« Favoriser l’épargne populaire en direction de projets individuels et d’entreprises perçus comme proches, en un mot lui redonner du sens » par Marietta KARAMANLI

Le 26 novembre 2018 j’ai participé aux 28èmes rencontres de l’Epargne qui avaient pour thème « Construire une épargne performante et innovante ». Le sujet de la première table ronde était celui de « l’épargne au service de l’économie ».  A cette occasion j’ai pu développer quelques idées qui me sont chères.

La loi dite Pacte été votée en 1ère lecture par l’Assemblée Nationale le 9 octobre 2018 vise à encourager les Français à investir dans nos PME et TPE plus facilement. Mais ils ont en effet pour projet, à titre principal et je dirai majoritaire, de sécuriser leur épargne. Si le principe c’est la sécurité avant le rendement, il est normal de trouver l’assurance-vie comme premier placement des ménages, représentant 40% du patrimoine financier national. Sa rentabilité supérieure à la hausse du coût de la vie et ses atouts fiscaux sur la durée plaident pour elle. La question qui se pose est de savoir si les Français réticents avant le seront encore après la loi. La structure de l’épargne,

Selon la Banque de France, le patrimoine financier des Français serait supérieur à 5.000 milliards d’euros. Les Français sont plus souvent propriétaires, donc ils investissent plus dans leur logement, et ce qui est mis dans les livrets, les actions, l’assurance-vie, donc l’épargne financière, est dans la moyenne européenne avec 8,5% de leurs revenus contre un peu plus de 10 % en Allemagne. Là-bas comme ici, les particuliers investissent peu dans leurs entreprises. Les produits d’épargne qui ont été développés au cours des dernières années (que ce soit le contrat d’assurance-vie euro-croissance, les contrats vie-génération, le PEA ou le PEA-PME à n’ont pas réussi à « aimanter » autant d’argent que souhaité et espéré ! De plus la faiblesse de certains rendements obligataires et la complexité des produits renforcent parfois l’absence de résultats.

Que faut-il faire ? Mon analyse est qu’une meilleure orientation de l’épargne ne relève pas uniquement d’incitations techniques et financières. Je suis favorable à un choc d’investissement public à l’échelle de l’Union, d’une autre nature et d’une autre ampleur que le plan Juncker, qui pourrait modifier le climat des affaires. Il faut aussi valoriser l’épargne active. Il faut s’interroger sur l’insuffisance d’appétence pour le risque. En l’état la fiscalité est plutôt favorable à l’épargne non risquée qu’à l’épargne risquée. Les ménages plus modestes ont des moyens qui les orientent vers des produits réglementés plus faiblement rémunéré pour s’assurer, d’une épargne de précaution (notamment contre les effets chômage). Il faudrait encourager une épargne populaire sur des projets individuels comme la retraite, la transmission de son patrimoine ou encore le financement des entreprises de proximité de demain. Serait nécessaire un projet nouveau (un plan peut-être ?) pour connecter les besoins et les projets à l’épargne.

J’ai conclu en rappelant que pour redonner envie, il fallait mieux faire comprendre et faire connaître, ce qui accroitrait la confiance.

Marietta KARAMANLI

Le texte ayant servi de base à mon intervention

CONSTRUIRE UNE ÉPARGNE AU SERVICE DE L’ÉCONOMIE

 « 28ème rencontre de l’épargne »

Mesdames et Messieurs,

Cher-e-s Collègues Parlementaires,

Tout d’abord je souhaite remercier les organisateurs de cette journée pour les opportunités qu’offre cette 28ème journée de l’épargne et de l’investissement ayant pour thème « Construire une épargne performante et innovante ».

Le sujet de cette première session est celui de « l’épargne au service de l’économie ».

Il s’agit ainsi de traiter de ce que pourraient être les axes forts d’une politique liant au mieux l’épargne et l’économie.

Mon propos sera bref.

Je souhaite mettre en évidence et perspective quatre éléments.

L’épargne, si j’ose dire, à la Française doit être remise en perspective avec celle de quelques-uns des autres pays de l’Union Européenne.

Il convient d’avoir à l’esprit que la contribution à l’économie varie selon les revenus, la fiscalité et le contexte.

