devra d’abord s’appuyer, autant que faire se peut, sur les pays arabes eux-mêmes. Mais l’action de Daech exigera aussi forcément, encore une fois, une convergence Russie/États-Unis, et dans cette affaire pour l’instant, j’allais ajouter l’Europe, mais l’Europe aujourd’hui, c’est la France. Là encore, la question est absolument majeure. On le sait, un certain nombre de pays européens aujourd’hui ont déjà déclaré que toute participation à une intervention terrestre en Syrie était exclue. Alors il y a peut-être d’autres moyens d’aider et de participer.
La proposition que j’avais envie de vous faire à la suite de votre excellent rapport et notamment touchant au PNR : pas de proposition de résolution aujourd’hui avant la prochaine réunion du Conseil, je l’entends, mais ne serait-il pas éventuellement bienvenu, d’émettre un vœu – je n’ai pas dit une résolution – au nom de la commission pour demander qu’en effet on passe de l’émotion à l’action concernant le PNR ?

M. Didier Quentin.

À mon tour je tiens à m’associer aux compliments qui ont été adressés à Marietta Karamanli et à Charles de La Verpillière. Compliments tout à fait sincères, et ils ont fait un remarquable travail. La question que je voudrais leur poser, un peu liée à l’actualité, une question un peu naïve : l’opinion publique est évidemment frappée par ces événements et l’idée reçue, sans doute fausse, comme beaucoup d’idées reçues, c’est que l’Europe ne fait strictement rien dans ces domaines. Alors si vous aviez à répondre à une question d’un homme ou d’une femme de la rue ou à des journalistes, qu’est-ce que vous retiendriez de votre très bon rapport ? Trois ou quatre idées force, pour dire l’Europe n’est pas inactive, pas inerte ; il y a encore des choses à faire mais déjà des choses ont été faites.

La Présidente Danielle Auroi.

