« Métamorphoses du travail : promouvoir la portabilité des droits des travailleurs ; adapter la redistribution des richesses ; partir des expériences et promouvoir la dialogue social » par Marietta KARAMANLI (retour sur quelques interventions des mois passés -1)

Le 5 juin 2019 j’ai participé aux  « 5es Rencontres pour le Travail et l’Emploi » dont le thème était les métamorphoses de l’emploi. J’ai, à cette occasion, apporté quelques éléments de réflexion en vue d’échanger les participants notamment des représentants d’entreprises.

Mon propos s’est articulé autour de quatre idées simples : le travail connaît une métamorphose profonde ; la  protection du travail est, elle-même, en évolution permanente ; il  y a un paradoxe important à notre époque à savoir que l’économie est « une », mondiale et globale, et que les solidarités, elles, restent très nationales ; enfin il y a des interrogations sur l’accompagnement de l’évolution du travail et celle des statuts de ceux qui travaillent.

A cette occasion j’ai défendu trois principes

– la portabilité des droits des travailleurs et salariés ; Il faut protéger mieux les protéger : activités ; formations ; revenus et protection sociale doivent dessiner de vrais parcours avec une portabilité des droits !

– la lutte contre les inégalités économiques avec une redistribution de la richesse qui doit  être réinventée ; je pense entre autres à la fiscalité des entreprises du numérique mais aussi d’autres secteurs ; il faut revoir les modèles d’imposition pour capter la valeur produite par des entreprises qui échappent jusqu’à présent à l’imposition sur les sociétés.

– enfin le changement n’est possible que s’il est acceptable ce qui renvoie à l’idée que l’expérience des gens est fondamentale et doit être prise en compte ce qui suppose une réelle représentation et une véritable expression des travailleurs eux-mêmes ; au final je considère que le dialogue avec les partenaires sociaux et les représentants des salariés classiques mais aussi ceux des travailleurs nouveaux ou atypiques est une priorité.

J’ai souhaité partager ces idées qui fondent mon engagement.

Marietta KARAMANLI

Table ronde « Les Révolutions du travail », Marietta KARAMANLI, députée de la Sarthe,

 Tout d’abord je souhaite remercier les organisateurs de m’avoir associée aux réflexions de cette journée.

Le sujet de cette table ronde est à la fois vaste, suscitant des interrogations et appelant des innovations.

Mon propos, peut-être un peu décalé, sera axé autour de quatre idées simples qui relèvent plutôt de la méthode que de solutions toutes prêtes dont d’ailleurs le secret me paraît encore bien garder !

La 1ère idée est que le travail est en transformation profonde

Il y a de nouveaux défis et des réponses à y apporter. Plusieurs constats peuvent être faits.

Le 1er constat est que le débat sur la transformation du travail par

  • le numérique ,
  • le big data ,
  • l’automatisation ,
  • les algorithmes et l’intelligence artificielle,

est dominé par des interrogations et des craintes.

2ème constat

C’est une transformation par étapes et si je prends l’automatisation c’est un processus progressif.

3ème constat

De nombreuses activités et professions qui n’étaient pas concernées le sont aujourd’hui : ex les enseignants, les journalistes, les médecins…

4ème constat

Les ration « perdants / gagnants» varie d’un pays à l’autre et les inégalités progressent de façon trop importante.

La 2ème idée est que la protection du travail est, elle-même, en évolution permanente.

La protection sociale et ses volets santé, vieillesse, famille sont des secteurs anciens et en mutations constantes.

Sans remettre en cause ses fondements, le changement les concernant doit répondre à une certaine représentation qu’en ont ceux qui financent et ceux qui en bénéficient.

Ce qui suppose que ceux qui travaillent, quel que soit leur statut, entendent financer selon leurs moyens et bénéficier selon leurs besoins, avec des gradations mais selon un principe de mutualisation collective pour, entre autres, une raison d’efficacité, fondée sur la taille critique et le partage des financements et des risques.

La « sécu » et la protection sociales sont, depuis toujours, un vaste chantier de réformes pour réaliser les adaptations nécessaires.

C’est l’évolution du mode de production et du modèle économique qui depuis plus de cent ans amène à augmenter le champ, faire varier les risques, et utiliser des techniques financières plurielles : capitalisation ; mutualisation ; répartition ; individuelle ; d’entreprise ou fondées sur la solidarité nationale…

Mais malgré ces formes diverses il y a deux conceptions qui s’épousent ou se séparent : certains voient dans la protection sociale, seulement une charge qui revient à chacun ; d’autres y voient un investissement certes individuel mais aussi social et collectif

La 3ème idée est qu’il y a un paradoxe important à notre époque à savoir que l’économie est « une », mondiale et globale, et que les solidarités, elles, restent très nationales

Pour faire simple le développement économique et les solidarités sont depuis plus d’un siècle en Europe inextricablement liés : ils sont dans un rapport, si j’ose dire, de compétition mais aussi d’apports et de partages réciproques.

Pourtant un des changements majeurs de ces dernière décennies est que le développement économique (pour faire simple) a rapidement choisi un cadre international et que les politiques sociales sont restées de l’ordre des questions intérieures à chaque État ce qui a probablement conforté l’idée que la globalisation économique avait définitivement gagné la partie et que la solidarité, limitée, l’avait perdu.

Cette simple situation renvoie à l’idée selon moi que les États doivent avoir une approche internationale.

La circulation des personnes,

Les échanges de biens,

Les défis, qui ne soucient pas ou qui remettent en cause les frontières, sont déjà là.

La 4ème idée ou interrogation, que l’on peut esquisser, porte sur l’accompagnement de l’évolution même du travail et celle des statuts de ceux qui travaillent.

Je ferai trois observations générales :

►Les changements sont beaucoup commentés, pour les louer ou les dénoncer mais les efforts pour les accompagner restent modestes.

Je pense par exemple à la formation où, au final, il ne passe pas autant de choses qu’on le dit.

►Ce qu’il faut protéger ce sont les travailleurs plus que les emplois : activités ; formations ; revenus et protection sociale doivent dessiner de vrais parcours avec une portabilité des droits !

►La polarisation économique conduit à des inégalités croissantes : d’accès aux droits, de revenus et de patrimoine…la redistribution doit elle aussi être réinventer. Je pense entre autres à la fiscalité des entreprises du numérique mais aussi d’autres secteurs. Il faut revoir les modèles d’imposition pour capter la valeur produite par des entreprises qui échappent jusqu’à présent à l’imposition sur les sociétés. Certaines unités fédérées (Californie et New-York) des Etats-Unis taxent les sociétés en tenant compte du montant de leurs profits mondiaux consolidés, et de la fraction de leurs ventes mondiales faites dans l’Etat concerné.

► Enfin ce que je sais c’est l’évolution n’est possible que si elle est acceptable. À ce titre je pense que l’expérience des gens est fondamentale.

Cela renvoie à la formule d’un philosophe Gilles DELEUZE qu’affectionne mon fils et qui disait «je me suis toujours senti empiriste, c’est-à-dire pluraliste ».

Cela suppose de vrais dialogues avec les partenaires sociaux et les représentants des salariés classiques mais aussi des travailleurs nouveaux ou atypiques ; c’est avec eux que nous pourrons y apporter des réponses.

Comme le dit Patrick BOUCHERON, historien et professeur au Collège de France quand on l’interroge sur l’avenir, il faut et il faudra être vigilant et imaginatif.

Merci de votre attention

Marietta KARAMANLI