« Sécurité alimentaire, retrouver la confiance est un enjeu politique » par Marietta KARAMANLI

Est paru dans « La Revue du Trombinoscope » de mai 2019 une de mes contributions les enjeux de la sécurité alimentaires. J’y formule quelques priorités pour renforcer celle-ci et la confiance des consommateurs dans les produits.

Après avoir rappelé que les aliments ne sont pas une marchandise comme les autres et que la sécurité alimentaire est bien considérée comme une priorité des pouvoirs publics tant au plan national qu’européen, les risques restent réels liés selon moi à plusieurs facteurs, la longueur des chaînes alimentaires (des producteurs aux consommateurs), les fraudes de quelques uns et l’affaiblissement du sens de ce que c’est que nourrir et manger.

Améliorer le système suppose de renforcer les contrôles indépendants, mieux associer les consommateurs et leurs représentants aux suites données en cas de dysfonctionnements enfin priviliéger les produits de qualité, la proximité et l’engagement des producteurs en identifiant ceux-ci.

Marietta KARAMANLI

 

 

Les aliments ne sont pas des marchandises comme les autres et la sécurité alimentaire qui couvre à la fois la protection des consommateurs contre les tromperies volontaires et les risques sanitaires est devenue un enjeu politique.

En 2014,  un rapport de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée Nationale « Retrouver la confiance des consommateurs européens », dont j’étais la co-rapporteure[1],  pointait, un an après le scandale de la viande de cheval, le quadruple enjeu de la sécurité alimentaire : mieux tracer les produits ; contrôler et analyser les produits (denrées et méthodes) ; informer de façon claire le consommateur ; et faire prévaloir les préférences collectives en matière de qualité de l’alimentation.

Les dispositions légales européennes et nationales existent qui font de la sécurité alimentaire une priorité. La réglementation, une des plus abouties, vise tous les aspects : la production et l’étiquetage ; les sécurités biologique et chimiques ; certains labels ou produits ; Il existe aussi une autorité européenne de la sécurité des aliments [2]formulant des conseils scientifiques « pour protéger les consommateurs…des risques associés à l’alimentation » et une agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation[3], mais qui n’ont pas le pouvoir de prendre des mesures contraignantes ou des sanctions. Parallèlement un réseau d’alerte existe et les autorités nationales, elles, contrôlent, font respecter les normes et sanctionnent quand c’est nécessaire.

Pourtant « les affaires » restent d’actualité et le doute perdure. Trois raisons l’expliquent : les chaînes alimentaires sont longues et complexes ce qui augmente les risques ; les contrôles doivent être suffisamment nombreux et variés car dans les affaires de fraude et de non-respect de l’hygiène au sens large, c’est la peur d’être attrapé qui peut être dissuasive à l’égard des auteurs ; enfin il faut faire en sorte que, côté producteurs et fabricants, produire soit non seulement un acte économique mais aussi éthique et que, côté consommateurs, manger reste un bénéfice et un plaisir.

Vaincre la défiance suppose une amélioration du système dans son ensemble.

Plusieurs pistes sont envisageables me semble -t-il.

Il faut d’abord mieux articuler les contrôles « internes » laissés à l’appréciation des professionnels et les contrôles indépendants faits par les autorités (en France, les services vétérinaires et la DGCCRF[4]) en donnant à ces derniers des moyens suffisants et adaptés à leurs missions en tenant compte des types de fraudes, de leurs fréquence et gravité.

Il faut aussi mieux associer les représentants des consommateurs à la gestion des suites à donner aux crises de façon à enrichir l’éventail des mesures.

Au plan européen, il convient de réfléchir à renforcer les prérogatives de l’autorité européenne de façon à ce qu’elle soit « une force » qui puisse mieux contraindre les États qui ne font pas respecter la législation, puisse rendre publiques les fraudes et les fraudeurs et coordonne la lutte contre ceux-ci.

De façon plus globale, il faut privilégier les systèmes agro-alimentaires locaux et de qualité et rendre leurs produits facilement identifiables. Si ces exigences ont un coût, elles représentent aussi une opportunité : celle de valoriser des produits européens et nationaux en garantissant la qualité qui leur est associée.

[1] Rapport d’information n° 1836 « Un an après le scandale de « la viande de cheval », retrouver la confiance des consommateurs européens, commission des affaires européennes, Marietta Karamanli et Arnaud Richard,  Députés.

[2] EFSA

[3] Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation de l’environnement et du travail (ANSES)

[4]Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dépendant du ministère de l’économie.