Je voudrais rajouter à mon tour quelques mots pour souligner effectivement la qualité du rapport et rappeler deux ou trois choses qui s’inscrivent dans cette logique.
Il y a déjà, je me suis permise de rappeler tout à l’heure, y compris dans ma question au Gouvernement, l’article 42-7 qui a été activé. Il y a quand même une solidarité qui a été manifestée. Du coup, le groupe de travail qui vient de se mettre en place avec la commission de la Défense va être particulièrement à l’œuvre. On voit bien aussi qu’il y a une cohérence de nos équipes. On prouve, les uns et les autres, sur ces sujets-là, qu’on n’a pas tort de vouloir faire plus d’Europe, à l’intérieur de la question purement nationale. Et je regrette que cela soit dans des circonstances aussi dramatiques que certains de nos collègues le réalisent.
J’ai été surprise aussi du peu de questions au Gouvernement sur l’aspect européen, alors que le président l’avait mis vraiment beaucoup en exergue. Nous n’avons donc pas fini d’être des militants de la cause européenne. Du coup, je pense que le fait de retarder la proposition de résolution – car je pense que ce qui aurait le plus de sens serait une résolution de nos deux collègues – pour après le Conseil, où les États vont sans doute être un petit peu plus précis que d’habitude, ne peut que nous aider et nous renforcer à faire valoir cette proposition-là. Voilà pour l’aspect général.
Ensuite par rapport au PNR, je ne suis pas pour qu’on fasse un vœu ni quoi que ce soit tout de suite car c’est le Parlement européen qu’il faut convaincre. Or, la semaine prochaine, c’est le Conseil. On a encore du temps et de la militance à faire, d’autant que je connais un certain nombre de collègues qui disent que le PNR coûte cher et que ce n’est pas plus efficace qu’un certain nombre de choses qui sont déjà en place. Donc il faut encore du temps pour débattre. Et le fait que l’on puisse discuter plus entre parlementaires nationaux et européens, cela va faire partie des exemples concrets.
J’avais également une question concernant les armes. Il a déjà été dit beaucoup de choses, mais qu’en est-il aussi justement de certaines armes qui ne sont toujours pas classées militaires, un certain nombre d’armes semi-automatiques, dont on voit bien l’utilisation à l’heure actuelle ? Il y a peut-être des questions à poser à ce niveau-là. Je ne veux pas être plus longue car je pense que dans même pas quinze jours nous aurons l’occasion de rediscuter pour une résolution et je vais vous laisser répondre mais je crois que, dans cette affaire, nous sommes particulièrement complémentaires et solidaires.
M. Michel Piron.
Simplement, compte tenu de cette réponse – je voulais indiquer mais je n’insisterai pas – je ne suis pas là surtout pour gêner encore une fois les convergences que vous souhaitez et que je salue, simplement pour moi, l’un n’excluait pas l’autre, mais je me rangerai bien entendu à l’avis de la majorité de la commission. Dans une affaire comme celle-là, on a d’abord le devoir de montrer notre propre convergence.
Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.
Merci de votre confiance, surtout sur un sujet qui est quand même assez complexe et dans un contexte particulier. Je voudrais peut-être rebondir d’abord sur la proposition de Michel Piron sur le vœu. Ce n’est pas contradictoire, c’est complémentaire et je dirais même, à la limite, que le vœu peut se retrouver dans la résolution parce que faire un vœu uniquement sur le PNR, c’est donner une orientation très limitée, par rapport à un programme européen sur la sécurité, qui est beaucoup plus large. Mais nous pouvons, dans la résolution, réaffirmer, ce que nous avons déjà dit dans cette commission. Comme la Présidente le rappelle, on peut tous ensemble dire qu’on n’a pas à rougir : depuis très longtemps, depuis plus de douze ans je dirais, on rappelle, à plusieurs reprises, toute une série de questions sur la sécurité, sur l’immigration etc. Donc cela ne peut que renforcer finalement les points de vue que nous avons exprimés, et les propositions que nous avons faites auparavant.
Sur les armes, la question, doit être approfondie parce que dans ce que l’on a pu voir, il n’y a pas suffisamment de précisions – je le disais tout à l’heure – dans ce programme européen pour la sécurité. Sur la question des armes à feu, on n’a pas suffisamment de précision sur une nouvelle directive pour traiter cette question donc on demandera à ce que l’on nous reprécise ce qui sera mis en place concernant ce sujet.
Enfin sur la question de notre collègue Didier Quentin. Alors, très simplement, c’est vrai que les gens peuvent croire que l’Europe ne fait rien, que les États ne font rien, que les politiques ne font rien. Pourquoi ? Parce que nous avons affaire à des questions et des sujets qui prennent du temps parce que ce sont des décisions collectives, et on voit très bien comment les États ne sont pas immédiatement d’accord, même si la France aujourd’hui propose depuis longtemps des choses, elle a pris des initiatives et n’a pas été forcément suivie par les autres États. Nous pouvons prendre l’exemple du Parquet européen : on était tout seul au début, tout seul, et même l’Allemagne n’était pas avec nous, et puis après, il y a eu un travail avec l’Allemagne, et puis les choses avancent. C’est exactement la même problématique sur le corps de garde-frontières européens, c’était la même situation. Sur FRONTEX, exactement la même situation. Donc, il faut expliquer à nos concitoyens, que les décisions complexes prennent du temps. Et qu’effectivement, on a souvent des annonces, mais qu’on ne voit pas forcément les faits. Mais les faits arrivent petit à petit. Donc c’est très difficile, mais il faut faire l’effort de l’expliquer à nos concitoyens. Ce que nous faisons aussi à travers nos travaux, il faut les rendre simples, accessibles pour tous. Et je compte sur tout le travail qui est fait ici en commission et à l’Assemblée nationale pour rendre lisibles nos propositions et notre communication, mais je ne sais pas s’il y aura une communication au niveau des médias suite à notre rapport.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur.

