Marietta KARAMANLI « Changement climatique et transition écologique, quatre propositions pour asseoir le droit à un environnement sain : instaurer un objectif de protection climatique dans les traités commerciaux internationaux ; donner un statut de biens communs aux ressources naturelles ; prendre en compte les impacts économiques du réchauffement dans les comptabilités des très grandes entreprises ; inscrire le principe d’une recherche de progrès environnemental dans nos politiques publiques »

A l’occasion de deux interventions devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), j’ai défendu quatre propositions venant en appui des réflexions visant à faire plus de place au « droit à un  environnement sain » et à affirmer « le rôle de l’Etat de droit face au changement climatique » et défendre les droits des personnes dans ce contexte.

Ces propositions visent à :

  • 1 instaurer un objectif de protection climatique dans les traités commerciaux internationaux ;
  • 2 donner un statut de biens communs aux ressources naturelles ;
  • 3 prendre en compte les impacts économiques du réchauffement dans les comptabilités des très grandes entreprises ;
  • 4 inscrire le principe d’une recherche de progrès environnemental dans nos politiques publiques.

Elles (les propositions 1 et 3) visent à obliger les Etats à mieux prendre en compte les effets des échanges commerciaux en termes de production de carbone mais aussi au niveau de la biodiversité, à faire en sorte que le coût écologique et social de certaines productions soient identifiés dans les comptes de ceux qui produisent ce qui aura un effet sur la valeur des actifs des banques entre autres (on ne peut dire qu’il faut produire « décarboné » et financer sans limite ni interrogation des industries dont le bilan carbone est très mauvais).

Parallèlement les ressources naturelles (comme l’air, l’eau, les océans, mais aussi des espaces naturels…) doivent obtenir un statut qui les protège mieux et en empêche une appropriation privée et une ’exploitation sans limite. La recherche publique dédiée à rendre notre environnement plus sûr doit faire partie des priorités des Etats et de leurs opérateurs.

C’est le sens des propositions 2 et 4.

Il s’agit certes de propositions à discuter, expertiser et délibérer et il faudra du temps mais les défendre les met dans le domaine du possible et des objectifs à atteindre!

Marietta KARAMANLI

Ma première intervention le 29 septembre au matin

Mme Marietta KARAMANLI, France, SOC

11:08:18

Merci, Monsieur le Président.

Mes chers collègues,

Je souhaite tout d’abord adresser tous mes remerciements aux quatre rapporteurs pour les analyses et propositions dans des sujets qui, finalement, travaillent dans cette complémentarité autour des questions de crise climatique.

Je souhaite plus particulièrement insister sur deux rapports, celui de notre collègue M. Simon MOUTQUIN, rapporteur, pour le remercier pour ses propositions tendant à renforcer les dispositifs et conventions du Conseil de l’Europe en matière de droit à un environnement sain, et celui de Mme Edite ESTRELA pour la remercier pour ses observations et suggestions visant à renforcer l’État de droit face à la crise climatique.

Je m’arrête sur ces deux rapports car j’aurais souhaité aussi porter deux propositions en complément de celles exposées. La première est relative à la nécessité d’instaurer un objectif de protection climatique dans les traités commerciaux internationaux. La deuxième est celle de donner un statut à ce que l’on appelle les biens communs.

Au premier cas, il apparaît indispensable de tenir compte des préoccupations sociales et environnementales dans le cadre des échanges économiques et commerciaux internationaux. Des traités sont désormais conclus et seront conclus encore pour assurer l’accès de biens et services à des zones économiques. Si ces traités visent à faciliter les échanges économiques, ils sont parfois moins protecteurs que le droit local en matière de défense de l’environnement et de la santé.

Il convient donc de faire en sorte que le droit à un environnement sain soit garanti au regard de la multiplication des échanges qu’entraîne, de facto, leur conclusion. Il est suggéré que ces projets de traités puissent faire l’objet d’une évaluation indépendante avant leur conclusion, sous forme de bilan carbone et aussi d’évaluation du maintien de la biodiversité.

Mon autre observation vise à donner un statut de biens communs à des ressources naturelles partagées entre tous les États. Ce concept de « biens communs », autrement dit de ressources partagées et gérées collectivement par une communauté, doit être réactualisé.

Si la propriété privée fait figure de pierre angulaire du droit dans un grand nombre de sociétés et d’États depuis deux siècles et constitue aussi une protection avérée pour les personnes, leur liberté, il est aujourd’hui nécessaire de retrouver et garantir le statut de biens communs à des ressources naturelles.

