« Retraites , un projet de loi inquiétant, une procédure ne donnant pas de réelle marge au Parlement » par Marietta KARAMANLI

 

Le projet de loi sur les retraites est désormais connu puisqu’adopté le 24 janvier 2020 par le Conseil des ministres.

J’avais avant, interrogé le gouvernement sur le texte qui n’était ni arrêté dans sa rédaction définitive  avant son examen par le Parlement ni très lisible dans ses objectifs et modalités et par là même déjà inquiétant.

Dans une question écrite posée et parue au Journal Officiel j’écrivais, après avoir listé certains points posant problème  (déséquilibre au regard des carrières des agents publics, abandon des meilleures années et déséquilibre en défaveur des salariés connaissant des aléas personnels et professionnels, insuffisance de sécurité sur la valeur du point, nature de l’autorité fixant le point, prétexte du déficit , existence critiquable d’un âge pivot avec malus avant et après si départ avant)… ces « interrogations de fond qui créent le sentiment que si des efforts sont demandés leurs effets ne seront pas justes et créent encore une insécurité sociale. Elle lui demande s’il entend procéder à une réelle négociation et non une simple concertation, sans retour, avec les partenaires sociaux. »

Voir ma question écrite à la ministre des solidarités http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-25845QE.htm

Mme Marietta Karamanli attire l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le projet de réforme des retraites à l’origine d’un vaste mouvement de protestation sociale. Ce projet comporte trois axes : unifier des régimes distincts ; remplacer la référence aux meilleures années par un système de points ; équilibrer les déficits par des recettes nouvelles. À ceux-ci font pendant des questions de fond. L’environnement économique marqué par une arrivée sur le marché du travail des Français plus tardive et leur sortie plus tôt que dans d’autres pays qui doit être mis en perspective avec un temps de travail des Français plus grand que celui constaté dans d’autres pays (comme l’Allemagne ou les Pays-Bas) et un recours au travail partiel plus limité. Dans le nouveau système de retraite « par points » les actifs cotiseront et accumuleront chaque année un certain nombre de points. Au moment de partir à la retraite, ce nombre total de points sera converti en pension. Néanmoins, les salariés, entre autres les agents publics, ont pu avoir des carrières avec des rémunérations plus limitées en ayant la perspective d’une retraite un peu plus avantageuse ce qui disparaîtra avec le nouveau dispositif. Par ailleurs, la retraite ne sera plus calculée sur les meilleures années, aussi les personnes ayant commencé plus tard ou ayant des aléas de vie professionnelle verront leurs retraites limitées. Parallèlement, le déficit prévu en 2025 à hauteur de 17 milliards d’euros s’avère plus lié à une baisse de recettes pour partie liée à la défiscalisation des heures supplémentaires qu’à des dépenses nouvelles. L’augmentation prévue sera concomitante de la fin d’un remboursement de dette sociale à hauteur de 16 milliards d’euros. Se pose aussi la question de la valeur du point : qui décidera et comment variera-t-elle dans le temps ? Enfin s’agissant de la question de l’âge « pivot » 64 ans : il s’agit de l’âge auquel un Français ou une Française pourra partir à la retraite, en touchant l’intégralité de sa pension de retraite ; avant il y aura un malus et après si le salarié est parti avant 64 ans ce malus perdurera, il pourra même être augmenté. Elle lui demande donc quelles réponses le Gouvernement entend apporter à ses interrogations de fond qui créent le sentiment que si des efforts sont demandés leurs effets ne seront pas justes et créent encore une insécurité sociale. Elle lui demande s’il entend procéder à une réelle négociation et non une simple concertation, sans retour, avec les partenaires sociaux.

Aujourd’hui le texte a été transmis au parlement.

Malheureusement les députés seront contraints par le temps d’examen, les conditions de délibérations limitées et une absence de logique d’examen. En effet l’étude d’impact qui accompagne le projet, comme souvent, éclaire faiblement les parlementaires sur les effets escomptés et autant que possible quantifiés (c’est un constat que j’ai déjà fait cf https://mariettakaramanli.fr/marietta-karamanli-habilitation-donnee-au-gouvernement-par-le-parlement-de-modifier-substantiellement-le-code-du-travail-mon-refus-de-laisser-a-lexecutif-le-droit-de-modifier-seul-s/ ). Par ailleurs la fameuse conférence sur le financement aura lieu après ce qui est paradoxal car ses conclusions ou recommandations devraient commander une partie du texte à adopter.

De façon évidente si une commission spéciale a été mise en place, les députés ne pourront réellement et de façon circonstanciée participer aux débats publics.

D’une part le texte est examiné selon la procédure accélérée ce qui supprime le délai de 6 semaines entre son dépôt et sa discussion (article 91 du règlement de l’Assemblée Nationale (RAN) ; selon cette procédure d’urgence, le texte ne fera l’objet que d’un examen par chaque assemblée (Assemblée nationale et Sénat ), et ce, en contradiction avec le principe posé par l’article 45 de la Constitution disposant que « Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux Assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque Assemblée ».

D’autre part, en séance les interventions des commissions et des députés sur les articles du texte en discussion ne  pourront  excéder  deux  minutes,  dans  la  limite  d’un  orateur  par  groupe  et  d’un  député  n’appartenant  à  aucun  groupe (article 95 du RAN). Pour ce qui est des amendements, outre   l’un   des   auteurs, seront appelés à donner brièvement leur point de vue le  Gouvernement,   le   président,   le   rapporteur  de  la  commission  saisie  au  fond  ou  le  rapporteur  de  la  commission  saisie  pour  avis  dans  les  conditions  prévues  à  l’article  87,  alinéa  2,  et  deux  orateurs, dont un au moins d’opinion contraire ( pour une durée maximal chacun de 2 minutes) (article 100 du règlement). Voir le règlement de l’Assemblée Nationale http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/reglement.asp

 

Si on y ajoute, les prérogatives de l’exécutif pour rappeler au droit chemin tout amendement qui n’aurait pas son accord, la discussion sera peut-être longue mais tronquée quant aux possibilités de modifier le projet. https://mariettakaramanli.fr/vote-de-la-hausse-de-la-csg-du-detriment-des-retraites-et-agents-publics-une-mauvaise-decision-a-laquelle-je-me-suis-opposee-par-des-amendements-des-votes-contre-et-un-recours-d/

Il faudra bien un jour « rééquilibrer nos institutions » https://mariettakaramanli.fr/reforme-de-la-constitution-mes-amendements-pour-rendre-plus-efficace-le-regime-politique-plus-equilibrees-les-relations-entre-pouvoirs-publics-et-celles-entre-pouvoirs-publics-et-citoyens-une-re/

J’entends bien déposer une contribution écrite circonstanciée sur les enjeux de cette réforme, les améliorations indispensables et les mesure de précaution à prendre si elle est adoptée par la majorité en l’état.

Marietta KARAMANLI