Un mot également pour répondre à Didier Quentin. Je crois qu’il y a un domaine où l’Europe peut apporter beaucoup, et elle apporte déjà beaucoup, parce que les instruments, encore une fois, existent, c’est le domaine des échanges d’informations. Quand on parle d’échanges d’informations, c’est échanges d’informations entre les États entre eux, échanges d’informations entre les agences européennes entre elles et échanges d’informations entre les agences européennes et les États. Ce sont ces trois catégories d’échanges.
On voit que tout cela est évidemment très complexe, mais les principes sont posés, et ce qui me frappe dans les attaques terroristes qui ont eu lieu depuis quelques jours, c’est que l’on s’aperçoit qu’en fait toutes les informations existent, mais elles sont parcellaires et elles ne sont pas rassemblées. Il est quand même extraordinaire, et je trouve que c’est à mettre au crédit des différents services des États, de voir que par exemple, malgré tout ce que l’on dit de la Grèce, l’un des terroristes qui avait un passeport syrien, avait été enregistré à son entrée et le passeport était faux. Mais je suis sûr que quelque part, dans une base de données occidentale, pour le dire comme cela, il est dit que ce passeport est faux, à tous les coups. Donc les informations existent, il faut les faire circuler.
Cela m’amène au PNR. Ce sera, de toute évidence, une source d’informations extrêmement utile donc il faut avancer. En dernier lieu, je pense que la question du financement est centrale. On sait depuis au moins François Ier, mais probablement depuis plus longtemps encore, que l’argent est le nerf de la guerre et quand on voit ce que les États-Unis ont réussi à faire en matière d’évasion fiscale, vis-à-vis de la Suisse, en matière de blanchiment pouvant, et Dieu sait que cela ne me fait pas forcément plaisir, faire une application extraterritoriale de leur droit à tous les mouvements de fonds en dollars, on se dit que si l’Europe fait la même chose, notre force de frappe sera extraordinaire.

Commission des affaires européennes, mardi 1er décembre 2015, 17 heures, Compte rendu n° 242

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente, de Mme Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République et de Mme Valérie Fourneyron, secrétaire de la Commission des affaires étrangères

II. Examen d’une proposition de résolution européenne sur le programme européen de sécurité présentée par Mme Marietta Karamanli et M. Charles de La Verpillière

