Marietta KARAMANLI « Un traité européen sur la stabilité qui ne change que peu ce qui existe, un pacte plus large qui devra être suivi d’effets réels »

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Le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire a été adopté le mardi 9 octobre 2012 par l’Assemblée Nationale puis le 11 octobre par le Sénat.
J’ai voté pour le projet de loi considérant que le traité n’innovait que très peu par rapport aux dispositions existantes et que malgré l’opposition initiale de l’Allemagne des progrès avaient été enregistrés. J’avais noté que des règles plus contraignantes visant la surveillance des finances des Etats avaient été adoptéee par ce qu’on appelle un règlement c’est à dire un texte pris par les instances de l’Union européenne s’appliquant directement dans notre législation sans intervention du Parlement national et que le traité et son pacte entraînaient, eux, d’une part, l’élaboration une loi organique sur laquelle je reviens dans un article à venir et d’autre part, l’adoption de mesures positives en faveur de la croissance dont je traite ici.
J’ai donc choisi ce qui permettait au Parlement Français de jouer un rôle et à l’Europe de ne pas imposer seulement une surveillance supplémentaire.
Le traité dit sur « la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire » résultait de la volonté d’Angela Merkel de transcrire en Europe des règles budgétaires qui s’appliquaient en Allemagne et de la nécessité pour l’ancien président, Nicolas Sarkozy, de faire oublier sa gestion calamiteuse des finances publiques en inscrivant dans la Constitution des règles qu’il n’appliquait pas.
Au final le texte est plus subtil puisque ce traité n’incorpore ni sanctions automatiques en cas de déficit excessif, ni fixation d’une date de retour à l’équilibre des finances publiques ni contrôle de la mise en Å“uvre de la règle d’équilibre structurel par la Cour de justice de l’Union européenne, dont le rôle est, effectivement, de vérifier la mise en place de telles procédures et non pas de s’exprimer sur la politique budgétaire elle-même.
La limite posée par le traité €“ 0,5 % du PIB lorsque la dette est supérieure à 60 % du PIB, 1 % du PIB en deçà est adaptée à la situation actuelle, qui exige que nous réduisions la dette.


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I Un traité dit « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire » qui innove peu

Le traité innove peu, somme toute, par rapport aux règles du traité de Maastricht €“ qui existent depuis vingt ans €“, au principe de surveillance et au principe de sanction.
La notion de solde structurel , elle-même, existait déjà depuis quelques années. Le traité en durcit la mesure, faisant passer la limite inférieure de déficit structurel de 1 % à 0,5 % du produit intérieur brut.
Il est à noter que la plupart de ces dispositions figurent déjà dans ce qu’on appelle le « Six pack » et le « Two pack ». Ce dernier est un règlement européen pour le renforcement de la discipline budgétaire et la réduction des déficits nationaux. Il s’applique directement sans transposition dans le droit national !
Je note que la notion de déficit structurel peut être définie de plusieurs façons. Il en est de même du calcul du taux de croissance « potentiel ». De plus les résultats dépendent du délai au terme auquel il est prévu de mettre fin au déficit.
Les deux principales innovations sont, d’une part, le contrôle exercé par la Cour de justice de l’Union européenne sur la transposition du pacte en droit national, d’autre part, la règle de la majorité inversée pour pouvoir déclencher une procédure de sanction contre un pays qui ne respecterait pas son chemin de rétablissement.

II Un accord pour relancer l’investissement et le contrôle des banques

La demande des socialistes étaient l’instauration d’un pacte de croissance, ce qui a commencé à être obtenu depuis le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012.
Les Chefs d’Etat de l’Union Européenne se sont mis d’accord pour un plan de relance à hauteur de 1 % du PIB de l’Union. Certains ont « raillé » cet effort considérant que 1 % du PIB de l’Union européenne était un pourcentage mineur. Je crois qu’il faut ici rappeler l’effet multiplicateur d’un tel plan. On cite souvent encore le plan Marshall, qui représentait, lui, entre 3 % et 4 % de la richesse européenne.
Il s’appuie aussi sur :

 1 L’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement

 2 Des emprunts obligataires pour le financement de projets
Sont aussi au programme la relance européenne en vue de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières et la mise en Å“uvre d’une supervision bancaire.
Par ailleurs a eu lieu l’assouplissement des mécanismes de solidarité financière ; ainsi la BCE a décidé d’un nouveau programme dit d’ « opérations monétaires en prise ferme » (Outright Monetary Transactions ou OMT). Elle a pris soin de ne fixer aucun plafond à ses interventions, dans le but de dissuader les marchés d’en tester les limites. Elle a pu emporter l’adhésion à son projet en insistant sur le fait qu’elle n’aiderait que les pays s’étant engagés à mener des réformes. Ainsi la Banque Centrale Européenne soulage depuis peu indirectement le marché des dettes souveraines.
Enfin je rappelle qu’il a fallu près d’un an et demi pour que l’on considère qu’il faille instituer le MES à la suite du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF), instrument d’urgence conçu pour une durée temporaire !
Plusieurs Etats, dont l’Allemagne, ont accepté ces deux dernières évolutions en contrepartie de la réaffirmation d’un déficit limité dans chaque Etat.

