« Projet de loi de finances pour 2024 ( budget de l’Etat) un budget qui ne soutient pas suffisamment les familles, notamment modestes, qui ne finance pas assez la transition écologique et n’assure pas le financement des dépenses communes par une taxation adaptée et proportionnée des « très très riches » » par Marietta KARAMANLI

Source image, capture depuis la vidéo de la séance sur le site de l’Assemblée Nationale

Le 16 décembre 2023 j’ai exposé en séance publique les raisons pour lesquelles je ne voterai  pas, avec les membres du groupe socialiste et apparentés, le projet de budget pour 2024.

Ce refus a été motivé par trois raisons essentielles.

Premièrement ce budget ne soutient pas les Français. Le montant des dépenses quotidiennes n’a pas été aussi haut depuis très longtemps. L’État cherche à compenser d’un côté ce qu’il accorde de l’autre et il ne le fait pas en puisant chez les plus riches, ni dans les très grandes entreprises. La pauvreté n’a jamais été aussi haute : plus de 9 millions de pauvres en France, soit 15 % de pauvres dans la sixième économie du monde. La plus grande partie de la réduction de la dépense publique s’explique par l’arrêt de dispositifs exceptionnels instaurés pendant la crise énergétique, lesquels ont profité pour partie aux petits, ménages et entreprises. Par ailleurs l’affirmation de priorités éducatives et sociales ne s’accompagne pas des moyens nécessaires. L’État reprend 2 500 postes de professeurs qui auraient été bien utiles à l’école pour accompagner les enfants les plus en difficulté, qui sont souvent issus des familles les plus modestes. Pour les universités qui accueillent bon nombre des étudiants les plus fragiles, l’État décide de mesures qu’il ne finance pas et s’abstient de préparer l’avenir, alors que près de 2 milliards auraient été nécessaires.

Deuxièmement, ce budget ne soutient pas la transition énergétique. Un rapport remis à la Première ministre estime qu’il faudrait une dépense publique de l’ordre de 34 milliards d’euros chaque année d’ici à 2030 pour réussir la transition énergétique. Or le Gouvernement ne prévoit que 10 milliards d’euros, dont 7 milliards pour le ministère de la transition écologique : cela ne représente même pas le tiers de la somme nécessaire, alors même que ce montant augmentera du fait du refus d’agir et que des catastrophes sont devant nous.

Troisièmement, ce budget ne va pas dans le sens de la justice fiscale. Au cours du précédent quinquennat, 70 milliards d’euros d’avantages – certains diraient de cadeaux – ont été accordés aux plus riches et aux grandes entreprises. L’année dernière, s’y sont ajoutés 4 milliards de cadeaux, et de nouveau 4 milliards dans le présent budget. le montant des dividendes distribués n’a jamais été aussi élevé. Plusieurs études établissent cependant qu’un impôt rénové sur la fortune des plus riches rapporterait sans crise ni préjudice au moins 25 milliards par an.

Dans le système Français en cas de recours à l’article 49-3 de la Constitution, le seul moyen de répondre au gouvernement qui utilise cette procédure est de déposer une motion de censure. Le vote ne porte pas sur le projet de budget en lui -même mais sur la motion de censure qui lie l’existence du gouvernement à celle-ci. J’ai dons soutenu la motion de censure pour montrer mon opposition au budget, sachant que dans le cadre de l’utilisation de l’article 49-3 le gouvernement choisit les amendements qu’il veut parmi ceux qu’il a déposés ou acceptés de ceux déposés par les députés et sénateurs.

Le texte de mon intervention

Mme la présidente

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli

Une motion de censure est un acte de procédure législative habituel, bien qu’exceptionnel dans un régime parlementaire classique. La motion de censure y est la réponse standard, si vous me permettez l’expression, à l’engagement du Gouvernement à lier son sort à un texte qui n’a pas trouvé de majorité ou sur lequel il a peur de ne pas en trouver, raison pour laquelle il fait pression sur son camp et ses alliés. Reste que nous ne sommes pas dans un régime parlementaire classique. En effet, madame la Première ministre, c’est la vingt et unième fois que vous forcez la main au Parlement. Dans notre système, le chef de l’État, qui domine en tout la vie publique, ne peut être atteint qu’indirectement par un vote du Parlement, et la motion de censure reste un moyen de dire que l’on s’oppose au fond. Il nous faut donc revenir au désaccord de fond sur ce projet de loi de finances initiale pour 2024.
Notre collègue Christine Pires Beaune avait, en première lecture, précisé la position des députés socialistes et apparentés.
Premier point : ce budget ne soutient pas les Français. Le montant des dépenses quotidiennes n’a pas été aussi haut depuis très longtemps. L’État cherche à compenser d’un côté ce qu’il accorde de l’autre et il ne le fait pas en puisant chez les plus riches, ni dans les très grandes entreprises. La pauvreté n’a jamais été aussi haute : plus de 9 millions de pauvres en France, soit 15 % de pauvres dans la sixième économie du monde. La plus grande partie de la réduction de la dépense publique s’explique par l’arrêt de dispositifs exceptionnels instaurés pendant la crise énergétique, lesquels ont profité pour partie aux petits, ménages et entreprises. Parallèlement, l’État, en ne rehaussant pas le budget de 20 milliards d’euros pour compenser ce qu’il perd mécaniquement du fait de l’inflation, fait des économies à l’aveugle.
Enfin, l’affirmation de priorités éducatives et sociales ne s’accompagne pas des moyens nécessaires. L’État reprend 2 500 postes de professeurs qui auraient été bien utiles à l’école pour accompagner les enfants les plus en difficulté, qui sont souvent issus des familles les plus modestes. Pour les universités qui accueillent bon nombre des étudiants les plus fragiles, l’État décide de mesures qu’il ne finance pas et s’abstient de préparer l’avenir, alors que près de 2 milliards auraient été nécessaires.