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Nous vous avons présenté le 18 novembre dernier le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020. Notre réunion de ce jour a pour objet la discussion et l’adoption de la résolution qui s’attache à nos débats et prises de position. Elle est aussi l’occasion pour nous de faire un point des derniers développements à la suite du conseil Justice et Affaire Intérieures (JAI) du 20 novembre et de l’adoption par le Parlement européen d’une résolution sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens par des organisations terroristes.
Avant d’aborder le fond de ces deux réunions, je souhaite revenir sur deux points qui nous paraissent à Charles de La Verpillière et moi-même importants.
D’une part, l’adoption de mesures au niveau du Conseil ne vaut que si leur déclinaison sur le terrain est effective, ce qui suppose un suivi dans le temps, à échéances régulières, avec la capacité d’adapter les dispositifs pour les rendre opérationnels et efficaces. Cet « après adoption », si vous permettez l’expression, doit aussi faire partie des compétences exercées par notre Assemblée.
D’autre part, si la modernité se fonde sur une spécialisation des fonctions, des acteurs et des systèmes, gage d’efficacité a priori, la véritable efficacité suppose une collaboration institutionnelle, relationnelle et une coopération réelle qui, seules, sont en mesure de rendre efficaces les dispositifs. A un fonctionnement en tuyaux d’orgue doit se substituer un fonctionnement et un esprit harmoniques au sens où les parties concourent à former une unité, un équilibre entre le niveau national et européen et une aisance dans la lutte contre le terrorisme et le crime.
La réunion extraordinaire du Conseil JAI le 20 novembre dernier a donné lieu à l’adoption de conclusions sur la lutte contre le terrorisme et de conclusions sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent.
Les principaux engagements formulés à cette occasion concernent le projet de PNR européen, les armes à feu, les contrôles extérieurs aux frontières et la lutte contre le financement du terrorisme. Tous ces points constituent des priorités du programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020 et nous avions eu l’occasion de les évoquer lors de notre réunion de commission du 18 novembre dernier.
De manière générale, les conclusions adoptées nous semblent aller dans le bon sens et semblent témoigner de la prise de conscience par les États membres de la nécessité d’agir au plan européen, et d’agir rapidement et de concert.
Sur le PNR européen, la présidence luxembourgeoise a rappelé son intention de parvenir à un accord avant la fin de l’année 2015. Dans cette perspective, le conseil JAI du 3 décembre prochain sera l’occasion de mesurer les avancées en la matière.
Sur les armes à feu, la Commission européenne a présenté le 18 novembre dernier un projet de révision de la directive régissant actuellement les armes à feu visant à renforcer les contrôles relatifs à l’acquisition et à la possession d’armes à feu. Un règlement a également été adopté par les États membres concernant la définition de normes minimales en matière de neutralisation des armes à feu.
La Commission européenne devrait par ailleurs prochainement présenter un plan d’action contre le trafic illicite d’armes et d’explosifs.
Sur le contrôle des frontières extérieures, les conclusions du Conseil invitent la Commission européenne à présenter une proposition de révision ciblée du Code frontières Schengen. Cette révision doit permettre que des contrôles systématiques et coordonnés aux frontières extérieures de l’UE puissent être réalisés sur les ressortissants européens ; en tout état de cause un meilleur partage de l’information entre les États membres et une alimentation en temps réel des bases de données européennes doivent être encouragés.
Sur la lutte contre le financement du terrorisme, le Conseil a demandé à la Commission européenne de présenter, dans les meilleurs délais, des propositions visant à améliorer le volet préventif de la lutte contre le financement du terrorisme, en particulier s’agissant des cellules de renseignement financier.
Les conclusions évoquent également le gel des avoirs et la nécessité de transposer rapidement dans le droit de l’Union européenne le protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe relative à la prévention du terrorisme signé par l’Union européenne le 22 octobre dernier. Celui-ci érige en infractions pénales un certain nombre d’actes, parmi lesquels la participation intentionnelle à un groupe terroriste, la réception d’un entraînement pour le terrorisme, le fait de se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme et le financement ou l’organisation de ces voyages. Le Protocole pose le principe de l’instauration d’un réseau de points de contact nationaux disponibles 24h/24 et 7j/7, permettant l’échange rapide d’informations.
Les conclusions mentionnent également l’échange des casiers judiciaires – système ECRIS – dont le fonctionnement pourrait être amélioré, notamment par une extension de son champ d’application aux ressortissants de pays tiers.
Par ailleurs, nous avions également indiqué que le Parlement européen devait examiner, le 19 novembre, le rapport présenté par Rachida Dati et adopté par la commission libertés civiles, justice et affaires intérieures le 19 octobre, sur la prévention de la radicalisation et l’extrémisme violent.
La présentation du rapport en séance plénière s’est accompagnée du vote d’une proposition de résolution sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens européens par des organisations terroristes.
La résolution, massivement adoptée – 548 voix pour, 110 contre et 36 abstentions –, rappelle notamment la nécessité :
de mener des contrôles obligatoires et systématiques, aux frontières extérieures de l’Union européenne ;
de renforcer les échanges d’informations entre EUROPOL et les autorités nationales compétentes ;
d’optimiser le recours aux instruments déjà existants, à l’instar du Système d’information Schengen.
Le Parlement européen rappelle également son soutien au projet de PNR européen, insiste sur la nécessité de renforcer le dialogue interculturel par des actions d’éducation et des mesures visant à prévenir la marginalisation et à encourager l’insertion.
Le rapport comporte également des propositions et préconisations concernant les combattants étrangers dont une définition commune devrait être donnée, la séparation des détenus radicalisés des autres détenus dans les prisons ou encore la suppression sans délai des contenus illégaux sur Internet et propageant l’extrémisme violent.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur.

En guise d’introduction à la discussion de cette résolution, je voudrais insister sur trois aspects. Tout d’abord, il me semble très important de réaffirmer qu’il n’y aura pas de politique de sécurité efficace au sein de l’Union européenne sans une action coordonnée et solidaire des États membres. La Commission européenne doit, par ailleurs, prendre des mesures immédiates et concrètes pour parvenir à améliorer le dispositif contre le terrorisme. Je voudrais, ensuite, insister sur l’urgence et sur la nécessité d’adopter, d’ici la fin de l’année, des mesures opérationnelles. Enfin, il me semble important de bien comprendre que la crise migratoire et la lutte contre le terrorisme sont deux réalités intimement liées et que l’on ne pourra trouver de solution efficace sans traiter les deux problèmes conjointement. Je vais d’ailleurs présenter un amendement à ce sujet.

