Marietta KARAMANLI « Comprendre nos institutions pour les transformer et les rendre plus efficaces, mes commentaires sur la chaîne de télévision LCP dans l’émission Place de la République »

Il y a déjà plusieurs mois, j’ai participé à plusieurs émissions «pédagogiques » réalisées par la chaîne de télévision parlementaire LCP en vue de faire découvrir, comprendre, analyser et discuter nos Institutions.

Diffusées en mai 2018, ces émissions constituent 13 épisodes à retrouver en « replay » sur la chaîne à partir du lien

Elles ont été rediffusées au long de ce mois de septembre.

Vous pouvez retrouver mes analyses et commentaires dans quatre d’entre eux sur les thèmes suivants :

– Pourquoi le vote des lois est il si long ?

http://lcp.fr/emissions/place-de-la-republique/286310-pourquoi-le-vote-des-lois-est-il-si-long

– Le parlement représente t-il vraiment les français ?

http://lcp.fr/emissions/place-de-la-republique/286308-le-parlement-represente-t-il-vraiement-les-francais

– Donne t-on trop de souveraineté à l’Union Européenne ?

http://lcp.fr/emissions/place-de-la-republique/286304-donne-t-trop-de-souverainete-lunion-europeenne

– La France est-elle une monarchie républicaine

http://lcp.fr/emissions/place-de-la-republique/286301-la-france-est-elle-une-monarchie-republicaine

A la suite vous pouvez retrouver l’ensemble des éléments d’analyse que j’ai utilisés et qui éclairent mes commentaires et propositions.

Je vous souhaite un bon visionnage et une bonne lecture.

Cordialement

Marietta KARAMANLI

I Pourquoi les lois mettent elles autant de temps à être votées?

Il faut d’abord remettre en perspective

Sous la législature précédente (15ème) 75 % des textes adoptés sont d’origine gouvernementale et 25 % sont des propositions des deux chambres.

Sous la précédente législature près de 40 % des textes ont été des conventions à agréer ou ratifier.

Le temps moyen (2014- 2015) serait d’environ 7 mois entre le moment de l’adoption au Conseil des ministres et la publication au Journal Officiel.

Il faudrait (selon les statistiques du sénat) environ 6 mois pour que les décrets (textes de la compétence du 1er ministre) pour l’application d’une loi soient pris.

Le temps moyen serait donc d’environ 13 mois un peu plus d’une année.

Le gouvernement a recours à plusieurs moyens pour aller plus vite.

Ainsi la procédure accélérée (on parlait de l’urgence avant la réforme constitutionnelle de 2008) permet au gouvernement de décider de soumettre à une commission mixte paritaire (CMP = 7 députés et 7 sénateurs) un texte ayant fait l’objet d’une seule lecture par chacune des chambres.

C’est une procédure qui prive les deux chambres d’une possibilité d’examiner un texte de façon approfondie après plusieurs navettes…ce qui serait la procédure normale…l’exception devient la règle.

L’Assemblée a le dernier mot après s’il y désaccord au sein de la CMP.

Il y a aussi le recours à la procédure de l’article 49-3 qui permet au gouvernement de lier son sort à un texte de loi et de dire à sa majorité si vous en êtes en desaccord voter la défiance et constituer une majorité contre…le texte est adopté sans discussion.

Ce qu’il vous voir c’est le côté inflation du nombre de textes

En 2000 il y avait en vigueur 9 000 lois (adoptées par le parlement) et 120 000 décrets (textes pris par le pouvoir exécutif)

Chaque année : il y a 70 lois et 1 500 décrets ; en 2017 il y a eu 59 lois promulguées ; 102 en 2016 ( loi et conventions internationales)

Chaque année : plusieurs dizaines d’ordonnances (prises par le gouvernement dans le domaine de compétences du parlement avec son accord)

Chaque année : des lois régulièrement modifiées.

Projet de loi de finances (budget et fiscalité) pour 2018 : 178 articles (une vingtaine au moment du dépôt)

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 : (sécu et fiscalité) 57 articles hors annexes.

Le code général des impôts (CGI) : près de 2 000 articles (seule partie législative)

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations :

–              comptait 10 articles ;

–              modifiait potentiellement 675 article du Code Civil. Un nouveau projet d’adaptation des dispositions est en cours.

Plusieurs raisons peuvent être citées.

Notre monde d’interdépendance alimente la fonction de coopération entre Etats et le droit qui en résulte

L’impératif de transposition du droit européen est à l’origine d’un 1/3 des lois

Plus de droit génère une activité pour y échapper et amène à refaire la règle : ex le droit fiscal (activité des cabinets d’experts pour imaginer des montages).

