Marietta KARAMANLI « Formation des policiers, un enjeu pour la sécurité, la nécessité d’affirmer celle-ci comme un droit des agents, de renouer les liens avec le monde de l’université pour vérifier la pertinence de nos doctrines, de dessiner une trajectoire des dépenses de formation pour les adapter aux besoins »

Source image, capture depuis la vidéo de la réunion sur le site de l’Assemblée Nationale

Ce 21 février 2022, je suis intervenue dans les débats de la commission des finances de l’Assemblée nationale à la suite de la remise d’un rapport thématique de la Cour des comptes à la demande de l’Assemblée Nationale relatif à la formation des policiers.

Ce rapport fait suite à d’autres travaux de l’Assemblée notamment ceux de la commission d’enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité,  qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou  de la police municipale ou de la commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre. A chaque fois j’avais contribué aux réflexions et propositions.

J’ai fait trois propositions.

D’une part, si la formation pour les agents de la police et de la gendarmerie, est une obligation elle doit aussi être pensée et affirmée comme un droit des agents, droit à la formation initiale et continue au long d’une carrière, avec des rendez-vous pluriannuels, des priorités et des financements adaptés.

D’autre part, il est important de créer des liens entre le monde académique (universitaire) et la police pour produire des connaissances pouvant être utilisées au niveau de la formation et en opérations.

Enfin il faut disposer d’une trajectoire de la dépense de formation de la police et de la gendarmerie pour la suivre, l’analyser et la discuter tant au niveau national que local de façon à s’assurer que les objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes notamment de priorités sont bien poursuivis.

Retrouvez la vidéo de mon intervention sur le site de l’Assemblée Nationale

Monsieur le Président,

Monsieur le 1er Président,

Cher-e-s Collègues,

Le rapport, qui nous a été transmis et dont nous discutons ce jour, est un rapport circonstancié sur la formation « de » et « dans » la police.

Il fait suite à plusieurs rapports importants élaborés et adoptés par notre Assemblée.

Je citerai :

  • le rapport de la commission d’enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité,  qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou  de la police municipale ;
  • ou le rapport de la commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre.

Les deux missions ont à chaque fois évoqué l’enjeu de la formation.

Au final de la 1ère mission, on trouve des recommandations que l’on peut résumer au travers de quelques verbes : unifier la formation ; revaloriser la formation initiale ; organiser la formation continue.

 Au sortir de la 2nde, on retrouve des préoccupations comme faire de la formation une priorité ; assurer une formation de base relative au maintien de l’ordre et commune à tous les agents ;  « reprofessionnaliser » les forces spécialisées face aux nouvelles configurations de gestion des foules avec le nécessité de distinguer les techniques de déploiement en cas de violence urbaine et celles de déploiement face à des rassemblements et manifestations.

Le rapport éclaire certains des enjeux de l’organisation de l’action de « formation », de la dépense dédiée, et esquisse des incitations de nature à en faire une préoccupation constante et convergente des corps et de l’encadrement.

J’ai deux petits regrets.

S’il y a quelques comparaisons avec la formation des policiers dans d’autres Etats européens, il n’y a pas la mise en évidence de ce que pourraient être de bonnes pratiques partagées ; je reviendrai sur ce point un peu plus loin.

Parallèlement, la lecture du rapport malgré de nombreuses données, ne permet pas de savoir quels sont les grands thèmes de la formation toutes dépenses confondues, initiale et continue et tous corps confondus.

Une cartographie de la dépense d’ensemble serait bienvenue.

Elle permettrait de savoir si la préparation et les connaissances professionnelles proposées, au-delà des techniques du maintien de l’ordre, permettent aux policiers d’appréhender les défis d’une délinquance au quotidien « multiforme », avec des thèmes transversaux mais aussi locaux.

Au-delà de la connaissance et du suivi utile pour gérer les moyens, il faut une volonté politique pour faire vivre ces thèmes et les porter.

A ce titre je ferai trois suggestions.

D’une part, la formation si elle est un devoir pour les agents de la police et de la gendarmerie, doit aussi être pensée et affirmée comme un droit des agents, droit à la formation initiale et continue au long d’une carrière, avec des rendez-vous pluriannuels, des priorités et des financements adaptés.

Un tel droit illustrerait le pacte républicain et doit être aussi considéré comme un moyen d’attractivité et un vecteur de promotion pour les agents.

D’autre part, la formation doit s’appuyer plus fortement sur la recherche, encore insuffisante.

Comprendre les contraintes et obligations et rendre transparents les enjeux de la sécurité, ou encore lutter contre le stress et améliorer le bien-être des agents supposent des analyses et des outils et il est important de recréer des liens entre le monde académique (universitaire) et la police pour produire des connaissances pouvant être utilisées au niveau de la formation et en opérations.

A ce titre, notre pays doit aussi accepter de participer aux efforts engagés par d’autres pays pour exposer, comprendre et comparer les méthodes et les effets attachés à celles-ci ailleurs. Il faut vérifier l’effectivité et l’efficacité de nos doctrines officielles.

Je l’ai, moi-même, écrit en contribution d’un des deux rapports.

Enfin il conviendrait que la trajectoire de la dépense de formation de la police et de la gendarmerie soit suivie, analysée et discutée tant au niveau national que local de façon à s’assurer que les objectifs quantitatifs et qualitatifs en termes notamment de priorités sont bien poursuivis.

En un mot notre Assemblée doit se saisir de ce rapport pour améliorer nos objectifs et l’utilisation de nos moyens au service d’une police bien formée et donc plus efficace.

Merci de votre attention.

Marietta KARAMANLI

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