Deuxièmement, ce budget ne soutient pas la transition énergétique. Un rapport remis à la Première ministre estime qu’il faudrait une dépense publique de l’ordre de 34 milliards d’euros chaque année d’ici à 2030 pour réussir la transition énergétique. Or le Gouvernement ne prévoit que 10 milliards d’euros, dont 7 milliards pour le ministère de la transition écologique : cela ne représente même pas le tiers de la somme nécessaire, alors même que ce montant augmentera du fait du refus d’agir et que des catastrophes sont devant nous.
Troisièmement, ce budget ne va pas dans le sens de la justice fiscale. Au cours du précédent quinquennat, 70 milliards d’euros d’avantages – certains diraient de cadeaux – ont été accordés aux plus riches et aux grandes entreprises. L’année dernière, s’y sont ajoutés 4 milliards de cadeaux, et de nouveau 4 milliards dans le présent budget.
Les quelques petites taxes sur les secteurs qui font les profits les plus contestables n’atteignent même pas le milliard d’euros de recettes. En revanche, le montant des dividendes distribués n’a jamais été aussi élevé. Plusieurs études établissent cependant qu’un impôt rénové sur la fortune des plus riches rapporterait sans crise ni préjudice au moins 25 milliards par an.
Les représentants de la majorité diront que les oppositions s’opposent, mais la discussion parlementaire a montré que les amendements des députés du groupe Socialistes et apparentés et ceux des autres groupes politiques issus de la gauche étaient presque toujours rejetés, notamment lors des discussions en commission des finances.
L’article 49.3 est idéal pour un gouvernement car il lui permet de choisir ses amendements. Hausse du Smic ? C’est non. Paradis fiscal pour la Fifa ? C’est oui. Baisse de la TVA sur les biens essentiels ? C’est non. Baisse de la TVA pour l’équitation ? C’est oui. Baisse de la TVA sur les transports en commun ? C’est non. Baisse de la TVA sur les œuvres d’art et les objets de collection ? C’est oui.

M. Gabriel Amard

Très bien !

Mme Marietta Karamanli

Si les objectifs d’une politique ne sont pas partagés et qu’il n’est fait aucun cas des propositions allant dans le sens des trois priorités que je viens d’exposer, comment une opposition de gauche pourrait-elle bien voter un texte contraire à ce qu’elle défend ?
La plupart des projets de loi, qui émanent du Gouvernement, ont été votés avec le soutien des voix de nos collègues Les Républicains. Ce n’est pas faire injure aux uns ou aux autres que de le rappeler. Un éminent historien a affirmé à raison que l’actuel Président de la République avait recomposé la droite et qu’il en était la figure centrale. C’est vrai.
Nous sommes d’ailleurs presque sûrs qu’un accord entre les groupes de la majorité présidentielle et celui des Républicains interviendra sur le projet de loi relatif à l’immigration.

M. Jean-René Cazeneuve

Il fallait voter, alors !

Mme Marietta Karamanli

Sur le budget, le 49.3 suffit, l’abstention de la droite étant l’alliée discrète qui permet de durer. Une fois ça passe avec le 49.3, une autre fois avec l’abstention, ou encore par un accord. Le « en même temps » institutionnel permet une recomposition qui penche très nettement à droite.
Il vous est certes loisible de raconter une histoire dans l’histoire en mettant la gauche en cause. Toutefois, d’après ses grandes orientations, c’est bien une politique de droite qui est menée.

Mme Sophie Taillé-Polian

Bien sûr !

M. Gabriel Amard

Eh oui !

Mme Andrée Taurinya

Et même très à droite sur certains sujets, comme la police et la justice !

Mme Marietta Karamanli

Retraite, budget, fiscalité, libertés, droits des étrangers : le basculement est déjà opéré et il va s’accentuer.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de censure sans aucun état d’âme. 

(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Et aussi dans la presse Elisabeth Borne déclenche un nouveau 49.3, pour faire adopter le projet de budget en nouvelle lecture (lemonde.fr)