« Questions à l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) sur ses missions, les retours d’expérience de FUKUSHIMA et les relations des autorités avec les populations, riveraines ou non, en matière de plans de protection ; la nécessité, selon moi, de faire progresser la transparence » par Marietta KARAMANLI

Le 7 octobre 2020 étaient organisées par  l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) (qui effectue des recherches et des expertises sur les risques liés à la radioactivité) des rencontres sur le thème « Quelles actions de l’IRSN dans le domaine de la santé environnementale ? L’exemple du radon ».

Cette rencontre était organisée en visioconférence. Inscrite mais n’ayant pu y participer suite à une autre contrainte d’emploi du temps, j’avais posé trois questions.

L’IRSN a bien voulu y répondre. Je publie donc les réponses de l’Institut que je remercie à cette occasion.

Ma 1ère question était d’ordre organisationnel et fonctionnel.

Quelles sont les activités et relations respectives entre l’Agence de sécurité nucléaire et l’IRSN ?

Ma 2ème question portait sur les acquis de l’expérience de ce qu’a été Fukushima en termes de santé

On a des témoignages de la minoration au moment des faits par les autorités des effets sanitaires, est on en mesure d’évaluer ce qui a été bien fait de ce qui a été mal fait ?

Ma 3ème question portait sur les relations des autorités avec la population concernée

De quelle façon les citoyens et habitants sont associés aux plans de prévention et demain à la définition des mesures de protection ?

L’IRSN a bien voulu joindre quelques liens.

Au titre de la dernière question portant sur l’information des populations riveraines, un lien a été transmis vers le compte -rendu d’une des dernières réunions du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire file:///F:/HCTISN_secretariat_pleniere_16_06_20_cle442e15.pdf ou en téléchargement HCTISN_secretariat_pleniere_16_06_20_cle442e15-1

A la lecture du document on y apprend que les pratiques relatives à l’élaboration, à l’évolution continue, à la façon de tester réellement les dits PPI sont hétérogènes et que les retours d’expérience ne sont pas encore publics.

Je soutiens fortement une information la plus complète possible des populations et citoyens sur les Plans particuliers d’intervention (risques précis mais non localisés, par exemple risque technologique, chimique) et leur contribution à leur amélioration tant du point de vue des consignes, de leur applicabilité et de la nécessaire connaissance des risques et mesures à prendre.

Il y a des progrès à faire pour assurer la connaissance, l’appropriation et l’amélioration par les citoyens des informations, des consignes et solutions à adapter en cas de crises ou d’évènements extrêmes et rares (pandémies, environnementaux, accident technologique ou industriel, nucléaire…) ; ils doivent être (mieux) connus par nos concitoyens et actualisés.

J’entends interroger le gouvernement sur ce sujet d’actualité, aujourd’hui et malheureusement possiblement demain !

Marietta KARAMANLI

La réponse de l’IRSN

RENCONTRE PARLEMENTAIRE SANTE ENVIRONNEMENTALE – L’EXEMPLE DU RADON

 Du mercredi 07/10/2020

 QUESTIONS DE LA DEPUTEE Marietta KARAMANLI

 Au 12/10/2020

Introduction

L’IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dont les missions, le statut et le fonctionnement sont déterminés par les articles L592-45 à L592-49 et R592-39 à R592-61 du code de l’environnement. L’IRSN est placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de l’Environnement, de la Défense, de l’Énergie, de la Recherche et de la Santé.

Expert public en matière de recherche et d’expertises relatives aux risques nucléaires et radiologiques, l’Institut couvre l’ensemble des questions scientifiques et techniques associées à ces risques. En interaction avec les acteurs concernés par ces risques, l’IRSN concourt aux politiques publiques en matière de sûreté nucléaire, de protection de la santé et de l’environnement contre les rayonnements ionisants ainsi que de protection des matières nucléaires, de leurs installations et de leurs transports contre les risques de malveillance. Par son action, il concourt activement à d’autres politiques publiques majeures comme celle de la recherche et de l’innovation, de la santé au travail ou de la santé environnementale.

