« Loi travail, plus d’un an après, mes interrogations sont les mêmes, le constat que les salariés n’ont pas plus de pouvoir de négociation reste posé » par Marietta KARAMANLI

Alors que l’actualité sociale est marquée par de nombreuses revendications concernant la justice sociale et le pouvoir d’achat, il m’est apparu utile de vous faire part d’un article dont je suis l’auteure, article paru dans « La Revue du trombinoscope » en septembre 2018, relatif à la loi travail.

Il est intéressant de noter que j’évoquais dans celui-ci qu’en période de chômage le pouvoir de négociation des salariés est faible…

En parallèle la revendication légitime d’une amélioration du pouvoir d’achat mise en avant par les mouvements sociaux ne trouve pas de déboucher par des négociations entreprise par entreprise mais bien par une négociation plus large.

Comme je l’explique dans ce papier, en regrettant l’absence de contreparties pour les salariés,  je considère que l’efficacité globale de la loi que je n’ai pas votée et à laquelle je me suis opposée, reste encore à prouver…

En l’état, le pouvoir d’achat des salariés modestes et moyens est un sujet dont les éléments (salaires, fiscalité, dépenses contraintes…) reste à traiter. Il faut une politique salariale plus redistributive, une fiscalité plus juste et des mesures adaptées pour la transition énergétique.

Le communiqué des députés socialistes du 11 décembre 2018 le dit bien

« Il aura fallu attendre près d’un mois de mobilisation des gilets jaunes pour que le président de la République s’exprime enfin. Cette prise de conscience est bienvenue, même si elle arrive tardivement.

Les annonces du président permettent de corriger une partie des mesures injustes votées depuis 2017 : nous les avions dénoncées et nous avions formulé des propositions alternatives.

Même si l’annonce du président sur la CSG des retraités est une correction bienvenue, 5,5 millions des retraités percevant plus de 2 000 euros par mois continueront de subir la hausse de la CSG. C’est pour cela que nous avions proposé de ne pas appliquer la hausse de la CSG pour les pensions inférieures à 3 000 euros, ce qui représente le coût d’une maison de retraite.

Enfin, qui financera ces mesures ? S’il avait choisi de rétablir l’ISF, le Président aurait pu trouver les marges de manœuvre. Faut-il conclure que cela se traduira par moins de services publics pour faire des économies ? »

Marietta KARAMANLI

Mon article

 

Marietta KARAMANLI

Députée de la Sarthe [1]

Une loi fortement contestée et aux effets non évalués

La réforme du droit du travail et les ordonnances prises en application de la loi d’habilitation sont censées selon le gouvernement constituer, je cite, « un projet de transformation sociale d’une ampleur inégalée ». La loi a eu pour objet, entre autres, de faciliter les modalités du licenciement, de modifier la négociation des accords collectifs en donnant priorité aux accords d’entreprises sur les accords de branches et d’ouvrir les voies à un plus grand recours au télétravail.

Un an après qu’en est-il de la rénovation attendue ?

D’une part, l’adoption des nouvelles dispositions ne s’était pas faite après évaluation des précédentes dispositions adoptées sur le même sujet, ce qui ne peut qu’être regretté ; le recours à l’évaluation pour progresser reste plutôt, dans notre pays, un sujet de…déclaration d’intention…

D’autre part, l’absence de véritables concertations et d’accords avec les grandes organisations représentatives de salariés a joué en défaveur de l’amélioration et de l’appropriation des textes. Il est à noter qu’au final le pouvoir de décision des employeurs sort renforcé dans les plus petites entreprises sans possibilité de contreparties pour les salariés et que la présence de représentants de ceux-ci dans les Conseils d’administration des plus grandes entreprises n’a pas été étendue.

En l’état, aucun bilan d’étapes n’a été communiqué aux parlementaires sur les pratiques innovantes pour l’emploi qui auraient été identifiées par l’Etat et/ ou les partenaires sociaux à l’occasion de la réforme.

Le postulat de départ du projet de loi était que « la vocation protectrice et régulatrice des règles (actuelles) peut être interrogée au plan social et jugée inefficace au plan économique. A ce jour il n’existe pas de consensus « scientifique » pour affirmer qu’il existe une corrélation positive entre niveau de législation sur la protection de l’emploi et niveau de chômage (Breda, 2016). Ce qui est sûr c’est qu’en période de chômage élevé, le pouvoir de négociation des salariés est faible et on peut craindre, dans une majorité des accords passés, une régression des conditions d’emploi.

Des questions de fond qui demeurent

Sur le fond les phénomènes de recours aux plates formes sans salariat (la fameuse Ubérisation), le recours à l’intérim, l’importance des contrats à durée déterminée (notamment pour les jeunes et les moins qualifiés) polarise les pratiques et les statuts entre ceux qui ont des emplois qualifiés et rémunérés et ceux qui ont un emploi précaire et n’ont pas de réelle perspective de carrière.

Face à cette situation je considère qu’un infléchissement est nécessaire. L’Etat doit avoir un rôle rénové. Il doit favoriser les accords de réduction d’activité quand ceux -ci s’avèrent utiles avec des règles de compensation de la rémunération et une offre de formation /qualification pour les salariés. Il faut faire en sorte que les demandeurs en situation de mobilité professionnelle, subie ou volontaire, soient accompagnés. La création de fondations, financées par l’ensemble des acteurs, à l’instar de celles existant dans d’autres pays européens garantissant un statut et un revenu, organisent cet accompagnement de qualité, soutenant l’employabilité et l’innovation dans l’emploi.

Je suis favorable aussi à la reconnaissance de sociétés de travail au sein des grandes entreprises, rassemblant les salariés et disposant de droits sur la propriété intellectuelle, (ce sont bien souvent les salariés qui, par leur contribution intellectuelle et pratique, ont amélioré les produits, développé les processus de fabrication, participé activement à la définition de la qualité, tous facteurs à l’origine de la notoriété de la production et de la réussite d’une ‘entreprise). En cas de rachat et face à une possible délocalisation, ils seraient ainsi mieux outillés pour protéger l’emploi et l’avenir des produits et de l’innovation auxquels ils ont contribué.

Enfin il est aujourd’hui essentiel que l’État libère l’investissement vert pour permettre de s’affranchir progressivement de la consommation d’hydrocarbures, pesticides et autres polluants.

On le voit des perspectives nouvelles et innovantes sont possibles…étudions les et donnons-leur leur chance !

[1]Vice -Présidente du « Groupe d’études pratiques innovantes pour l’emploi » ; Le groupe d’études, s’est donné un rôle ciblé : identifier les bonnes pratiques territoriales et associatives et réfléchir au rôle de l’Etat par rapport à ses initiatives