De façon plus générale, il y a la volonté de créer des normes, souvent complexes, qui se sédimentent et rendent plus complexes les modifications à faire.

Il y a surtout l’appropriation des normes par les acteurs.

Je le regrette le Parlement n’évalue pas assez les lois votées.

Je prendrai un exemple récent ; le projet de loi « Etat au service d’une société de confiance ».

Le projet de loi est accompagné d’une étude d’impact.  Cette étude d’impact apparaît, à bien des égards, insuffisante.

Le Conseil d’Etat, lui-même, a pointé le caractère lacunaire de celle-ci sur plusieurs dispositions phare, comme l’instauration d’un droit à l’erreur, l’opposabilité des textes de l’administration, la généralisation des rescrits…

L’étude fait aussi un peu l’impasse sur le bilan de l’existant pour en tirer les leçons pour l’avenir et, chose étonnante, sur l’Europe et aucune approche comparée de fond n’est présente dans l’étude.

A titre d’exemple je rappelle ici le cas de la loi du 12 novembre 2013 qui a renversé le principe classique selon lequel le silence gardé par l’administration vaut rejet.

Dans ce cas le requérant le malheureux administré doit, avant de formuler cette demande, s’assurer que son objet ne figure pas parmi les 1300 exceptions listées dans 41 décrets.

C’est étonnant car il me semblait que l’état d’esprit du Président de la République était en effet de donner priorité à l’évaluation des textes et à la nécessité de prendre ce qu’il y a de « meilleur » chez nos proches voisins.

Il serait bon d’envisager de doter l’assemblée nationale d’un véritable service d’audit et d’évaluation des politiques publiques à l’instar du NAO (National Audit Office)  au Royaume Uni…( sur le site du NAO  on peut lire « Our recommendations and reports help government improve public services, and our work led to audited savings of £1.21 billion in 2015 »… « this is the highest level of financial savings to date for the taxpayer, and is equivalent to £19 saved for every pound spent » ; lors de la réforme des juridictions financières en 2010 je notais que les moyens, tels que décrits par l’étude d’impact jointe au projet, étaient marqués par une diminution du nombre de magistrats et un nombre très limité de personnels affectés aux missions d’évaluation des politiques publiques alors même qu’au Royaume Uni un organisme ayant cette mission employait alors plus de 800 personnes. Peut-être pourrait-on envisager de faire appel en tant que de besoin aux inspections générales de l’Etat dans le cadre de missions dédiées aux seuls besoins du Parlement.

D’un Parlement et d’élu, vus comme dépensiers nous pourrions avoir l’objectif d’un parlement contrôleur efficace et générateur d’économies et / ou de réaffectation au bénéfice du plus grand de la dépense publique.

II Le parlement représente-t-il les Français?

La question est à mon sens à deux niveaux

1 Est-ce un organe de représentation et agit-il en fonction du mandat donné ?

Et

2 Représente-t-il bien les Français-es, ce qui est la question de sa représentativité?

Deux assemblées à la désignation différente

Le Parlement rassemble des élus qui représentent les citoyens. Ils légifèrent (c’est-à-dire votent les lois) et contrôlent le Gouvernement. Le Parlement représente les citoyens.

En général, dans la plupart des démocraties parlementaires, le Parlement est composé de deux chambres (on parle de parlement bicaméral). La chambre dite « basse » est désignée au suffrage universel direct selon un mode de scrutin variable en fonction des États.

Il n’existe pas systématiquement de seconde chambre.

Le Sénat (348 élus), élu pour six ans depuis 2003 (contre neuf ans auparavant) au suffrage universel indirect

L’Assemblée nationale, dont les députés (577 élus) sont élus au suffrage universel direct pour cinq ans.

Nous avons donc déjà deux assemblées avec des caractéristiques différentes : l’une le Sénat plus axée sur la représentation des territoires et collectivités locales, l’autre représentant le suffrage universel.

Un mandat de représentant fondée sur la responsabilité politique

Je crois que de façon générale il faut au-delà de la critique facile considérer que le fait de détenir un mandat électif général ou politique est une manifestation de la démocratie. La démocratie directe y compris par le net a ses inconvénients : avis et vote par juxtaposition de points de vue à un moment ; pas de responsabilité dans le temps tirée de son affirmation et de ses effets ; pas de discussion contradictoire ; peu ou pas de collégialité…

Le Parlement dans notre pays a peu les moyens du mandat confié

Sa légitimité repose aussi sur un constat d’efficacité toujours plus vrai, si j’ose dire : « à plusieurs « on » est meilleur que tout seul ». Le débat public améliore l’efficacité des dispositions que ce soit dans le sens de la justice (« chacun peut donner son point de vue ») ou de leur bonne application (« le terrain »).