III Le vote des Français n’y est pas pour rien

Je pense que l’élection d’un nouveau Président en France et donc le vote des Français à répétition en faveur d’autres initiatives a aussi déverrouillé la situation
L’équilibre de positions entre les deux plus grands Etats de l’euro-zone qui a succédé à des messages de velléité puis à un alignement total a conduit à redonner aux autres pays et gouvernements une marge de revendication et d’influence guidée non par leurs propres options économiques mais par leurs intérêts objectifs d’Etat au regard de leurs dettes souveraines.
Ce c’est qu’avait annoncé l’économiste et prix Nobel Paul KRUGMAN dans une de ses chroniques. Selon lui, je cite, « si la ligne défendue par les conservateurs en Europe n’a plus le soutien indéfectible la Présidence de la République française comme ce fut le cas ces deux dernières années cela signifie que l’euro et le projet européen ont désormais de meilleures chances de survie. »

IV L’enjeu est plus dans des politiques publiques européennes massives que dans le traité

L’enjeu est dans les politiques publiques menées plus que dans les dispositions du traité.
L’enjeu est dans les priorités à mettre en Å“uvre et dans l’interprétation faite des dispositions actuelles ou futures.
Notons que les politiques d’austérité extrême mises en Å“uvre dans plusieurs l’ont été sans nouveau traité.
Rappelons que la fameuse « règle d’or » est déjà dans les traités, depuis Maastricht comme le plafonnement du déficit public à 3 % et l’obligation de maintenir une dette publique inférieure à 60 % du PIB.
Souvenons-nous que ces règles n’ont pas été respectées par les Etats qui les avaient instituées.
L’enjeu n’est pas dans le traité, lui-même, qui reste un instrument mais dans le rapport de force entre Etats pour mettre en Å“uvre des politiques publiques et économiques favorables à la croissance et à une Europe plus sociale.
A ce titre, nous devons aussi réhabiliter et faire valoir auprès de nos partenaires européens l’idée que l’Europe est fondée sur une coopération loyale.
Ce concept juridique est aussi une modalité politique. Il permet d’interpréter les règles et les principes régissant les conflits entre les acteurs concernés et il doit demain faciliter la création de solutions nouvelles face aux défis auxquels est confrontée l’Union.
La lutte n’est pas entre les partisans et les opposants au traité, sinon comment expliquer que la plupart des partis de gauche de gouvernement en Europe n’en fassent pas le combat de l’Europe à venir
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La lutte est entre d’une part entre ceux qui disent « nous sommes pro-européens et progressistes », nous résistons à la surenchère visant le démantèlement de l’Etat providence, et ceux qui font croire que l’Europe ne peut être que récessive et inégalitaire, qu’ils en soient convaincus ou utilisent cet argument pour éviter de dire comment ils feraient seuls.

V Aller plus loin : un pacte européen de protection des citoyens

Il faut (re)donner un sens et des priorités à l’Europe.
Je pense notamment à l’emploi et à la transition énergétique et climatique.
La demande est forte d’une Europe qui protège davantage

  l’environnement et l’avenir, chez les jeunes,

  les consommateurs, dans la population en général,

  les entreprises et l’emploi, chez les salariés.
A ce titre l’Europe que « nous » (socialistes) voulons doit être en mesure de proposer un pacte citoyen sur ces trois aspects et enjeux du « vouloir vivre ensemble ».

VI La nécessité de réintroduire le Parlement Français dans les discussions et négociations entre les institutions européennes et l’exécutif

L’enjeu est dans la loi organique des finances pour affirmer les droits du parlement français.
L’introduction de nouveaux objectifs et de nouvelles procédures au sein de l’union et la zone euro doit respecter pleinement les prérogatives actuelles des parlements nationaux.
De plus, la réussite même des objectifs et de la convergence demandés au plan européen nécessite une bonne compréhension, une réelle appropriation et une véritable contribution du parlement et des députés à la réussite des objectifs de croissance durable, d’emploi, de compétitivité et de cohésion sociale visés par le traité.
Elisabeth GUGOUI et moi nous avons déposé des amendements qui ne concernent pas seulement l’intervention du parlement au regard au traité mais aussi par rapport aux normes fixées par les règlements qui viennent de l’Union et sont supérieurs aux lois Françaises et visant à ce que le Parlement français puisse débattre des mesures proposées par l’Union.

Marietta KARAMANLI