« Faire des vaccins de vrais biens publics, en négociant mieux avec les entreprises privées qui les produisent à partir de recherches financées par le public, accélérer leur accès à tous les pays, rendre plus transparentes les stratégies d’achat et de distribution » par Marietta KARAMANLI

Je suis intervenue mercredi 23 février 2022 dans les débats sur une proposition de résolution relative à l’accès universel à la vaccination et à l’augmentation de la production de moyens de lutte mondiale contre la Covid.

Source image, capture d’écran depuis la vidéo de la séance sur le site de l’Assemblée Nationale

Plus précisément j’ai rappelé que la communauté internationale ne peut laisser seules les multinationales concentrer les fruits d’une recherche largement financée par les crédits publics (la recherche publique) et les deniers sociaux (l’assurance maladie). Dans notre monde, selon plusieurs études,  les contribuables financent à environs 75 à 80 % les recherches sur les médicaments, puis les États laissent les grandes entreprises transnationales utiliser les bénéfices pour racheter leurs propres actions.

J’ai insisté pour que la communauté internationale fournisse des vaccins, des tests, des traitements à tous les pays, car plus vite le virus prendra le dessus, avec l’émergence de nombreux variants potentiels, plus il y aura un risque que les vaccins d’aujourd’hui deviennent moins efficaces. Il nous faut donc mieux partager pour mieux nous protéger.

Enfin je plaide pour que les instances internationales, publiques mais aussi non gouvernementales, soient pleinement associées à la définition de stratégies prévoyant les conditions d’achat, de programmation, de stockage, d’allocation et de distribution des vaccins. En effet le débat public et le contrôle opéré devant l’opinion sont de nature à rendre transparente la gestion de ce bien public et à faire mieux accepter la vaccination.

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Monsieur le Rapporteur,

Cher-e-s Collègues,

La proposition de résolution déposée par nos collègues de La République en Marche est intéressante en ce qu’elle constitue par son article unique un appel à favoriser l’accès universel à la vaccination et à l’augmentation des capacités de production.

Cet appel soutient les efforts :

  • pour améliorer l’accès à la vaccination via notamment l’initiative « Santé + » de la Commission européenne ;
  • faire partager cette position dans le séngociations mondiales ;
  • et in fine consacrer les vaccins comme des biens publics mondiaux.

Dès novembre 2020 les député-e-s socialistes et apparentés avaient déposé une proposition de résolution visant, entre autres, à ce que La France pose la question d’un vaccin comme « bien commun universel ».

Ce texte affirmait que des discussions devaient  être engagées sur la coopération internationale à mettre en œuvre au  bénéfice des pays les plus pauvres.

En mai 2020 le Président de la République avait déjà annoncé s’engager à, je cite, « le rendre disponible, accessible et  abordable pour tous ».

La convention d’Oviendo, connue comme la convention sur les droits de l’homme et la biomédecine dispose, à son article 3, que les parties, en l’espèce, les Etats prennent, compte tenu des besoins de santé et des ressources disponibles, les  mesures appropriées en vue d’assurer, dans leur sphère de juridiction, un accès équitable à  des soins de santé de qualité appropriée.

Cette convention internationale est l’unique instrument juridiquement contraignant relatif à la protection des droits humains dans le domaine biomédical.

L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à laquelle j’ai l’honneur de représenter notre Assemblée, s’est déjà prononcée par une recommandation sur la nécessaire répartition entre pays, et eu sein d’un même pays entre les publics prioritaires et les autres.

Les crises sanitaires que nous vivons doivent constituer une opportunité pour repenser nos priorités sociales mais aussi économiques.

Je souhaite apporter trois observations éclairant l’objet de la proposition de résolution.

La première concerne la place et le rôle des États dans la stratégie de recherche sur les vaccins et les traitements, et ce, dans leurs relations avec les grandes entreprises du médicament.

La communauté internationale ne peut laisser seules les multinationales concentrer les fruits d’une recherche largement financée par les crédits publics (la recherche publique) et les deniers sociaux (l’assurance maladie).

Dans notre monde, selon plusieurs études,  les contribuables financent à environs 75 à 80 % les recherches sur les médicaments, puis les États laissent les grandes entreprises transnationales utiliser les bénéfices pour racheter leurs propres actions.

Ces pratiques concernent des dizaines de milliards de dollars ou euros.

L’État doit réagir, en lien avec ces grandes entreprises, et mieux gouverner les brevets sur les vaccins et les médicaments en vue d’assurer le bien public.

Comme l’explique l’économiste Mariana Mazzucato, il y a diverses façons de mener un partenariat public-privé .

Il peut y avoir une négociation entre des pouvoirs publics , des chercheurs et une entreprise privée.

Les connaissances créées peuvent être partagées plus largement, avec des brevets plus faibles pour le seuls exploitants.

Il y a différentes façons de faire et certaines sont meilleures que d’autres, pour les gens du monde entier.

Au final la mission n’est pas seulement de fabriquer le vaccin, mais de vacciner tout le monde!

Ma deuxième observation reprend la demande d’un accès équitable aux vaccins

S’il y a eu hier des retards dans les livraisons pour les pays les plus riches, cela signifie aussi que les pays avec les revenus plus faibles ont vu alors leurs perspectives d’accéder aux vaccins se tendre encore plus.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS,  l’avait rappelé…

« plus longtemps nous attendrons pour fournir des vaccins, des tests, des traitements à tous les pays, plus vite le virus prendra le dessus, avec l’émergence de nombreux variants potentiels, avec un risque plus important encore que les vaccins d’aujourd’hui deviennent alors inefficaces ».

Il nous faut donc mieux partager pour mieux nous protéger.

Ma dernière observation porte sur l’accès équitable aux vaccins et  l’acceptation par la population de la vaccination.

Il faut mettre au point des stratégies de vaccination.

Cela passe, je pense par le fait que les instances internationales ,publiques mais aussi non gouvernementales, soient pleinement associés à la définition de stratégies prévoyant les conditions d’achat, de programmation, de stockage, d’allocation et de distribution des vaccins.

En effet le débat public et le contrôle opéré devant l’opinion sont de nature à rendre transparente la gestion de ce bien public et à faire comprendre à celle-ci que nous sommes engagés en faveur :

  • d’une diffusion équitable ;
  • de conditions de sécurité élevées pendant la mise au point ;
  • et d’un suivi rigoureux de la santé de la population mondiale.

Comme vous le comprenez cet texte a le mérite d’être un signal à l’attention

de nos concitoyens,

de l’opinion publique, des autres Etats

et des organisations internationales en faveur de mesures claires et opérationnelles au profit de la santé de tous.

Ce signal même s’il est affaibli en ce sens qu’il ne porte ni obligation pour notre Etat ni pour nos partenaires internationaux porte un message qui va dans le sens d’une reconnaissance des vaccins et de médicaments comme des biens publics indispensables pour rendre notre monde plus sûr et plus solidaire.

Nous voterons donc ce texte.

Merci de votre attention.

Marietta KARAMANLI

Retrouvez mon intervention sur le site de l’Assemblée Nationale