L’Institut rassemble environ 1 780 salariés, dont une centaine de doctorants et post-doctorants. Le siège est implanté à Fontenay-aux-Roses.

Questions de la députée Marietta KARAMANLI

  1. Quelles sont les activités et relations respectives entre l’Agence de sécurité nucléaire et l’IRSN ?
  2. Quels sont les acquis en termes de santé de l’expérience suite à l’accident de Fukushima? On a des témoignages de la minoration au moment des faits par les autorités des effets sanitaires, est on en mesure d’évaluer ce qui a été bien fait de ce qui a été mal fait ?
  3. Quels sont les relations des autorités avec la population concernée… De quelle façon les citoyens et habitants sont associés aux plans de prévention et demain à la définition des mesures de protection ?

Réponses de l’IRSN aux questions posées par la députée Marietta KARAMANLI

1 – Quelles sont les activités et relations respectives entre l’Agence de sécurité nucléaire et l’IRSN ?

 L’ASN et l’IRSN comptent parmi les acteurs du dispositif national de la gouvernance des risques nucléaires et radiologiques dans le domaine civil, agissant dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. A cet égard il convient de distinguer dans ce dispositif le rôle des autorités publiques assuré notamment par l’ASN de celui de l’expertise publique, dévolu à l’IRSN.

Ainsi l’évaluation des risques nucléaires et radiologiques est-elle confiée à un organisme d’expertise travaillant et produisant des connaissances à l’état de l’art – en l’occurrence l’IRSN – tandis que la gestion du risque relève des missions des autorités publiques et notamment l’ASN en charge, dans le secteur civil, d’édicter la réglementation, de prendre les décisions (individuelles ou de portée générale) relatives à sa mise en œuvre, et d’exercer le contrôle des activités (inspections, suivi des autorisations, …).

Cette organisation, voulue par le législateur et qui vise à séparer la fonction d’évaluation de celle de la gestion des risques, est une organisation que l’on retrouve au niveau européen et français, notamment dans le domaine de la santé avec la mise en place des agences sanitaires telles que l’ANSES ou Santé Publique France.

L’ASN dispose, pour l’exercice de ses missions, de l’appui technique de l’IRSN matérialisé essentiellement par la réalisation d’expertises des dossiers des exploitants nucléaires adressés à l’Autorité en vertu des dispositions législatives et réglementaires encadrant les activités nucléaires et radiologiques.

Cet appui technique de l’IRSN auprès de l’ASN est régi au travers de dispositions contractuelles, appelées par le code de l’environnement. Une convention pluriannuelle est signée entre l’ASN et l’Institut (actuelle convention signée en 2017 d’une durée de 5 ans et intégrant les dispositions nouvelles introduites par la loi TECV). Cette convention définit les domaines d’appui technique, les modalités mise en œuvre pour la réalisation des activités d’appui technique et précise les instruments de gouvernance et de pilotage de la relation ASN/IRSN.

Cette convention précise également les sources et modalités de financement des actions réalisées (financement au travers de la subvention pour charge de service public de l’Institut au titre du programme LOLF 190 et du produit de la contribution des exploitants d’installations nucléaires perçue par l’IRSN) pour un budget annuel de 83 M€. Pour mémoire, le budget de l’IRSN pour l’ensemble de ses missions est de l’ordre de 270 M€.

Annuellement, un protocole est pris en application de la convention qui définit les actions programmées à réaliser, qui fixe les priorités et identifie les moyens mis en œuvre. Les actions conduites par l’IRSN se matérialisent chaque année par la transmission de plus de 500 livrables (avis d’expertise, rapports, notes techniques,…) à l’ASN, l’accompagnement technique d’environ 400 inspections menées par l’autorité et le suivi d’exploitation de l’ensemble des installations nucléaires de base parmi lesquelles les 58 réacteurs électronucléaires actuellement en service.