La Présidente Danielle Auroi.

Nous pouvons maintenant passer à l’examen des amendements.

M. Charles de La Verpillière.

L’amendement no 1 présenté par la rapporteure ne pose pas de difficultés sur le fond, il vise à rappeler des éléments de contexte, c’est-à-dire que le Conseil JAI du 20 novembre 2015 et le Parlement européen ont pris position sur les réponses à apporter à la radicalisation conduisant au terrorisme.

La Présidente Danielle Auroi.

Je suis d’accord sur cet amendement de précision.
L’amendement no 1 est adopté.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur.

Je souhaite présenter un amendement qui rappelle que la crise migratoire déclenchée par la guerre en Syrie favorise le risque terroriste. Je voudrais, par cet amendement, montrer que les deux phénomènes sont liés et qu’il faut mener une action conjointe pour maîtriser ces deux réalités qui menacent la cohésion de l’Europe. La guerre en Syrie explique l’arrivée massive de réfugiés en Europe et la confusion qui règne en Syrie a des retentissements dans les pays membres. Des attaques terroristes ont été menées par des individus qui ont profité du flux de réfugiés pour pénétrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne sans être réellement contrôlés à leur arrivée.

M. Michel Piron.

Je suis très surpris par la teneur de votre amendement. Tel qu’il est rédigé, votre amendement laisse à penser qu’on peut faire un amalgame entre le terrorisme et la situation des réfugiés. Je refuse cette confusion et souligne que ce n’est pas parce qu’une infime minorité d’individus fanatisés ont profité des flux de réfugiés pour pénétrer en Europe qu’il faut assimiler la présence des réfugiés à la menace terroriste. La crise migratoire s’explique avant tout par la guerre et par la terreur qui règne dans certaines zones de la Syrie où règnent des groupes terroristes dont Daech. Je voterai contre cet amendement.

La Présidente Danielle Auroi.

Je souligne aussi le risque d’amalgame et je crois qu’il faut éviter d’avoir une analyse trop simpliste de la réalité. Comme l’a bien montré Gilles Keppel, les périodes de guerre au Moyen-Orient génèrent des dommages très profonds et produisent des effets très complexes qui échappent à une analyse superficielle de la réalité.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Je voudrais dire combien j’ai été choquée lors de la séance de la COSAC de l’attitude de la Hongrie ou de la Slovaquie qui dressent des murs pour se protéger contre les réfugiés mais qui ne proposent rien de constructif pour gérer cette crise migratoire. Je voudrais demander à notre collègue de La Verpillière de retirer son amendement, qui prête à confusion. Ce geste serait conforme à son attitude humaniste et à son souci de traiter de cette question complexe avec nuances. Je voudrais enfin souligner que la France n’a pas à rougir de ce qu’elle a proposé pour répondre au défi terroriste. Nous devons lutter contre ces groupes terroristes mais ne pas oublier la solidarité européenne.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur.

Loin de moi l’idée de faire un amalgame entre réfugiés et risque terroriste. J’ai voulu souligner que ces deux réalités ont des racines communes et que l’on ne pourra pas régler le problème des réfugiés sans apporter des solutions efficaces à la menace terroriste. Je retire mon amendement pour éviter tout risque de confusion.
L’amendement no 2 est retiré.

La Présidente Danielle Auroi.

Je présente un amendement de précision au sujet des trafics d’armes à feu. La circulation des armes à feu doit être à l’évidence surveillée, mais il faut aller plus loin pour les contrôler étroitement afin de lutter contre la criminalité et le terrorisme. Mon amendement vise donc à rajouter la notion de contrôle des armes à feu sur le territoire européen.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Je suis tout à fait d’accord avec cet amendement qui donne plus de cohérence à cette action relative aux armes à feu.
L’amendement no 3 est adopté.

La Présidente Danielle Auroi.

