« Mes questions aux personnalités pressenties par le Président de la République pour devenir Contrôleur des lieux privatifs de libertés et Défenseur des droits « par Marietta KARAMANLI

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Le 2 juillet la commission des lois de l’Assemblée Nationale dont je suis membre a entendu pour audition Mme Adeline HAZAN pressentie par le Président de la République pour devenir contrôleur général des lieux privatifs de libertés et M Jacques TOUBON, pressenti par le Président de la République pour devenir Défenseur des droits.
Dans les deux cas, la commission a exprimé par un vote à bulletin secret un avis. Celui-ci ne bloque la mesure de nomination que si les votes des membres des commissions des lois de l’Assemblée Nationale et de Sénat réunissent 3/5 des voix contre.
Comme je l’avais précédemment indiqué cette possibilité issue de la révision constitutionnelle de 2008 me paraît insatisfaisante, au delà de toute discussion sur les qualités des deux personnalités, toutes deux par ailleurs anciens élus, et ce dans la mesure où le choix du Président est quasiment sûr d’aboutir.
La possibilité de réunir positivement (et non plus contre) sur un nom les 3/5 des votes permettrait, à l’inverse, un choix consensuel car amenant majorité et opposition à s’entendre sur une personnalité réunissant leur accord pour accéder et exercer de très responsabilités publiques. A l’issue des votes successifs de l’Assemblée Nationale et du Sénat, ces deux personnalités ont été confirmées par le Président de la République.
J’ai interrogé Mme Hazan sur la prévention des mesures de rétorsion qui peuvent toucher les personnes dénonçant de mauvaises conditions de retenue ou de détention et sur le secret médical.
J’ai interrogé M Toubon sur la loi dite « Gayssot  » qui incrime le fait de nier l’existence des camps d’extermination nazis lors de la seconde guerre mondiale et sur la nécessité de mieux lutter contre la racisme et les discriminations.
Dans les deux cas, les personnalités ont répondu aux questions en confortant l’analyse que je faisais des points évoqués.


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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mercredi 2 juillet 2014
Séance de 10 heures

€“ Audition de Mme Adeline Hazan dont la nomination aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté est proposée par M. le président de la République (M. Sébastien Huyghe, rapporteur)
€“ Vote sur cette proposition de nomination
€“ Audition de M. Jacques Toubon dont la nomination aux fonctions de Défenseur des droits est proposée par M. le président de la République (M. Guy Geoffroy, rapporteur)
€“ Vote sur cette proposition de nomination

Audition de Mme Adeline Hazan dont la nomination aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Mme Marietta Karamanli.

Quelle est votre position sur les possibles mesures de rétorsion à l’égard des personnes privées de liberté ? Votre prédécesseur s’affirmait attentif à ce que l’administration désavoue toute action ou tout fait de cette nature. Il avait souligné à plusieurs reprises la nécessité d’inscrire dans la loi l’article 21 du protocole des Nations unies sur la protection des personnes donnant des informations au Contrôleur.

Votre prédécesseur était par ailleurs favorable à un très strict respect du secret professionnel auquel sont soumises les professions médicales. Cependant, face à la difficulté à tracer certaines décisions médicales, notamment dans les cas de mise à l’isolement, et devant la nécessité de mieux contrôler l’adéquation entre les soins reçus et la pathologie, il s’était interrogé sur l’opportunité de lever le secret médical au seul profit du Contrôleur et en l’assortissant de conditions. Qu’en pensez-vous ?

Mme Adeline Hazan.

Jean-Marie Delarue regrettait à juste titre que l’article 21 du protocole des Nations Unies n’ait pas été repris dans la loi de 2007. La loi de mai 2014 règle la question en instaurant un délit, puni d’une amende.

La question du secret médical me paraît également réglée par la loi de mai 2014 qui autorise, d’une part, la levée du secret médical, sous réserve que le patient l’autorise, et permet, d’autre part, aux contrôleurs, si toutefois ils sont médecins, d’accéder au dossier médical. C’est la raison pour laquelle, si vous confirmez le choix du président de la République, j’aurai à recruter un médecin.

Audition de M. Jacques Toubon dont la nomination aux fonctions de Défenseur des droits

Mme Marietta Karamanli.

La loi du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe a renforcé la lutte contre la haine de l’autre. Elle a notamment institué un délit réprimant la contestation de toute forme de crimes contre l’humanité, tels que punis par le jugement de Nuremberg €“ en d’autres termes, le révisionnisme, qui tend à nier l’existence des camps de la mort. Cette loi est le pendant français d’une loi allemande dite « loi du mensonge d’Auschwitz ».

Au cours de son examen, vous vous êtes dit défavorable à une mesure visant le révisionnisme. « La proposition de loi accrédite les propos et les thèses de ceux qui doutent, avez-vous dit, de ceux qui nous demandent de douter. » Vous avez aussi indiqué que le juge aurait du mal à appliquer la loi, qui ne représentait à vos yeux qu’une « barrière de papier ».

Vingt-quatre ans après sa promulgation, la loi Gayssot a donné lieu à plusieurs dizaines de jugements et arrêts, ce qui constitue un bilan positif. À l’heure de la massification de l’information, du net, des réseaux et de la fausse information, pensez-vous que la lutte contre le racisme, le génocide et la xénophobie appelle de nouvelles dispositions ? Quel rôle entendez-vous jouer en la matière ?

M. Jacques Toubon.

Vous avez raison de rappeler que l’application de la loi Gayssot a été positive et que mes alarmes étaient infondées. Reconnaissez pourtant que c’est aux historiens et non aux législateurs de lever le doute sur l’histoire. Veillons à ne pas tenir pour vraie l’histoire que la loi aurait patentée, alors que l’autre histoire serait réputée douteuse. Dans certains pays, la loi vise précisément à raconter une histoire qui n’est pas la vraie.

En 1996, j’ai proposé que les mesures visant le racisme dépendent non plus de la loi sur la presse, mais du code pénal. La proposition n’a pas abouti. J’avais contre moi les directeurs de publication et la plupart des avocats. Je me demande toujours si la loi Gayssot ne sort pas du cadre de la liberté d’expression, régie par la loi sur la presse de 1881. Quoi qu’il en soit, n’étant pas anglo-saxon, je ne pense pas qu’on puisse tout dire et tout écrire. Peut-être serons-nous amenés à formuler d’autres propositions. L’affaire Dieudonné a placé ces questions au cÅ“ur de l’actualité. Son nouveau spectacle en rajoute encore. Je ne suis pas le Conseil d’État, mais la question me touche profondément.

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Consulter les vidéos correspondantes sur le site de l’Assemblée Nationale

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5669.2054272

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5669.2054504