Ce dispositif conventionnel est instauré depuis la création de l’Institut, la première convention ayant été signée en 2004, et régulièrement réexaminé par l’IRSN et l’ASN. Il permet, tant à l’IRSN qu’à l’ASN au travers du dialogue permanent mis en œuvre, de disposer à la fois de visibilité sur les actions menées, d’une certaine flexibilité en matière de programmation au travers de la régulation périodique mise en place (environ une trentaine de réunion de régulation par an) tout en assurant le traitement de dossiers à caractère urgent et non programmés comme par exemple les anomalies de carbone de la cuve du réacteur EPR ou plus récemment les problèmes de soudure des tuyauteries de vapeur principales du réacteur.

Si l’interaction entre l’IRSN et l’ASN est importante du point de vue technique, elle l’est également sur le plan de la gouvernance de l’IRSN puisque que le Président de l’ASN est membre de droit du conseil d’administration de l’Institut conformément à l’article R592-42 du code de l’environnement.

2 – « Quels sont les acquis de l’expérience en termes de santé suite à l’accident de Fukushima? On a des témoignages de la minoration au moment des faits par les autorités des effets sanitaires, est on en mesure d’évaluer ce qui a été bien fait de ce qui a été mal fait ? »

L’IRSN a rédigé deux dossiers régulièrement mis à jour, intitulés « Impact sur la santé en 2019 de l’accident de Fukushima-Daiichi » et « Conséquences sociales de l’accident dans la préfecture de Fukushima »

Le dossier « Impact sur la santé en 2019 de l’accident de Fukushima-Daiichi » actualisé en mars 2019, constitue un retour d’expérience et une remise en question de ce qui a été fait, dans lequel l’Institut questionne par exemple l’intérêt d’un dépistage systématique du cancer de la thyroïde face au risque de sur-diagnostic, position aujourd’hui également partagée par les médecins de Fukushima.  « …Aujourd’hui, la position des médecins de l’Université de Médecine de Fukushima est d’aller vers un mode de dépistage et une prise en charge thérapeutique moins systématique. En particulier, ils conseillent de limiter la réalisation d’opérations chirurgicales lors du diagnostic, et de proposer de façon plus large un suivi individuel permettant de surveiller l’évolution des nodules détectés  (recommandation du « wait and see ») ».

Dès la fin du mois de juin 2011, les autorités sanitaires japonaises ont conçu et mis en place un programme d’études épidémiologiques et de suivi sanitaire afin d’évaluer puis suivre au cours du temps l’état de santé des personnes qui ont été exposées aux rejets radioactifs de l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

L’Université médicale de Fukushima (FMU) coordonne un vaste programme de suivi médical des habitants de la préfecture de Fukushima. Ces études épidémiologiques sont basées sur un questionnaire complété, dans certains cas, par la réalisation d’examens médicaux. Les résultats permettent de disposer d’informations sur l’incidence de certaines pathologies au sein de la population japonaise (cancers solides, leucémies, troubles psychologiques, thyroïdiens, hépatiques, rénaux, diabète, etc.) et d’évaluer, en fonction de leur évolution dans le temps, les éventuelles conséquences sanitaires de l’accident.

Pour en savoir plus : https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2019/Pages/3-consequence-sante-accident-nucleaire-fukushima-2019.aspx?dId=a9e63877-e16f-4d32-a9cd-41e41c809689&dwId=b5b20b86-6e61-4814-b30f-f289bedf3655#.X39Kv-1OKUk

 3 – « Quels sont les relations des autorités avec la population concernée… De quelle façon les citoyens et les habitants sont associés aux plans de prévention et demain à la définition des mesures de protection ? »

En cas d’accident nucléaire ou radiologique et conformément au plan national de gestion de crise, l’IRSN a pour mission de proposer aux autorités des mesures d’ordres technique, sanitaire et médical propres à assurer la protection des populations et de l’environnement de la zone concernée et apporte un appui aux pouvoirs publics. Dans le cadre de sa mission de surveillance, l’Institut réalise des mesures de la radioactivité dans l’environnement et en rend publics les résultats. L’IRSN diffuse des informations à caractère pédagogique permettant de mieux comprendre la situation.

