« Sur mon rapport la commission des lois de l’Assemblée Nationale adopte une nouvelle résolution sur la sécurité en Europe » par Marietta KARAMANLI

A la suite de l’adoption par la commission des affaires européennes d’une résolution sur le programme de sécurité de l’Union Européenne, la commission des loisde l’Assemblée nationale, à laquelle j’appartiens et pour laquelle je réalise, avec un collègue de l’opposition, une veille des textes et de l’état du droit de l’Union européenne, a adopté, sur mon rapport, une nouvelle résolution s’inspirant de la précédente.
Elle tient compte des dernières propositions de textes formulées par les conseils des ministres de l’Union européenne dit des « Affaires Intérieures » des 20 novembre et 4 décembre 2015.
Des avancées ont été enregistrées en matière de :

 lutte contre le terrorisme (la directive relative à la lutte contre le terrorisme serait modifiée avec la création de trois nouvelles infractions en matière de terrorisme : le financement et l’organisation de voyages de combattants terroristes étrangers, l’entraînement à des fins terroristes, et la collecte et la fourniture de fonds destinés à commettre des actions terroristes),

 lutte contre le trafic d’armes à feu,

 de mise en œuvre d’un PNR européen ( le suivi des passagers des vols aériens).

J’ai, par ailleurs, insisté sur le fait que l’adoption de mesures au plus haut niveau ne vaut que si leur déclinaison sur le terrain est effective, ce qui suppose un suivi dans le temps, à échéances régulières, avec la capacité d’adapter les dispositifs pour les rendre opérationnels et efficaces.
Je considère que la véritable efficacité suppose une collaboration institutionnelle, relationnelle et une coopération réelle qui, seules, sont en mesure de rendre efficaces les dispositifs.
À un fonctionnement en « tuyaux d’orgue » doit se substituer un fonctionnement et un esprit harmoniques, au sens où les parties concourent à former une unité, un équilibre entre le niveau national et européen et une aisance dans la lutte contre le terrorisme et le crime.
J’ai rappelé l’engagement ancien de la commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale sur ces sujets auquel j’ai largement participé et auquel j’entends encore contribuer de façon significative.


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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mardi 15 décembre 2015, Séance de 16 heures 30, Compte rendu n° 25
Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, Président, puis de M. Dominique Raimbourg, Vice-président

La séance est ouverte à 16 h 30.

La Commission en vient ensuite à l’examen, sur le rapport de Mme Marietta Karamanli, de la proposition de résolution européenne sur le programme européen de sécurité (n° 3290).

Mme Marietta Karamanli, rapporteure.

La résolution que nous allons examiner a été adoptée à l’unanimité par la commission des Affaires européennes. Sur le fond, il s’agit de nous prononcer sur le programme européen de sécurité, à la suite des terribles attentats du 13 novembre 2015.
Ce programme européen de sécurité constitue la contribution de la Commission européenne à la définition de la stratégie de sécurité intérieure de l’Union européenne pour la période 2015-2020, qui succède à la stratégie de sécurité intérieure 2010-2014, dont le bilan est mitigé.

Dans ce nouveau programme, la Commission européenne arrête cinq grands objectifs : le respect des droits fondamentaux, la transparence et le contrôle démocratique, l’amélioration de l’utilisation des instruments juridiques en vigueur, l’accroissement de la coopération entre les agences de l’Union et avec les États membres, le renforcement de la prise en considération de la sécurité de l’Union dans ses relations avec les États tiers.

Elle retient également trois axes d’action dans lesquels l’Union européenne peut apporter une valeur ajoutée en matière de sécurité : l’échange d’informations entre les services répressifs nationaux et les agences de l’Union, la coopération policière, et le soutien à la formation et à l’innovation. Elle définit, enfin, trois domaines d’action prioritaires : le terrorisme et la radicalisation, la criminalité organisée, et la cybercriminalité.

Le programme européen de sécurité a été présenté le 28 avril dernier par la Commission et fait l’objet d’une mise en œuvre accélérée depuis la mi-novembre, notamment sous la pression des conseils Justice et Affaires intérieures des 20 novembre et 4 décembre 2015.

Des avancées notables ont ainsi été réalisées.