Il se différencie alors de la décision bureaucratique qui a sa logique fondée sur celle de l’administration permanente et compétente techniquement à la différence des élus qui ne sont pas pérennes ou du moins dont le mandat est automatiquement et régulièrement remis en cause.

Mais soyons clairs et lucides.

Ce régime se caractérise par quelques éléments significatifs

Un Président élu au suffrage universel disposant d’importantes prérogatives Un exécutif bicéphale : un président et un gouvernement, ce dernier étant choisi par le Chef de l’Etat

Un parlement aux prérogatives limitées avec une majorité qui, sauf cohabitation, est dépendante et soumise au Président.

Une opposition ayant un rôle de figuration,

Enfin une loi contrôlée par un organe nouveau le Conseil Constitutionnel.

Dans ces conditions le parlement représente les Français-ses dans un cadre contraint, avec des prérogatives limitées et doit composer avec d’autres ce qui rend la décision très dépendante de l’exécutif et donc d’un autre choix par les Français-ses voire désormais par des institutions qui produisent des normes au niveau européen.

Une distorsion dans la représentation des catégories sociales

L’autre volet celui de la représentativité met en évidence une déformation entre élus et citoyens.

Les femmes ne sont que 39 % des députés et 29 % des sénateurs

Seuls 1 % des députés sont des ouvriers alors qu’ils représentent plus de 20 % de la population active.

Les chefs d’entreprise de plus de 10 salariés compte pour 0,2 % de la population mais représentent près de 5,45 % des députés depuis 2017 soit une représentation de près de 30 fois (27) supérieure à la vraie société.

Là est un véritable enjeu…

Diplôme, revenus, réseaux, temps et engagements, tout cela joue.

Ces inégalités jouent dans l’inégal accès aux responsabilités.

Lutter contre les inégalités c’est lutter pour l’accès aux responsabilités.

Les Partis doivent y attacher une réelle importance.

Leur politique doit traduire cette préoccupation.

Je dois dire que la nouveauté n’est pas un gage de cette priorité, qui devrait être priorité pour démocratiser la politique et priorité pour garantir le pacte républicain.

III L’UE constitue-t-elle une perte de souveraineté excessive ?

L’Union européenne (UE) peut être définie comme une association volontaire d’États européens.

Elle a la personnalité juridique par le traité de Lisbonne (art. 47 Traité de l’Union Européenne).

Depuis le 1er juillet 2013, l’UE compte 28 membres.

Un partage de compétences auquel les Etats ont consenti

Concrètement, le traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) distingue l’exercice de trois grands types de compétences, selon les domaines concernés :

–              Dans les domaines relevant des compétences exclusives (article 3), l’Union européenne est la seule à pouvoir légiférer et adopter des actes contraignants, le rôle des États-membres se limitant à appliquer ces actes (union douanière, politique monétaire, politique commerciale commune).

–              Dans le cadre des compétences partagées (article 4), l’UE et les États membres sont tous habilités à adopter des actes contraignants. Cependant, les États membres ne peuvent exercer leur compétence que dans la mesure où l’UE a décidé de ne pas exercer la sienne (marché intérieur, cohésion économique, sociale et territoriale, agriculture et pêche, environnement, espace de liberté, de sécurité et de justice).

–              Dans les domaines relevant des compétences d’appui (article 6), l’UE ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter l’action des États membres. Elle ne dispose donc pas de pouvoir législatif et ne peut pas interférer dans l’exercice de ces compétences réservées aux États membres.

La réduction ou l’extension des compétences de l’UE requiert l’accord de tous les États membres et nécessite une révision des traités. L’Etat conserve donc la compétence de sa compétence.

Un exécutif marqué par la prééminence des exécutifs des Etats

  1. Le Conseil européen

Le Conseil européen est la réunion des 28 Chefs d’État (le dernier Etat ayant adhéré est la Croatie) et de Gouvernement ainsi que du Président de la Commission européenne (« sommet européen »).

Il est la plus haute institution de la Communauté et constitue le sommet de la politique étrangère et de sécurité commune. Sa présidence change tous les six mois.

  1. Le Conseil de l’Union européenne

Le Conseil de l’Union européenne (Conseil des ministres) est composé d’un membre du Gouvernement de chacun des 28 États membres.

