Marietta KARAMANLI « Réforme de la Constitution : une réforme qui renforce la prééminence présidentielle sans contrepartie ni contre-pouvoir en faveur de la représentation nationale dans sa diversité qu’assure le Parlement, une réforme que j’ai tenté d’amender »

 

Le Président de la République entend modifier les institutions.

Il a fait déposer un projet de loi dite « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ».

Est affirmée une nouvelle fois la prééminence du Président sans augmentation réelle des pouvoirs vis-à-vis du Parlement.

Est souvent entretenue la confusion sur la confusion entre ce régime et un régime présidentiel.

Dans le système français : le Président est élu au suffrage universel, le 1er Ministre est l’exécutant du Président (sauf cohabitation), enfin le fait majoritaire condamne à «la subordination » les députés de la majorité présidentielle et exclut le plus souvent l’opposition de la discussion productive quant aux mesures finalement adoptées.

Deux exemples de mesures envisagées par le Président et sa majorité illustrent cette volonté de réduire les contre-pouvoirs ; elles visent à donner plus de priorités et de temps aux projets de l’exécutif et à  déclarer plus facilement irrecevables ( c’est-à-dire non examinables) des textes venant des parlementaires et qui ne seraient pas du domaine de la loi qu’a déjà réduit fortement le texte de la Constitution dès 1958.

Je l’ai dit nous l’entendons souvent dans leur bouche, certains pensent que la démocratie c’est toujours trop long alors qu’un chef bien inspiré c’est mieux ! Les députés et sénateurs prendraient trop de temps pour discuter les lois, et notamment en défendant trop d’amendements ; pourtant l’efficacité c’est aussi de faire entendre les différents points de vue sur un projet que tous devront appliquer ; aujourd’hui  ils n’entendent pas de satisfaire d’un discours qui diminue cette efficacité là.

Ces raisons m’ont amené à demander le renvoi du projet en commission lors de la séance publique du 10 juillet 2018 au cours de laquelle le texte était examiné.

Assemblée nationale, XVe législature, Première session extraordinaire de 2017-2018, Compte rendu intégral, Première séance du mardi 10 juillet 2018

Le président.

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe Nouvelle Gauche.

Mme Marietta Karamanli.

Si le régime présidentiel américain est fondé sur l’équilibre des pouvoirs, le régime français aboutit au contraire à une subordination du Parlement vis-à-vis du Président de la République. Plusieurs professeurs de droit ont évoqué cette nouvelle révision constitutionnelle ; M. Mathieu Touzeil-Divina a notamment parlé de la « continuité d’une République qui rationalise toujours plus son Parlement ». Ce projet de loi constitutionnelle, bien loin d’innover, s’inscrit dans la droite ligne des précédents. Les titres du chapitre du rapport consacré au Parlement ne trompent pas : « raccourcir des délais d’examen trop longs » ; « lutter contre le dévoiement du droit d’amendement » ; « assouplir les modalités de fixation de l’ordre du jour » – avec notamment une possibilité nouvelle de dérogation au profit de l’exécutif.

La question de l’ordre du jour est d’ailleurs symptomatique de cette tentation incontrôlée de l’exécutif de rationaliser le travail parlementaire – rationaliser, en l’occurrence, cela veut dire utiliser des procédés techniques et politiques qui permettent de faire marcher droit. Ce sont des procédés orthopédiques

Claude Goasguen.

Très juste !

Mme Marietta Karamanli.

Pourtant, le Gouvernement, avec l’appui de sa majorité, a déjà la possibilité de maîtriser l’ordre du jour législatif ; pour chaque texte, il fait passer tout ce qu’il veut. Le Gouvernement est sûr de ne pas être chahuté politiquement, ni mis en minorité ; le fait majoritaire y pourvoit. Pourtant, l’exécutif en demande toujours plus : avec cette modification, le Gouvernement pourra ajouter des textes déclarés prioritaires à un ordre du jour pourtant déjà maîtrisé.

Je pourrais citer d’autres exemples, notamment les nouvelles irrecevabilités opposables aux propositions de loi ainsi qu’aux amendements déposés par les représentants de la nation.

Bruno Questel.

Quelle aigreur !

Mme Marietta Karamanli.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres que je n’ai pas le temps de détailler ici, le groupe Nouvelle Gauche votera le renvoi en commission du projet de loi constitutionnelle.

(Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR et LR.)

Source image  : capture image depuis la vidéo de la séance sur le site de l’Assemblée Nationale