« L’hydrogène vert, un enjeu pour la France, un défi à relever en fonction des progrès techniques et des coûts » par Marietta KARAMANLI

Dans une tribune parue dans la revue du Trombinoscope de février 2022, je fais un point bref de ce que le développement de l’hydrogène vert, à distinguer de l’hydrogène dit gris qui utilise des combustibles fossiles, pourrait apporter à la France et l’Europe qui sont engagées dans son développement.

Notre pays dispose de deux atouts : une recherche publique et privée investie dans ce secteur ; une industrie qui produit et qui parce qu’elle produit peut innover. Il faut les soutenir dans leurs développements.

Se pose la question aussi de ce qui sera un secteur de concurrence entre Etats.

En tout état de cause, deux éléments sont importants : les progrès scientifiques et techniques ; et les coûts qui s’attacheront aux différentes sources d’énergie renouvelables.

Marietta KARAMANLI

https://www.trombinoscope.com/telechargement/Revues/267/R267.pdf

Parler de l’hydrogène c’est évoquer une source d’énergie dont on attend beaucoup sans forcément qu’on en ait défini l’origine et les potentialités.

Si l’hydrogène semble être un atout pour lutter contre le réchauffement climatique, sa production actuelle nécessite l’utilisation de combustibles fossiles tels que le charbon ou le gaz naturel qui la rendent coûteuse dans un contexte de transition énergétique. C’est l’hydrogène gris ; il représente 95 % environ de la production de l’hydrogène mondial. Si on utilise une proportion importante d’électricité d’origine nucléaire on parle alors d’hydrogène jaune. Il à noter que cette production dépend d’un combustible fossile rare qu’est l’uranium.

On évoquera donc l’hypothèse d’une production d’hydrogène vert né par électrolyse de l’eau à partir d’énergies renouvelables, qui représente aujourd’hui environ 5 % de la production mondiale. En l’état sa production reste chère de l’ordre de quatre fois le prix de l’hydrogène gris.

Voilà pour la définition. Est posée parallèlement la question des secteurs qui pourraient l’utiliser au mieux.

En effet la mobilisation autour et pour l’hydrogène de demain ne se fera probablement pas autour des véhicules légers mais bien dans le domaine industriel et dans celui des transports comme le train, le bateau ou encore l’avion. Il est à noter ici que les deux derniers modes de transport cités sont hors d’atteinte de l’électrification et sont donc ceux qui pourraient « profiter » le plus et le mieux de l’hydrogène.

La France dispose de deux atouts pour être proactive dans ces domaines. Elle dispose d’une recherche publique et privée active qu’il convient de promouvoir et de financer. D’ores et déjà certains acteurs de la technologie nés de partenariats public et privés comme une filiale du CEA[1] occupent une place importante dans ce secteur.

Notre pays bénéficie aussi d’une industrie qui produit et peut donc innover. Ainsi Airbus soutenu par l’Union européenne et les Etats membres, développe un avion à hydrogène qui pourrait être opérationnel en 2035. La France devrait y contribuer à hauteur de 1,5 milliards d’euros sur trois ans.[2]  Cette technologie disponible pour verdir l’aviation serait notamment viable pour les courts et moyens courriers.

Mais la France n’est pas seule dans la course à la production de l’hydrogène. L’Union européenne a heureusement son programme et bon nombre d’Etats se sont dotés de stratégie de développement d’une filière « hydrogène ». Ils nourrissent de grands projets.

Cette place prise demain par l’hydrogène, à un rythme qui reste à découvrir, aura aussi des conséquences géopolitiques : géographie des investissements ; évolution de l’influence des pays producteurs ; concurrence entre eux et entre pays importateurs, toutes choses qui dessineront de nouveaux liens.

Si notre pays mise sur un développement de la filière, il n’est pas le seul. En tout état cause, deux éléments devront guider nos décisions les connaissances scientifiques qui détermineront les réelles possibilités et le coût respectif des différentes alternatives.


[1] https://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/institutionnel/hydrogene-societe-genvia-officiellement-lancee.aspx

[2] Pour un certain nombre de spécialistes, l’avion à hydrogène pose de nombreuses questions et reste en l’état une chimère car « les défis techniques et opérationnels sont d’une ampleur inégalée », cf https://www.revolution-energetique.com/lavion-a-hydrogene-est-une-chimere/