« Réunion de coordination internationale des parlements en matière de lutte contre le terrorisme, mes interventions en faveur d’une meilleure association des parlements, d’une plus grande prise en compte des genres dans les politiques de dissuasion et de répression, de moyens adaptés pour suivre ce qui se passe aux frontières des zones sensibles » par Marietta KARAMANLI

Membre de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe au titre de l’Assemblée Nationale Française, j’avais il y a trois ans préparé et présenté un rapport « Protéger et soutenir les victimes du terrorisme » (2019) ; ses recommandations avaient été adoptées à l’unanimité par les représentants des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.

Fin janvier 2023,  je me suis rendue à l’invitation du Bureau des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme (UNOCT- ONU) à sa conférence constituant la troisième réunion de coordination des assemblées parlementaires et le premier dialogue politique parlementaire. Ils se sont tenus à Doha, État du Qatar, les 30 et 31 janvier dernier. Un des thèmes était  l’intégration de la dimension de genre dans la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent.

1ère diapo de ma présentation (en anglais)
Lors de la conférence aux cotés de la présidente de l’assemblée parlementaire latine et du secrétaire général du G7 des pays du Sahel

J’y suis  intervenue sur trois sujets.

Aux côtés de M Mauro MIEDICO, responsable du bureau UNOCT de l’ONU

1) Tout d’abord j’ai soutenu le principe que les parlements doivent être mieux associés dans la lutte contre le terrorisme. Il s’agit non seulement d’une politique de sécurité publique mais aussi d’une politique publique transversale, allant de l’éducation à l’indemnisation des victimes en passant par la sécurité qu’elle soit préventive ou répressive. J’ai suggéré que chaque assemblée puisse débattre annuellement de la politique de lutte contre le terrorisme, en commission ou séance, sur la base d’un rapport gouvernemental sur le sujet. Je propose aussi la création d’une délégation composée à la proportionnelle des groupes ou d’un rapporteur désigné dans la mesure du possible par une majorité qualifiée au sein de l’Assemblée et qui suive les travaux nationaux, fasse le lien avec les travaux des assemblées internationales et de l’ONU, et  soit le garant d’une coordination interne et d’une articulation internationale à partir d’un suivi des mesures les plus efficaces mises ou à mettre en œuvre. C’est un objectif ambitieux et nécessaire.

En compagnie des responsables de l’ONU -UNOCT

2) Je suis intervenue aussi pour qu’on prenne mieux en compte les  genres, femmes et hommes, dans la façon dont on aborde l’extrémisme violent. Souvent les victimes du terrorisme sont des femmes. Les femmes victimes du terrorisme, ont été malheureusement aussi victimes de violences sexuelles liées à celui-ci. Dans ces conditions la reconnaissance de la parole donnée aux victimes au travers des processus : de dialogue, de médiation, de justice réparatrice doit faire sa pleine et entière place aux victimes,        non de façon indifférenciée, mais bien en tenant compte de leur genre et des blessures, stigmates, préjudices subis à ce titre.

Plusieurs études ont montré aussi la place prise par les femmes dans des actions ou mouvements terroristes. Il ne faut pas se limiter mentalement à ne voir que des hommes et parallèlement il faut faire plus de place aux femmes dans les organes de police et en amont de renseignement ou dans ceux de la justice ou dans les organisations d’aide aux victimes. Enfin il faut donner la parole à celles et ceux, parfois invisibles, qui innovent, fabriquent, et font de la culture, de l’école, de la recherche scientifique et médicale de puissants facteurs de rassemblement. Femmes et hommes sont à égalité dans cette production. Il faut valoriser la différence comme une complémentarité et non comme un obstacle a priori. A ce titre la parole mixte, des femmes et des hommes est de nature à permettre un récit autre que la propagande.  Parce que ces voix, sont proches, crédibles et écoutées sur les médias sociaux, elles peuvent être entendues par la diversité des celles et ceux qui ont besoin de penser différemment face à une propagande. Enfin nous le savons les actes de terrorisme visent à empêcher la cohésion sociale. Pour y faire face il faut, me semble -t-il, initier des politiques publiques qui embarquent le plus de citoyens possibles…donc les genres.

3) Enfin la gestion et la coopération internationales aux frontières est essentielle (c’était un thème de la conférence). Ces sujets font l’objet de mesures et de formations par l’ONU à destination des Etats les plus sensibles. Les frontières sont souvent des zones et régions pour lesquelles existent historiquement une délinquance et une criminalité nées de trafics illicites, ces querelles et affrontements ethniques et parfois religieux, des revendications territoriales et politiques ; ces facteurs se conjuguent pour rendre les dites zones particulièrement sensibles à des violences et actes terroristes. J’ai formulé deux interrogations avec en creux deux suggestions :  savoir s’il existe des cartographies dynamiques qui recensent les actes violents, leurs évolutions quantitatives et aussi territoriales et si ce sont des outils utilisés pour évaluer et peut-être prédire la conflictualité ? si elles ne sont pas encore disponibles,  les établir ; savoir quels moyens locaux sont mutualisés pour protéger et dissuader les attaques ?

J’ai écrit à Mme La Secrétaire générale de l’APCE pour lui faire le compte-rendu de mes prises de position et lui indiquer être disponible pour continuer à faire le lien entre l’APCE et l’ONU et son agence spécialisée dans un domaine sensible et important.

Marietta KARAMANLI