Il est le principal centre de décision politique de l’Union européenne, et donc le véritable pouvoir législatif de l’UE.

Une Europe confrontée à plusieurs crises

Comment l’Union européenne (UE), association volontaire d’États parmi les plus riches et les plus développés du monde, peut-elle générer chez bon nombre de ses habitants scepticisme ou rejet?

Si les Etats-nations ont perdu en substance et en efficacité dans leur ressort propre et que l’Europe peut le regagner et peut faire ce qu’ils ne peuvent (plus) faire seuls, comment se fait-il que cette idée de bon sens ne s’impose pas davantage ?

L’explication est probablement que les progrès à accomplir en matière budgétaire, économique et sociale sont liés aux progrès du fonctionnement démocratique de l’Union entre les Etats et au niveau de chaque Etat.

Est ainsi posée la question de la légitimité du droit et des politiques faites par l’Union et par les Etats.

La fabrication des normes et des actes pris par l’Union Européenne est un secret… bien gardé !

Aujourd’hui pour la plupart de nos concitoyens et même des parlementaires nationaux la fabrication des normes européennes  est une part «cachée» de l’Europe.

Les « lois » européennes relèvent souvent de dispositions peu « visibles » et souvent très techniques.

Au niveau de l’Union les approches qui prévalent sont le plus souvent des approches sectorielles, par nature fragmentées et les processus de négociations souvent sans fin et à tous les niveaux, tendent à diluer la signification globale des décisions.

A cela plusieurs raisons.

Il y a d’abord une pluralité de lieux de décision ou d’avis et de procédures parallèles qui ne s’articulent pas clairement.

Le parlement européen n’a pas l’initiative et de pouvoir d’exécution.

La commission, lieu « fort » n’est toujours pas élue.

Le conseil européen ressemble trop souvent à un conclave. J’emploie le mot de conclave (traduit du latin « avec une clef ») à dessein,  pour indiquer le caractère « quasi-initiatique » et « secret » des discussions entre Etats qui aboutisse à des décisions pour tous.

Il y a une absence de coordination entre le parlement européen et les parlements nationaux.

Parallèlement en l’état les seuls responsables des lois et des budgets même si leur inspiration sur plusieurs sujets clefs est organiquement européenne, sont les responsables politiques nationaux.

Face à ces constats il y a nécessité de clarifier les rôles et de réinjecter de la légitimité aux décideurs et aux processus de décisions européens.

Recréer de la délibération politique lisible

Ce qui manque à l’Europe c’est peut-être le moment du débat public et de la délibération politique préalables à toute appropriation par les citoyens des décisions les plus fortes au moment où elles vont être transcrites dans le droit.

Qu’on le veuille ou non, les parlements nationaux continuent de créer du débat public, des clivages, voire de la passion et évidemment produisent de la délibération politique, toutes choses qui donnent son sens à la loi comme expression de la volonté générale. Cela peut être matière à réflexion pour les Etats et l’Union Européenne.

En l’absence de progrès rapides sur la meilleure façon que s’impose une démocratie parlementaire « pour tous » et à l’européenne, il convient peut-être aujourd’hui, d’inventer un endroit où les parlementaires, nationaux et européens, de tous les Etats au sein de la zone euro voulant aller de l’avant puissent examiner, discuter, proposer et peser de façon contradictoire les orientations notamment dans les domaines économique et budgétaire. Il ne s’agit pas d’affaiblir le Parlement européen qui comporte des députés d’Etats non membres de la zone euro mais de renforcer les parlements nationaux qui veulent agir.

Les formes de ce nouveau pouvoir pourraient varier. Le principe serait que les parlementaires nationaux et européens concernés puissent discuter des orientations économique et budgétaire des Etats, de la mutualisation partielle des dettes et du contrôle des banques, et fixent un objectif d’endettement et un niveau de financement de la dette publique et de façon contradictoire et par un vote démocratique.

La convergence vers un niveau d’endettement « acceptable » n’aurait d’ailleurs pas pour conséquence de lier les différents Etats quant au niveau des prélèvements et des dépenses publiques et sociaux au sein de chacun d’entre eux.

Donner priorité à des grandes politiques européennes qui « embarquent » plus de monde

Il faut faire en sorte que les grands sujets européens progressent pour tous et embarquent plus de familles, plus de jeunes, plus de citoyens…

Les symboles sont nécessaires pour impliquer l’ensemble des citoyens et appeler à leur participation…

Il faut faire des politiques publiques le symbole d’une Europe populaire et c’est aussi à cela que les Parlements nationaux doivent s’atteler.