Cette notion existait en droit romain ou encore dans la législation du Moyen Âge et les exemples sont nombreux. Ils sont autant de biens pour lesquels une réflexion nouvelle et innovante doit être menée en droit pour en garantir l’accès au plus grand nombre, à tous. Au-delà de la définition d’un nouveau statut, c’est aussi une protection renouvelée de l’État de droit au service de la démocratie à laquelle nous travaillons alors.

Notre Assemblée a le pouvoir et le devoir d’agir en ce sens.

Je vous remercie vraiment tous pour le travail que vous avez fourni et nous restons attentifs aux évolutions attendues.

Retrouvez mon intervention sur le site de l’APCE

https://pace.coe.int/fr/verbatim/2021-09-29/am/fr#speech-14359

Retrouvez la vidéo de mon intervention sur le même site

Ma deuxième intervention le 29 septembre après-midi

Mme Marietta KARAMANLI. France, SOC

18:17:20

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Je souhaite tout d’abord remercier Mme Edite ESTRELA pour son rapport visant à lutter contre les inégalités en matière d’un environnement sain et sûr, et M. Olivier BECHT, tout à l’heure, qui nous a parlé, lors de son rapport, des politiques de recherche en matière d’environnement.

Bien sûr, mes remerciements à tous les autres rapporteurs depuis ce matin, M. George PAPANDREOU, notre collègue M. Pierre-Alain FRIDEZ et puis M. Ziya ALTUNYALDIZ qui nous a parlé tout à l’heure, qui ont contribué significativement à poser les enjeux et à définir un cadre nouveau à l’action du Conseil de l’Europe en matière de protection des personnes, de l’environnement et de transition écologique, et ce au-delà du seul changement climatique.

Je ferai deux propositions concrètes en complément de celles exposées.

La première concerne la lutte pour le changement écologique. Les personnes bénéficiant des revenus annuels les plus élevés sont celles qui émettent le plus de CO2 par an. Si la redistribution économique est indispensable, elle ne saurait suffire, à elle seule, à lutter contre les menaces climatiques et environnementales. Il nous faut donc transformer en profondeur et collectivement les infrastructures dont nous dépendons. Si les États entendent investir dans des infrastructures plus écologiques, il faut aussi faire en sorte que la finance ait la même préoccupation.

En l’état, je dirais que les impacts économiques du réchauffement ne sont pas pris en compte dans les comptabilités d’entreprise, ni dans celle des États. Ils sont donc sous-estimés. Seul le risque financier direct et de court terme est pris en compte. Il en résulte que les institutions financières prêtent à des industries fortement carbonées alors que le discours public est celui d’investir dans la transition écologique. Ce point peut apparaître un peu technique mais il est en fait politique. Il nous faut donc agir en faveur d’un cadre financier et j’appelle à de nouveaux travaux de notre Assemblée sur ce point.

La deuxième proposition concerne la recherche, notamment publique, parce que la recherche et l’innovation sont au cœur des solutions que nous pouvons et devons apporter face au changement climatique et à la nécessaire protection écologique vers laquelle nous souhaitons et voulons tendre.

Il y a pourtant une crise. La recherche-développement, malgré le fait d’être à l’origine de formidables progrès, ne suffit pas à enrayer la dégradation climatique. Il convient donc d’inscrire le principe d’une recherche de progrès environnemental dans nos politiques publiques. Il nous faut aussi mettre en place de grands programmes de recherche dédiés, en évaluant leurs bénéfices au regard de ceux du développement d’autres technologies plus consommatrices de ressources et porteuses de moins d’avantages socio-économiques.

Enfin, un tel choix suppose de s’appuyer sur des connaissances scientifiques, sur la transparence des processus, sur la reconnaissance des incertitudes et suppose aussi l’établissement de scénarios proposant des options, en mettant en évidence ce qui se passe si on fait ou si on n’agit pas.

Là encore, le Conseil de l’Europe et notre Assemblée, particulièrement, peuvent proposer, orienter et construire avec les États et leurs sociétés civiles des objectifs et des méthodes utiles à tous.

Voilà ce que je voulais partager avec vous, mes chers collègues, et je vous remercie de votre attention.

Retrouvez le texte de mon intervention sur le site de l’APCE

https://pace.coe.int/fr/verbatim/2021-09-29/pm/fr#speech-14567

Retrouvez le texte de la vidéo de mon intervention sur le même site

https://vodmanager.coe.int/coe/webcast/coe/2021-09-29-2/FR?startAt=11797