« Tribune contre la réforme de la police judiciaire, pourquoi je m’inquiète de mesures qui oublient sa spécialisation et fond ses moyens avec ceux d’autres services » par Marietta KARAMANLI

Comme 92 députés et sénateurs socialistes et apparentés, j’ai signé une tribune parue dans la Journal du Dimanche dénonçant la réforme de la police judiciaire.

J’a signé cette tribune pour m’inquiéter d’une réforme d’une réforme initiée sans concertation avec les agents, sans évaluation des expérimentations ou du moins de leurs échecs, présentant le risque d’une non affectation des moyens aux besoins et des priorités des investigations et enquêtes contre le crime organisé et un appauvrissement plus global de la sécurité face à une délinquance qui se réinvente sans préoccupation des limites administratives.

Ainsi la « fongibilité » ( le fait de fondre ensemble) des moyens irait à l’encontre de la spécialisation gage d’efficacité des enquêtes.

Cette tribune fait part de nos inquiétudes partagées par de nombreux responsables de la police et des magistrats.

Là comme ailleurs la vigilance emportait de défendre la spécialisation, les moyens dédiés et une bonne articulation à trouver entre services.

Marietta KARAMANLI

Retrouvez la tribune sur le site du Journal du Dimanche (JDD) https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-police-judiciaire-des-deputes-et-senateurs-socialistes-et-ecologistes-denoncent-la-reforme-4139387

« Navarro, Julie Lescaut, le commissaire Moulin, Laure Berthaud, Maigret avant eux… Ces visages familiers de la PJ (police judiciaire) sont entrés dans notre culture collective. Personnages de fiction, ils incarnent aussi la réalité de ces services spécialisés dans la criminalité organisée et les affaires les plus complexes, des flics capables de travailler sur le temps long, de réunir preuves et témoignages, indices et arguments. Ils côtoient procureurs de la République et juges d’instruction.

Ce sont des policiers nécessairement à part, disposant de temps et de moyens différents pour mener à bien leur mission et s’attaquer efficacement aux très gros délinquants. Ce modèle fonctionne, il inspire d’autres pays. Mais il est aujourd’hui menacé.

La réforme de la police actuellement expérimentée dans plusieurs départements, sans que quiconque dispose du moindre début d’évaluation, risque de faire disparaître cette PJ si elle est finalement généralisée et appliquée sans qu’aucune leçon n’ait été tirée des expérimentations. Les policiers de la PJ, dépendant actuellement du niveau supra-départemental, seraient « réinjectés » dans des services départementaux fusionnés ; ils pourraient effectuer un travail n’ayant plus rien à voir avec celui de la PJ, comme l’encadrement de manifestations sur la voie publique. Cette réforme, menée sans concertation et d’abord dans un souci de pure rationalisation budgétaire, sacrifie tout à la lutte contre la petite et la moyenne délinquance.

C’en serait donc bientôt fini des « ­Brigades du Tigre », créées par ­Clemenceau en 1907 précisément pour pouvoir dépasser le cadre départemental et affronter la complexité des filières criminelles, une complexité nationale et internationale qui ne fait que se renforcer… Grand banditisme ou évasion fiscale pourraient demain être délaissés pour répondre à la politique du chiffre de Nicolas Sarkozy ressuscitée par son héritier Gérald Darmanin .