L’enjeu me semble aussi être européen.

Enfin le défi à relever me semble être celui d’une épargne qui a du sens.

Je voudrai évoquer tout d’abord l’épargne Française

La volonté d’orienter l’épargne vers les entreprises

La loi dite PACTE a été votée en 1ère lecture par l’Assemblée Nationale le 9 octobre 2018.

Parmi plusieurs dispositions l’article 21 vise à simplifier et à élargir le recours aux produits d’épargne, et à encourager les Français à investir dans nos PME et TPE facilement[1]. L’idée de principe est que les dites entreprises pourront ainsi bénéficier de ces financements issus de l’épargne pour leurs fonds propres.

Parallèlement l’article 27 vise à aider nos entreprises, en particulier les petites en encourageant à encourager le financement participatif.

Le texte de loi provisoire  rend éligible au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire – PEA-PME – divers instruments du financement participatif : les titres participatifs, les obligations à taux fixe et les minibons.

La question qui se pose est de savoir si les Français réticents avant le seront encore après.

Ils ont en effet pour projet, à titre principal et je dirai majoritaire, de sécuriser leur épargne.

Ils continuent ainsi de détenir massivement des livrets A, des livrets de développement durable – LDD –, des plans épargne logement – PEL –, ou des produits d’assurance vie en euros.

La nature de l’épargne en France

 

Selon la Banque de France, le patrimoine financier des Français serait supérieur à 5.000 milliards d’euros.

Si le principe c’est la sécurité avant le rendement, il est donc normal de trouver l’assurance-vie comme premier placement des ménages, représentant 40% du patrimoine financier national. Sa rentabilité supérieure à la hausse du coût de la vie et ses atouts fiscaux sur la durée plaident pour elle.

Autre caractéristique, 30% des placements seraient sur « nos » comptes bancaires. L’avantage que ce patrimoine soit garanti jusqu’à 100.000 euros et immédiatement mobilisable prévaut sur l’inconvénient qu’il puisse être diminué par l’inflation.

Parallèlement les actions et obligations ne rassembleraient que 24% de l’épargne financière.

La question se pose donc de savoir si nous sommes si différents d’autres européens

Certes Français épargnent beaucoup mais selon les données de l’OCDE d’autres européens épargnent plus.

Ainsi les Suédois et les Allemands épargnent davantage…

L’Observatoire Européen de l’Epargne a mis en évidence qu’en 2017 les Français avaient mis de côté 14,1% de ce qu’ils avaient gagné contre 17,2% en Allemagne.

L’explication se trouve dans la nature et la structure de cette épargne.

Les Français sont plus souvent propriétaires, donc ils investissent plus dans leur logement, et ce qui est mis dans les livrets, les actions, l’assurance-vie, donc l’épargne financière, est dans la moyenne européenne avec 8,5% de leurs revenus contre un peu plus de 10 % en Allemagne.

Ils se préoccupent aussi moins de leur retraite et donc ont moins d’actions et d’obligations dans les fonds de pensions.

Il est à noter que les Allemands financent assez peu les entreprises en direct, et possèdent même deux fois moins d’actions notamment dans les PME que les Français.[2]

Selon ces même données nos voisins, laisseraient aussi beaucoup d’argent sur leurs comptes.[3]

Autre élément il existe en France une épargne de précaution lié à la conjoncture.

La part du patrimoine de précaution lié au risque de chômage se situerait autour de 7% de la richesse globale.

Evidemment le motif de précaution se différencie selon le niveau de revenu : ce sont les ménages aux revenus moyens qui accumulent le plus d’épargne de précaution[4].

Au final il est donc possible que même avec une nouvelle loi visant à davantage flécher l’épargne vers les fonds propres des entreprises on ait des résultats modestes.

Les produits d’épargne qui ont été développés au cours des dernières années (que ce soit le contrat d’assurance-vie euro-croissance, les contrats vie-génération, le PEA ou le PEA-PME à n’ont pas réussi à « aimanter » autant d’argent que souhaité et espéré !

De plus la faiblesse de certains rendements obligataires et la complexité des produits renforcent parfois l’absence de résultats.