 

 

IV La France est-elle une monarchie républicaine ?

Ses caractères

Notre régime politique tel qu’il résulte de la Constitution du 4 octobre 1958 modifié par la réforme de 1962 (la réforme relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct (1962) a été réalisée non par la voie de l’article 89 mais directement par référendum, en application de l’article 11 de la Constitution) se caractérise par quelques éléments significatifs

Un Président élu au suffrage universel disposant d’importantes prérogatives Un exécutif bicéphale : un président et un gouvernement, ce dernier étant choisi par le Chef de l’Etat

Un parlement aux prérogatives limitées avec une majorité qui, sauf cohabitation, est dépendante et soumise au Président

Une opposition ayant un rôle de figuration,

Enfin une loi contrôlée par un organe nouveau le Conseil Constitutionnel.

Sa primauté presque sans limite dans l’exécutif

Dans le régime parlementaire, tel qu’il existe dans la plupart des pays d’Europe, le terme de gouvernement désigne l’organe collégial et solidaire composé de ministres placés sous l’autorité du Premier ministre (l’appellation de ce dernier peut varier : président du Conseil en Italie ou en France avant 1958, Chancelier en Allemagne) et qui a en charge le pouvoir exécutif.

Ce régime fonde l’autorité politique sur le principe de la responsabilité : le gouvernement détient l’autorité politique, car il est responsable devant le Parlement, tandis que le chef de l’État qui est politiquement irresponsable, assure une fonction d’arbitre et de garant de la continuité des institutions.

Cependant, la Ve République n’est pas un régime parlementaire classique.

À plusieurs reprises, le général de Gaulle, inspirateur du régime et Premier chef d’Etat élu au suffrage universel de la Vème République, a précisé que le gouvernement devait prendre en charge les « contingences » (politique économique, conflits sociaux, fonctionnement des services publics…), le président étant responsable de la place de la France sur la scène internationale, de sa défense, et plus largement des choix essentiels engageant son avenir. Cette appréciation n’a pas été démentie par ses successeurs.

Sa nature

L’éminent Constitutionnaliste Jean Gicquel l’avait lui, il y a déjà longtemps, qualifié de « régime présidentialiste à la française ».

En effet dans le système français : le Président est élu au suffrage universel, le 1er Ministre est l’exécutant du Président (sauf cohabitation), enfin le fait majoritaire condamne à «la subordination » les députés de la majorité présidentielle et exclut le plus souvent l’opposition de la discussion productive quant aux mesures finalement adoptées.

A l’inverse le régime présidentiel est fondé sur l’équilibre des pouvoirs et non sur leur subordination comme y aboutit le régime français.

Ce n’est donc pas le régime présidentiel qui a été en vue mais plutôt un régime présidentialiste redistribuant une partie infime du trop-plein des pouvoirs institutionnels de l’exécutif et qui n’ont de raison plus de raison d’être du fait

– d’une majorité globalement disciplinée,

– d’une opposition contrainte,

– et de l’externalisation forte de la norme vers le Gouvernement et ses services.

Des signes qui ne trompent pas

Certains signes ne trompent pas.

L’élection sur son nom lui confère une légitimité presque « domestique » au sens du Palais chez les Mérovingiens :

sur le gouvernement : les ministres sont souvent des anciens collaborateurs privés ou publics du Chef de l’Etat ; aucune Chef de l’Etat n’échappe à cette « manie » ( il nomme des très proches) ;

sur les députés : l’actuel président a lui-même choisi de mettre ou non un candidat en face de certains candidats anciens ministres « amis » ou qu’il estimait compatibles ;

son épouse a un statut alors même qu’elle pourrait vivre dans l’ombre ; ce n’est pas un « gros mot » ; regardez les séries sur le pouvoir dans les monarchies du Nord de l’Europe  ou la place et le rôle de l’époux de la Chancelière allemande.

La question de l’élection au suffrage universel

L’élection du Président de la République au suffrage universel concentre sur celui-ci une plus grande légitimité (1 contre 577 !)

L’élection du Président de la République préalable au choix des députés par les citoyens fait des élections législatives un tour complémentaire et final aux deux tours de l’élection présidentielle : les citoyens voudront donner une majorité au Président élu et cela accentuera le poids du Chef de l’Etat face aux députés élus sur son nom ou au nom de ses orientations.

On ne reviendra pas sur cette élection mais on peut revenir sur certaines prérogatives du Chef de l’Etat : la nomination du 1er ministre, la Présidence du Conseil des ministres, le droit de dissolution, et les redistribuer.