Les Plans Particuliers d’Intervention (PPI)

Le PPI est un dispositif défini par l’État pour protéger les personnes, les biens et l’environnement des risques liés à une installation industrielle. Ce plan détermine les schémas d’alerte, les actions de protection et les moyens de secours susceptibles d’être mis en œuvre en cas d’accident autour de l’installation en question.

Il s’intègre dans une organisation globale ayant pour objet de gérer toutes les situations d’urgence. L’Organisation de la Réponse de SEcurité Civile (ORSEC) est un dispositif opérationnel permanent, progressif et adaptable, comprenant des dispositions générales s’adaptant à tout type de situation (chaîne de commandement, hébergement de populations, ravitaillement…), et des dispositifs spécifiques propres à certains risques particuliers tel que les PPI pour les sites nucléaires.

La plupart des sites nucléaires français disposent d’un PPI. Une révision de ces PPI a été initiée en 2016 afin d’organiser au mieux la réponse des pouvoirs publics ainsi que la sensibilisation et la réaction de la population en cas d’alerte nucléaire. Les premières révisions concernent les PPI des centrales nucléaires (CNPE), dont le Gouvernement a décidé d’étendre le rayon de 10 à 20 km.

Les principales évolution des PPI sont la création d’une phase immédiate forfaitaire lors d’un événement majeur, une planification de l’évacuation sur 5 km, l’extension du rayon du périmètre des PPI de 10 à 20 km emportant l’extension de la distribution préventive d’iode de 10 à 20km, associée au pré-positionnement d’iode stable au niveau départemental et zonal dans le cadre de « l’ORSEC iode » départemental et zonal.

 

L’implication des populations dans l’évolution des PPI

Dans le cadre de l’accompagnement territorial du travail d’écriture des PPI, le courrier du ministère de l’Intérieur aux préfets du 1er août 2018 rappelle « … Il s’agit d’une réforme en profondeur impliquant une véritable planification prenant en compte les caractéristiques et les enjeux des territoires. Ces travaux doivent être menés en associant les CLI selon le format adapté. (…) Le code de la sécurité intérieure impose de tester les PPI des installations tous les 5 ans. … Parmi les évolutions de la doctrine, l’extension des rayons des périmètres des PPI de 10 à 20 km conduit également à élargir l’information du public et la réalisation de plans communaux de sauvegarde dans le périmètre du PPI que vous allez arrêter (…) »

La détermination de la nouvelle emprise des PPI a été réalisée par les préfectures en concertation avec les communes concernées situées entre 10 et 20 km de la centrale nucléaire.

Conformément à la réglementation (R741-25 sq. du CSI), les PPI ont été mis à la disposition des maires des communes concernées puis du public. A la demande de certains élus ou de CLI, les préfectures ont mis à disposition du public le projet de PPI, directement sur leur site internet, ont parfois envoyé des copies par courrier, d’autres ont appliqué strictement la réglementation, d’autres encore n’ont pas été sollicitées.

La réglementation en vigueur impose plus généralement aux préfets d’informer systématiquement les maires concernés de toute évolution significative du PPI et de leur transmettre, notamment pour la mise à jour de leur plan communal de sauvegarde, le nouveau PPI en vigueur.

 

Dans le cadre de son groupe de travail « transparence et secrets », le Haut comité à la transparence et à l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) a formulé des recommandations sur les modalités d’association du public à l’élaboration des PPI.

 

Pour en savoir plus lire l’avis du HCTISN du 28 septembre 2020 :

http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/Avis_14_Elaboration_et_diffusion_des_PPI_avec_annexe_cle0916e1.pdf

 

Ainsi, en complément des actions menées, rappelées ci-avant, le HCTISN recommande d’aller plus loin dans le dialogue avec les populations que ce soit lors de la phase d’élaboration des PPI, dans le dynamisme de consultation sur ces plans et d’information en continu sur les mesures, ainsi que dans l’association des populations aux exercices.