J’en viens maintenant au contexte européen et national

Un environnement relancer

Mon analyse est qu’une meilleure orientation de l’épargne ne relève pas uniquement d’incitations techniques et financières.

Malgré un coût du capital bas, en Europe les investisseurs privilégient les obligations publiques, les placements « sans risques ».

Dans un contexte d’inquiétudes (dans la zone euro avec le Brexit et les projets portés par les formations populistes de sortie de celle-ci, les tensions internationales, le terrorisme), … les paris industriels et les investissements élevés apparaissent encore plus difficiles.

Dans ce cadre, un choc d’investissement public à l’échelle de l’Union, d’une autre nature et d’une autre ampleur que le plan Juncker, serait, je pense encore, aussi un élément à même de modifier le climat des affaires et de donner des perspectives d’augmentation de la rentabilité à venir du capital.

J’en viens maintenant à l’idée qu’il nous faut valoriser l’épargne qui a du sens et de l’intérêt

Comme j’ai modestement tenté de la montrer il existerait une difficulté à valoriser l’épargne active[5].

Trois mots me paraissent importants : le risque ; la fiscalité et le sens.

Le risque d’abord

Il me semble indispensable de réfléchir à l’appétence au risque raisonné.

Le peu d’appétit pour le risque que je qualifierai de « raisonné » est probablement à rapprocher d’une insuffisance d’éducation financière des Français, mis en en évidence dans les études.

En cela l’éducation à l’économie et la redécouverte de l’envie d’épargner restent des nécessités.

Mais au-delà il me semble peut-être utile de mettre en évidence l’importance de la fiscalité.

La fiscalité

La question de fond posée est bien de donner et de redonner aux Français un intérêt à une épargne plus active.

Le goût marqué des Français pour l’assurance-vie ou les livrets se comprend aussi à l’aune de la fiscalité favorable à ces produits.

L’arbitrage entre les secteurs où on peut placer avec un avantage fiscal rend encore l’immobilier attractif.

En l’état la fiscalité est plutôt favorable à l’épargne non risquée et qu’à l’épargne risquée.

Les ménages les plus aisés qui par leur placement prennent des risques ont en général les moyens de les assumer.

Ce n’est pas le cas de ménages plus modestes qui leurs moyens leur permettent s’orientent des produits réglementés plus faiblement rémunéré pour s’assurer, comme mentionné plus haut, une épargne de précaution.

Il y a là matière à réflexion.

J’en reviens au sens.

A l’évidence des projets individuels comme la retraite, la transmission de son patrimoine ou encore le financement des entreprises de proximité de demain pourraient être des axes d’attrait d’une épargne populaire.

Pour cela il faut probablement un projet nouveau (un plan peut-être ?) pour connecter les besoins et les projets à l’épargne de ceux qui pour investir ont besoin d’une certaine connaissance des entreprises mais aussi des différents produits d’épargne.

Mon propos vous semblera à nouveau simple mais il me semble important que pour redonner envie il faut mieux comprendre et connaître, ce qui accroit la confiance.

Au-delà des questions de conception, il me semble utile de souligner que la réorientation de l’épargne dépend aussi de la volonté des distributeurs eux-mêmes d’accompagner les ménages vers d’autres produits que les livrets et l’assurance-vie.

Merci de votre attention.

[1] Tels que l’assurance vie, le PEA, plan d’épargne en actions, ou le PEA-PME, afin d’inciter les Françaises

[2] Un allemand détiendrait  en moyenne, directement, 3.643 euros d’actions cotées et 3.659 euros d’actions non cotées, contre respectivement 3.550 euros et 12.270 euros pour un Français.

[3] 1.400 milliards d’euros dorment ainsi sur les comptes des Allemands, 850 milliards sur ceux des Britanniques…et seulement 450 milliards en France.

[4] Cette épargne représenterait 11-12 % du patrimoine total des ménages des deuxième, troisième et quatrième quintiles de revenu, contre environ 5% pour les ménages des quintiles extrêmes de revenu.

[5] Taux bas (que j’ai rappelés), contraintes prudentielles, complexité de l’épargne réglementée (trop nombreuses niches fiscales) et complexité et variabilité due la fiscalité  du capital…