Le 2 décembre dernier, la Commission européenne a présenté un plan d’action contre le trafic d’armes à feu et d’explosifs dont l’objectif est d’améliorer la détection et la saisie des armes à feu, explosifs et précurseurs d’explosifs utilisés à des fins criminelles, ainsi que les enquêtes en la matière. Il complète le règlement d’exécution sur des normes communes en matière de neutralisation adopté le 18 novembre 2015
Ce même 2 décembre 2015, la Commission européenne a présenté une proposition de directive relative à la lutte contre le terrorisme dans l’objectif de créer trois nouvelles infractions en matière de terrorisme : le financement et l’organisation de voyages de combattants terroristes étrangers, l’entraînement à des fins terroristes, et la collecte et la fourniture de fonds destinés à commettre des actions terroristes. Cette proposition de directive permettra d’intégrer au droit de l’Union les obligations résultant de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les combattants terroristes étrangers, ainsi que celles issues du protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme et les recommandations du groupe d’action financière sur le financement du terrorisme. La proposition de directive tend également à durcir les dispositions relatives au recrutement et à la diffusion de la propagande terroriste. Enfin, elle prévoit un accès immédiat des victimes du terrorisme à des services d’aide physique et psychosociale.
Ces nouvelles propositions de la Commission européenne ont été complétées aujourd’hui même par la proposition de mettre en place un système européen de garde-frontières et de garde-côtes qui prévoit notamment la possibilité d’intervenir à une frontière extérieure de l’Union sans l’avis de l’État membre concerné. De plus, une proposition sur les frontières intelligentes arrivera prochainement. Cette actualité nous amène à présenter un certain nombre d’amendements à la proposition de résolution adoptée par la commission des Affaires européennes, afin de prendre en compte ces évolutions.
Au-delà de ces propositions, il convient de souligner les accords trouvés récemment entre le Conseil et le Parlement européen sur deux textes importants en matière de sécurité.
Le premier, trouvé le 26 novembre dernier, a pour objet de renforcer le mandat d’Europol, qui pourra ainsi plus facilement créer des unités spécialisées pour réagir sans délai aux menaces terroristes et aux autres formes de criminalité grave et organisée, et de faciliter les échanges d’informations avec les États membres.
Le second compromis, trouvé le 2 décembre et fruit de plus de quatre années et demie de négociations, concerne la proposition de directive relative à la mise en place d’un système européen de collecte et de traitement des données des dossiers passagers (PNR). L’accord prévoit que les données ne peuvent être traitées que pour la prévention et la détection d’infractions graves, ainsi que la réalisation d’enquêtes et de poursuites en la matière. Une liste d’infractions a été établie, incluant notamment la traite d’êtres humains, la participation à une organisation criminelle, la cybercriminalité, la pédopornographie et le trafic d’armes. Les données collectées seront conservées sous une forme non masquée pendant six mois, et ensuite sous une forme masquée, mais qui restera accessible aux autorités en cas de demandes spécifiques, pour une durée de quatre ans et demi. Les ministres se sont par ailleurs engagés, dans une déclaration politique, à appliquer la directive aux vols intra-européens et ont affirmé que les vols charters seraient concernés par la future directive.
Des avancées notables ont donc été réalisées depuis l’adoption par la commission des Affaires européennes, le 1er décembre dernier, de la présente proposition de résolution européenne.
Avant d’évoquer très rapidement mes propositions d’amendements, qui tiennent compte des évolutions intervenues, je souhaiterais présenter brièvement l’esprit de cette résolution.
Sur la méthode tout d’abord, il s’agit d’apporter notre soutien au principe d’une intervention de l’Union en appui des actions mises en œuvre en matière de sécurité par les États membres, ainsi qu’aux objectifs, axes et champs d’action retenus par la Commission européenne dans le programme européen de sécurité, tout en demandant les informations nécessaires à un suivi régulier, de la part des parlements nationaux, de la mise en œuvre du programme.
Il s’agit également d’insister sur la nécessité d’une meilleure articulation entre le programme européen de sécurité et d’autres plans d’action de l’Union comme celui relatif au trafic de migrants, mais également entre politique intérieure et extérieure de sécurité.
Sur le fond, il est demandé une meilleure collaboration entre les agences de l’Union, entre les États membres et entre les échelons nationaux et européen. L’accent est également porté sur la mise en place d’un dispositif européen de garde-frontières ainsi que sur une conception ambitieuse du parquet européen, qui apparaît comme le parent pauvre du programme européen de sécurité.
Au-delà des amendements rédactionnels et de mise en cohérence, je vous propose donc aujourd’hui quelques modifications destinées à tenir compte des dernières évolutions.
Il s’agit notamment de prendre en considération les dernières propositions de textes formulées – c’est l’objet de l’amendement CL5 qui inclut dans les visas les propositions de la Commission européenne du 2 décembre 2015 sur la directive relative au terrorisme et la communication sur le trafic d’armes à feu ; de saluer l’accord trouvé sur le PNR et d’encourager à une adoption définitive et à une transposition rapide de la proposition de directive relative au PNR (amendement CL16) et, enfin, d’apporter notre appui à la demande formulée par la France et soutenue par le Conseil d’une révision ciblée du code frontières Schengen et d’une amélioration du système d’information Schengen (amendement CL12).
De façon plus globale, je souhaite ici vous faire part de trois observations partagées par l’ensemble des collègues de la commission des Affaires européennes, toutes tendances et opinions confondues.

 Tout d’abord, l’adoption de mesures au plus haut niveau ne vaut que si leur déclinaison sur le terrain est effective, ce qui suppose un suivi dans le temps, à échéances régulières, avec la capacité d’adapter les dispositifs pour les rendre opérationnels et efficaces. Cet « après adoption » – si vous permettez l’expression – doit aussi faire partie des compétences exercées par notre assemblée.

