« Adoption d’une motion de rejet du projet de loi sur l’immigration, un texte durci au Sénat, largement discuté à l’Assemblée, peu amendé au fond, posant des problèmes de constitutionnalité et que je juge souvent contreproductif » par Marietta KARAMANLI

Le 11 décembre 2023 l’Assemblée Nationale devait débattre en séance publique du projet de loi sur l’immigration et l’intégration.

Une motion de rejet préalable a été votée par une majorité de députés présents.

Le projet initial présenté par le ministre de l’Intérieur avait été très fortement durci au sénat, le gouvernement s’en remettant sur plusieurs points à la majorité sénatoriale.

A  l’Assemblée le projet adopté par le Sénat a été rediscuté voir par exemple mon intervention du 21 novembre en commission des lois

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2324019_compte-rendu.

J’ai soutenu près de 140 amendements dont environ 25 ont été adoptés mais portant la plupart du temps sur de nouveaux articles qui revenant sur le projet initial le compliquaient, le durcissaient « facialement » ( c’est à dire de façon apparente) voire étaient contre-productifs par rapport à l’objet affiché.

A plusieurs reprises le projet de loi a fait l’objet d’observations sur le non respect de plusieurs dispositions constitutionnelles.

La Défenseure des droits, organe constitutionnel, s’est exprimée dans la presse à la suite d’un avis qu’elle a adressé au Parlement exprimant sa préoccupation sur plusieurs points.

https://www.defenseurdesdroits.fr/projet-de-loi-immigration-la-defenseure-des-droits-alerte-sur-les-graves-atteintes-aux-droits

Une motion de rejet prévue par l’article 91 du règlement de l’Assemblée Nationale https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/divers/texte_reference/02_reglement_assemblee_nationale.pdf a été proposée au vote des députés.

L’article 91 dispose qu’ « Il ne peut ensuite être mis en discussion et aux voix qu’une seule motion de rejet préalable, dont l’objet est de faire reconnaître que le texte proposé est  contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider  qu’il n’y a pas lieu à délibérer. L’adoption de la motion de rejet préalable  entraîne le rejet du texte à l’encontre duquel elle a été soulevée. »

Me concernant j’ai voté la motion de rejet ce qui ne supprime pas le texte mais le renvoie au Sénat ou devant une commission mixte composée à égalité de députés et sénateurs.

Le Gouvernement peut décider de garder ou non des amendements et choisit donc ceux qu’il veut garder.

J’ai fait connaître mon point de vue en commission notamment en indiquant qu’au delà de la question des droits il s’agissait d’un projet de loi dont l’efficacité et le réalisme interrogeaient et interrogent.

Efficacité , sur l’immigration dans les secteurs économiques en tension

Le projet de loi reprend des notions dont la portée a été précisée par une circulaire de 2019 dite « Valls » du nom du ministre de l’intérieur de l’époque. Il était et il est possible d’attribuer une carte de travail dans des métiers en tension  .

La texte de loi vise à déterminer les dits secteurs en tension qui seraient revus régulièrement.

J’ai posé en commission des lois la question de savoir si l’application cette circulaire avait été évaluée…

Le Ministre de l’Intérieur a, à la suite de ma question, proposé qu’on le fasse…personne ne semble t’il n’y avait pensé ( !).

Il y a trois problèmes

1 Certains secteurs ne sont pas en tension car justement il y a déjà des étrangers qui occupent les emplois… sans qu’on connaisse bien la possible diversité de leur statut actuel.

2 Certains étrangers ne pourraient voir leur situation clarifiée car ils ne sont pas salariés, ex les collaborateurs des plate formes ( ex Uber) car ils ne sont pas salariés même si dépendant comme des salariés de la dite plateforme ( horaires, rémunérations…).

3 De façon plus large le fait que l’UE ne cadre pas l’immigration économique pose problème.

La mise en concurrence de législations nationales

             plus ou moins favorables à l’entrée économique de migrants, selon des filières de production ou de services différentes et ce d’une région européenne à l’autre, ; d’ores et déjà existent des filières à demie légale si j’ose ( ex au Portugal ou en Italie).

             avec des conditions de langues, de diplômes, d’engagements, de regroupements familiaux différentes.

Elle porte en elle des problèmes à venir.

Equité (au sens de donner à chacun ce qui lui revient), de nombreuses autres mesures posent question

J’en citerai trois exemples

 A l’expérience je suis surprise du nombre de françaises et français qui ont de la famille, un proche, un ami à l’étranger  dont ils se portent ou veulent se porter garants souvent et qui ne comprennent pas pourquoi ça bloque pour les accueillir ici ; ce sont toujours des questions vues comme étant personnelles mais quand ca concerne beaucoup de gens dans ce cas ça s’appelle des problèmes collectifs ; demain ça risque encore plus de bloquer !

Le projet durci par le Sénat et par certains à l’Assemblée traite de façon indistincte les situations sans considération humaine  ou humanitaire.

1 Sur l’Aide médicale d’Etat (AME) , toutes les études montrent que les étrangers ne viennent pas pour elle mais qu’on risque de devoir soigner les personnes en urgence et que ça coûtera plus cher.

2 Sur la maîtrise de la langue, le texte revu  demanderait par exemple aux étrangers mariés de devoir parler la langue française vérifiée par un examen afin de pouvoir rejoindre leur conjoint en France…

On en est à discuter de l’examen, écrit ou oral…Il faudrait plutôt s’assurer qu’une fois en France on accompagne bien la personne pour s’insérer et donc à apprendre ou parfaire la langue !

On a des exemples de pays où la langue est une condition non pour refuser a priori mais pour s’assurer que les personnes concernes font les efforts utiles.

Je note que la France a perdu bien de ses ambition en termes de Francophonie alors de que grands pays comme l’Allemagne mettent en place des cours de leur langue à l’étranger.

3 Sur les procédures devant les juridictions spécialisée (Cour nationale du droit d’asile) en matière d’asile, le principe d’un jugement à plusieurs serait possiblement abandonné dans la plupart des cas, alors que la collégialité avec un juge membre du Haut comité aux réfugiés (HCR) présente un intérêt pour apprécier la réalité d’une persécution ou d’un risque.

Je publierai dans les jours à venir les notes et projets d’intervention que j’entendais faire lors de la discussion publique.

La liste de mes interventions en commission

Le 1er décembre 2023

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2324033_compte-rendu

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2324032_compte-rendu

Le 30 novembre 2023

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2324031_compte-rendu

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2324030_compte-rendu

Le 29 novembre 2023

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2324029_compte-rendu

Le 28 novembre 2023

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2324026_compte-rendu