Je voudrais compléter le texte de la résolution en précisant que le programme européen de sécurité doit être cordonné avec la politique de sécurité et de défense commune, notamment dans les mesures vis-à-vis des pays tiers pour lutter par exemple contre le financement du terrorisme. Tel est le sens de l’amendement que je vous propose. Il est essentiel de garder à l’esprit que la sécurité intérieure et la politique de défense commune sont les deux faces d’une même mobilisation pour protéger l’Union européenne.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure.

Je suis tout à fait d’accord avec cet amendement qui reprend d’ailleurs un des engagements du conseil JAI du 20 novembre dernier au sujet de la coordination des politiques de sécurité et de défense.

La Présidente Danielle Auroi.

Alors que nous allons nous prononcer sur cette résolution, je voudrais vous expliquer pourquoi je m’abstiendrai sur ce texte. La raison principale de ma réserve est liée à la mise en place de la procédure sur données des dossiers passagers – dit PNR. Le recours systématique à ces contrôles sur les ressortissants européens sera-t-il une solution efficace au regard du coût très élevé nécessaire à la mise en place de cette surveillance de masse ? Les budgets étant limités, nous devons faire des choix et je crains que les sommes consacrées à ce projet soient autant de moyens qui manqueront pour renforcer les forces de sécurité, les garde-frontières ou les services de renseignement. Le PNR ne doit pas être le moyen essentiel pour surveiller les frontières extérieures et assurer la sécurité des déplacements sur le territoire de l’Union. Pour ces raisons, je m’abstiendrai sur cette résolution.
Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Je regrette votre décision car cette résolution ne porte pas uniquement sur le projet PNR, bien au contraire. Cette résolution insiste sur l’aspect global du programme européen de sécurité en intégrant les politiques de sécurité mais aussi les initiatives tendant à prévenir les risques venant de pays tiers et la politique de défense extérieure de l’Union. Nous étions parvenus à exprimer un consensus jusqu’ici et il est dommage qu’avec votre abstention nous ne puissions aller tous ensemble au terme de cette démarche.
La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix la proposition de résolution européenne ainsi amendée.
La proposition de résolution ainsi amendée est adoptée.

« Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu l’article 68 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu l’article 4 paragraphe 2 du traité sur l’Union européenne,
Vu l’article 72 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions du 28 avril 2015 : « Le programme européen en matière de sécurité » COM(2015) 185 final,
Vu les conclusions du 20 novembre 2015 du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur la lutte contre le terrorisme,
Vu les conclusions du 20 novembre 2015 du Conseil de l’Union européenne et des États membres, réunis au sein du Conseil, sur le renforcement de la réponse pénale à la radicalisation conduisant au terrorisme et à l’extrémisme violent,
Vu la résolution du Parlement européen du 25 novembre 2015 sur la prévention de la radicalisation et du recrutement de citoyens de l’Union par des organisations terroristes,
Vu la résolution européenne sur la proposition de directive relative à la mise en place d’un système européen de collecte et de traitement des données des dossiers passagers (données PNR) adoptée par l’Assemblée nationale le 23 décembre 2011,
Vu la résolution européenne relative à la proposition de règlement du Conseil du 17 juillet 2013 portant création du Parquet européen adoptée par l’Assemblée nationale le 31 janvier 2014,
Vu la résolution européenne sur les orientations pour l’avenir de l’espace de liberté, de sécurité et de justice adoptée par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014,
Considérant que les États membres et l’Union européenne sont confrontés à d’importantes menaces pour leur sécurité et que les évolutions du contexte sécuritaire soulignent la vulnérabilité et l’interdépendance croissantes entre les sociétés ;
Considérant que si la sécurité nationale et le maintien de l’ordre public relèvent de la compétence des États membres, l’Union européenne a toutefois un rôle d’impulsion et de coordination des actions mises en place à jouer pour lutter efficacement contre des menaces transfrontières ;
Considérant que la constitution d’un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures et dans laquelle la liberté, la sécurité et les droits fondamentaux des citoyens sont protégés, est un objectif de l’Union européenne ;
Salue la volonté de la Commission européenne de promouvoir une intervention de l’Union européenne en appui des actions mises en œuvre dans le domaine de la sécurité par les États membres ainsi que la cohérence des actions stratégiques présentées par l’Union européenne depuis 2010 ;
Rappelle que les États membres ont, en matière de sécurité, une responsabilité commune et doivent, pour être efficaces, se coordonner et faire preuve de solidarité ;
Approuve les grands objectifs stratégiques retenus comme prioritaires pour la période 2015-2020 ainsi que la promotion d’une méthode privilégiant l’échange d’informations et la coopération opérationnelle ;
Demande que les efforts visant à une plus grande harmonisation des législations soient poursuivis, en particulier s’agissant de la lutte contre le terrorisme et contre la circulation et le contrôle des armes à feu sur le territoire européen et se félicite des initiatives et engagements pris à l’approche ou à l’occasion du Conseil JAI du 20 novembre 2015 en la matière ;
Réaffirme son soutien aux actions spécifiquement mises en œuvre pour lutter contre le trafic irrégulier des migrants, en particulier en Méditerranée ;
Soutient la démarche pragmatique de la Commission européenne pour la mise en œuvre opérationnelle du programme, reposant principalement sur des évaluations régulières des dispositifs et outils existants ;
Regrette toutefois l’absence, d’orientations, de précisions ou de moyens dédiés significatifs dans le programme, en particulier dans le domaine de la prévention des comportements délinquants ou criminels et des aspects liés au rôle de l’éducation et de la formation ;
Regrette en particulier qu’aucune mention ne soit faite du projet de Parquet européen dont l’élargissement des compétences aux formes de la criminalité transfrontière les plus graves (comme la lutte contre le terrorisme, le trafic des armes, des stupéfiants, le blanchiment d’argent et ou le trafic des êtres) constituerait une réponse commune efficace et cohérente sur l’ensemble du territoire européen en matière de sécurité ;
Réitère ses observations et demandes s’agissant de la mise en œuvre d’un PNR à dimension européenne, gage d’efficacité d’un tel dispositif ;
Réitère ses observations et demandes en matière de mise en œuvre d’un corps de garde-frontières « européen » tout au long des frontières communes ;
Réitère ses observations et demandes en matière de coordination des services et agences existant dans le domaine de la police (EUROPOL) et de la justice (EUROJUST) et insiste sur l’indispensable coordination et coopération des services de sécurité nationaux et des moyens existant au niveau européen ;
Demande que les actions du programme soient assorties d’objectifs mesurables auxquels correspondent des moyens dédiés, afin que les parlements nationaux puissent en suivre la mise en œuvre, en particulier dans un domaine où ils ont la compétence de droit commun ;
Souligne que le succès du programme dépendra très largement de la volonté effective des États membres à le mettre en œuvre et à se saisir des outils à leur disposition ;
Demande que l’articulation du programme avec d’autres politiques ou plans d’action de l’Union européenne, comme le plan d’action de l’Union européenne contre le trafic des migrants ou l’agenda européen sur les migrations, soit précisée et le financement de certaines actions explicitement abordé ;
Encourage les États membres comme les institutions de l’Union européenne à assurer un suivi attentif et régulier de la mise en œuvre du programme, en particulier s’agissant des dossiers dont les négociations sont difficiles ;
Demande à cet égard que le projet de PNR européen aboutisse rapidement et rappelle son attachement à ce que soit privilégiée une démarche équilibrée conciliant la garantie des droits fondamentaux et des données personnelles et les impératifs liés à des contrôles efficaces ; salue la détermination affichée par les États membres lors du Conseil JAI du 20 novembre 2015 et invite les institutions européennes à redoubler d’efforts dans la construction d’un compromis satisfaisant dans les meilleurs délais ;
Partage l’avis de la Commission européenne sur la nécessité de concilier les dimensions intérieure et extérieure de la sécurité et de veiller à établir un dialogue régulier dans ce domaine avec les pays voisins de l’Union européenne et les candidats à l’adhésion, ainsi qu’avec les organisations régionales et internationales concernées ;
Souligne la nécessité de concilier les actions entreprises par l’Union européenne au titre du programme de sécurité avec la politique de sécurité et de défense commune, s’agissant notamment de la lutte contre le financement du terrorisme et invite les États membres à prendre des mesures visant à couper les financements de Daech. »

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