 Ensuite, si la modernité se fonde sur une spécialisation des fonctions, des acteurs et des systèmes, gage d’efficacité a priori, la véritable efficacité suppose une collaboration institutionnelle, relationnelle et une coopération réelle qui, seules, sont en mesure de rendre efficaces les dispositifs. À un fonctionnement en tuyaux d’orgue doit se substituer un fonctionnement et un esprit harmoniques, au sens où les parties concourent à former une unité, un équilibre entre le niveau national et européen et une aisance dans la lutte contre le terrorisme et le crime.

 Enfin, la commission des Affaires européennes a beaucoup travaillé, proposé et alerté sur un grand nombre de sujets qui sont aujourd’hui des priorités. La gestion commune des frontières, le passenger name record (PNR) et la nécessité d’une meilleure coordination de la lutte contre les trafics criminels font partie des sujets que nous avons traités, appelant au renforcement des moyens partagés et communs dans l’Union.
Nos résolutions sur le parquet européen, notre appel à renforcer les moyens dédiés aux opérations de contrôle de l’immigration irrégulière au moment où la Commission européenne entendait les diminuer, et notre appui à des moyens nouveaux comme la création d’un corps de garde-frontières constituent autant de points positifs et constructifs d’une politique de sécurité commune que nous soutenons depuis plusieurs années.
Nous ne pouvons que nous féliciter que le bien-fondé de nos orientations raisonnées, cherchant toujours l’équilibre entre les besoins de la force publique et la nécessité des droits et des libertés des citoyens, soit en quelque sorte admis.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution.
Article unique

Mme la rapporteure.

Plusieurs amendements rédactionnels ou de précision tendent à prendre en compte les évolutions récentes et les décisions prises au cours des derniers jours.
La Commission adopte successivement l’amendement de précision CL1, l’amendement rédactionnel CL2 et l’amendement de précision CL3, tous de la rapporteure.
Elle en arrive à l’amendement CL4 de la rapporteure.

Mme la rapporteure.

Le présent amendement a pour objet d’ajouter un visa relatif au « code frontières Schengen », par cohérence avec l’amendement CL12.
La Commission adopte l’amendement CL4.
Elle examine ensuite l’amendement CL5 de la rapporteure.

Mme la rapporteure.

Cet amendement a pour objet d’insérer parmi les visas les dernières propositions faites par la Commission européenne dans le cadre de la mise en œuvre du programme européen de sécurité.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement l’amendement de précision CL6, les amendements rédactionnels CL7 à CL9, l’amendement de précision CL10 et l’amendement CL11, tous de la rapporteure.
Elle en vient à l’amendement CL12 de la rapporteure.

Mme la rapporteure.

Cet amendement a pour objectif de prévenir toute remise en cause de l’existence de l’espace de libre circulation de Schengen, en assurant un meilleur contrôle, notamment aux frontières extérieures. Nous demandons donc une révision ciblée du « code frontières Schengen ».

M. le président Jean-Jacques Urvoas.

Il s’agit du fameux système d’information Schengen, qui a fait l’objet de beaucoup de discussions au cours des derniers jours.
La Commission adopte l’amendement CL12.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CL13 de la rapporteure.
Elle en vient à l’amendement CL14 de la rapporteure.

Mme la rapporteure.

Cet amendement doit être rectifié à la suite de la présentation faite, cet après-midi, par la Commission européenne, de la proposition relative à la création d’un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Il est proposé que l’Assemblée : « rappelle son soutien à la création d’un corps européen de garde-frontières ».
La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL15 de la rapporteure.

Mme la rapporteure.

Cet amendement a pour objet de rappeler la position exprimée lors d’une rencontre avec la commissaire européenne chargée de ces affaires. Nous souhaitons insister afin que la création du parquet européen permette de lutter contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière, notamment le terrorisme, le trafic d’armes ou de stupéfiants, le blanchiment d’argent et le trafic d’êtres humains.
Ce n’est pas le champ de compétences prévu pour l’instant pour le futur parquet européen, la Commission européenne ne mentionnant que : « la protection contre les pertes que des activités criminelles causent au budget de l’Union européenne ». Nous réitérons donc notre préoccupation, qui est d’ailleurs partagée par d’autres États membres.
La Commission adopte l’amendement.
Elle examine ensuite l’amendement CL16 de la rapporteure.

Mme la rapporteure.

Cet amendement a pour objet de saluer l’accord trouvé entre le Parlement européen et le Conseil sur la collecte de données personnelles et la durée de conservation de ces dernières dans le cadre du PNR.
La Commission adopte l’amendement.
Elle est ensuite saisie de l’amendement CL17 de la rapporteure.

Mme la rapporteure.

Le présent amendement a pour objectif d’élargir le champ des organismes devant mieux collaborer à l’ensemble des agences compétentes dans les domaines de la justice et des affaires intérieures – en particulier Frontex – en ce qui concerne le niveau européen, et aux institutions judiciaires nationales.
La Commission adopte l’amendement.
Elle adopte ensuite successivement l’amendement rédactionnel CL17 et l’amendement de cohérence CL18, tous deux présentés par la rapporteure.

Puis la Commission adopte l’article unique de la proposition de résolution, modifié, et, par voie de conséquence, la proposition de résolution modifiée, le groupe Les Républicains s’étant abstenu.

Lire à la suite le rapport de Marietta KARAMANLI fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée Nationale